Mise en place d’un bon système récompenses-punitions
Une fois les règles bien établies, il reste à les faire respecter. Après avoir ignoré les manquements tolérables, il faut réagir à ceux qui ne le sont pas. Cette réaction doit être immédiate et le moins possible émotive. D’un autre côté, lorsque l’enfant a un comportement positif, qu’il accède à l’une de nos demandes, il faut que la récompense soit aussi immédiate. La première façon de récompenser un enfant devrait être de lui donner de l’affection. Se faire dire qu’il est aimé, que ce soit verbalement ou par des gestes d’affection, est un besoin primordial de tout être humain. Pour un enfant, les marques d’affection doivent d’abord provenir des parents, d’autant plus que les enfants hyperactifs sont souvent ceux qui les apprécient particulièrement. Surtout que ces enfants reçoivent malheureusement tous les jours beaucoup trop de messages négatifs de la part d’autres enfants et des adultes avec qui ils entrent en relation. Il faut donc profiter de toutes les occasions pour leur transmettre des messages positifs, du simple toucher d’encouragement à l’accolade de plusieurs minutes. Il ne faut pas hésiter non plus à encourager et à remercier verbalement. Et en aucun temps les punitions ne devront priver l’enfant de ces marques d’affection. Il en a beaucoup trop besoin. Donc, même dans les situations de désaccord, l’enfant ne doit jamais douter de l’amour de ses parents. Une autre bonne façon de récompenser un enfant hyperactif est de mettre sur pied un système de jetons. On peut déterminer d’abord comment il peut gagner ces jetons. Il faut que l’enfant ait plusieurs possibilités chaque jour de les gagner. Vaut mieux qu’il en gagne plus souvent et qu’ils valent moins que le contraire. Il faut aussi déterminer à l’avance ce que peut apporter chaque jeton; ce peut être des biens matériels, mais aussi des faveurs. Ou encore le jeton peut avoir une valeur symbolique et, par exemple, être échangé contre la possibilité de jouer plus longtemps au Nintendo ou de regarder telle émission de télévision, etc. Il est préférable de prévoir les choses d’une façon positive plutôt que négative. Ainsi, il vaut mieux dire: «Tu as le droit d’utiliser le Nintendo trente minutes par jour. Si tu gagnes des jetons par ton bon comportement, tu pourras ajouter cinq minutes par jeton gagné» que le contraire: «Tu as le droit à une heure de Nintendo par jour, mais chaque fois que tu agis mal, tu perdras cinq minutes». Il faut aussi que les objectifs soient réalistes. Par exemple, si l’enfant doit passer une heure sans bouger pour gagner un jeton, cela risque de ne pas coûter cher, mais aussi de rendre tout le système inutile. L’enfant doit sentir qu’il peut gagner des faveurs sans avoir à réussir ce qui est pour lui un exploit. Même si aucun parent ne prend plaisir à punir, on doit malheureusement parfois en arriver là. Certes on peut viser, avec le Dr Thomas Gordon à éliminer complètement les punitions. Mais dans certains cas, en particulier dans le cas des enfants hyperactifs, je crois qu’il faut se préparer à y avoir recours, en espérant ne jamais en avoir besoin. Je vais maintenant vous parler d’un système de punitions qui m’a été largement inspiré par le Dr Marion Forgatch29. Avant d’utiliser ce système, il faut prendre le temps de discuter avec l’enfant afin de le mettre au point et de choisir les punitions. Il y aura trois types de punitions: le retrait (que les Américains appellent time-out), la corvée et la perte de privilège. Le retrait est à la fois une punition efficace et un moyen de détente pour l’enfant. Il se passe en général dans la chambre de l’enfant ou dans une autre pièce, selon une entente préalable. La durée est de cinq minutes, montre en main, et ne peut être prolongée de plus de cinq minutes. Le parent doit le plus possible rester calme et neutre au moment de donner l’ordre du retrait. Le parent ne parle pas à l’enfant durant le retrait. Lorsque la période de retrait est terminée, le sujet est clos. Aspect particulièrement intéressant, l’enfant n’a pas à s’excuser pour son comportement. La corvée sera utilisée lorsque le retrait est refusé par l’enfant, ou dans certains cas pour le remplacer. On définira à l’avance avec l’enfant le