Perte d'un proche chez l'enfant, en situation traumatisante
Parmi les variables du deuil traumatique chez l’enfant, son âge, la nature du traumatisme et la qualité de la relation avec le(s) parent(s) survivant(s) sont les critères majeurs de la pérennisation du choc affectif. Notre intérêt s’est trouvé, hélas, particulièrement actualisé avec les génocides du Rwanda, les actes de barbarie commis en Algérie et les multiples catastrophes survenant en France comme à l’étranger. Parmi les facteurs d’aggravation du deuil en situation de traumatisme chez l’enfant se trouvent :
— la brutalité de la perte, sa violence et son caractère « anormal » ;
— la désorganisation de l’environnement familial et a fortiori du groupe social ;
— le changement brusque de niveau économique de la famille ;
— la démoralisation du groupe familial et social ;
— les difficultés de communication au sein de la famille ;
— l’absence de soutien dans le groupe social élargi.
L’âge de l’enfant traumatisé. — Plus l’enfant est jeune et moins il dispose de représentations mentales verbali- sables pour exprimer ses émotions. Pendant longtemps, médecins, psychologues et autres éducateurs ont pensé que les enfants ne ressentaient rien, parce qu’ils ne disaient rien… Aujourd’hui tous les thérapeutes s’accordent pour utiliser d’autres canaux d’échanges avec l’enfant : le jeu, le dessin, écrire une lettre au disparu, etc.
La nature du traumatisme. — L’état de choc qui suit la mort d’un proche est majoré par les circonstances traumatiques. Les blessures physiques de l’enfant favorisent parfois un déplacement de l’angoisse sur les atteintes corporelles (pensons aux enfants qui perdent une jambe en sautant sur une mine…) et ne permettent pas le travail de deuil (cumul de la perte et de la mutilation). Les situations de mort collectives (meurtres) sont souvent déniées au profit de l’anticipation anxieuse (« et s’ils revenaient » pensent les petits rescapés d’un massacre) et bloquent tout travail de deuil.
Les relations avec le parent survivant. — La personnalité du parent survivant est le facteur principal d’expression du deuil de l’enfant. Pour des raisons à la fois affectives (l’enfant attend de ses parents l’autorisation tacite de dire sa souffrance), mais aussi économiques, car les difficultés matérielles hiérarchisent les priorités (vivre au jour le jour devenant plus important que l’expression du chagrin). Le sexe du parent survivant est primordial en raison de son fort pouvoir d’identification. Si le parent survivant est la mère, son chagrin donnera lieu à des manifestations plus extériorisées et les enfants seront plus expressifs. En revanche, si la mère est morte, les enfants s’identifieront plus au père et risquent d’être plus distants. Leur chagrin sera moins spectaculaire. D’ailleurs, le père survivant adresse moins de demandes d’aide psychologique que la mère.