genre de corvées qu’on pourra lui imposer. La durée de la corvée ne dépassera pas cinq minutes et ne pourra se prolonger de plus de cinq minutes. On déterminera différentes corvées pour pouvoir utiliser cette punition en tout temps. La corvée devra pouvoir s’effectuer au moment même où elle est ordonnée. L’enfant devra être laissé seul pour faire sa corvée, après évidemment qu’on se sera assuré qu’il l’effectue. Le parent qui impose la corvée s’efforcera de rester calme et neutre. Il évitera de sermonner et d’argumenter. Comme pour le retrait, lorsque la corvée est accomplie, le sujet est clos. La dernière punition est la perte de privilège. Dans ce dernier cas, le parent n’aura pas besoin de la collaboration de l’enfant; il pourra donc l’utiliser en dernier recours. Le parent devra négocier avec l’enfant pour choisir le privilège qu’il pourra éventuellement supprimer si l’enfant n’obéit pas lors des demandes de retrait ou de corvée. Il faut que la perte de ce privilège dérange suffisamment l’enfant pour que la crainte que cela ne se produise l’incite à accepter les autres punitions moins sévères. Il faut cependant que cela soit acceptable pour l’enfant et, si possible, ne dérange pas sa vie sociale. Par exemple, il serait préférable que l’on ne supprime pas ses réunions scout ou ses pratiques de hockey auxquelles il tient tant. Il faudra finalement, dans la mesure du possible, faire savoir à l’enfant dans quelles circonstances ces punitions seront appliquées. En particulier, l’enfant doit savoir quelles situations amèneront les parents à imposer directement une corvée sans passer par le retrait. Le parent fait une intervention. Si l’enfant réagit positivement, il le récompense adéquatement. Sinon, le parent doit enta¬mer la série des punitions, en espérant évidemment ne pas avoir à aller plus loin. La première punition est le retrait, annoncé cal¬mement à l’enfant. L’enfant aura environ une minute pour obéir à la demande et, s’il se retire le temps prévu, la situation est close. S’il n’accède pas à la demande, le parent commence à ajouter des minutes: six minutes, sept minutes, etc., jusqu’à dix. Il laissera une dizaine de secondes à l’enfant pour obéir avant d’ajouter une nouvelle minute. À dix minutes, si l’enfant a obéi, tout est réglé. Si à dix minutes l’enfant n’a pas réagi, le parent lui annonce, toujours calmement, qu’il doit aller effectuer une corvée de cinq minutes immédiatement. De la même façon qu’avec le retrait, il ajoute, si nécessaire, cinq minutes additionnelles. Ce n’est qu’à la fin de ce processus que, toujours s’il n’a pas obéi, l’enfant perdra son privilège. Voici quelques exemples concrets: Manon a huit ans. Sa mère lui demande de ramasser les livres qu’elle a jetés par terre pour prendre celui qu’elle voulait dans la bibliothèque. Si Manon effectue la tâche, sa mère la remercie chaleureusement. Si elle refuse, sa mère lui demande de se retirer cinq minutes dans sa chambre. Si elle n’obéit pas malgré l’ajout de cinq minutes, elle devra aller immédiatement passer l’aspirateur dans le salon. Si elle n’obéit pas immédiatement, sa mère lui demandera de passer aussi l’aspirateur dans sa chambre, sans quoi elle perdra le privilège d’aller chez son amie dans la soi
rée. Paul, dix-sept ans, vient de manquer de respect envers son père devant les autres enfants de la famille. Le père ne peut accepter ce manque de respect et il annonce à Paul qu’il devra se retirer cinq minutes dans sa chambre. Si Paul refuse, malgré l’addition de cinq minutes supplémentaires, il devra aller laver les toilettes. S’il n’obéit pas, le père ajoutera le nettoyage de l’évier de la salle de bains, sans quoi il risque de perdre le privilège de prendre la voiture ce soir. Il est à noter que, dans ces exemples, les parents ne donnent aucun avertissement. Les décisions ont déjà été discutées; tout ce que le parent a à faire est de les annoncer dès qu’elles sont définitives. De plus, la conduite à suivre est déjà organisée dans la tête du parent. Celui-ci ne pourra pas se laisser emporter par ses émotions et le regretter par la suite. Il est évident que chaque famille peut adapter ce système selon ses propres besoins. Mais il est primordial de se rappeler qu’avec un hyperactif, toutes les récompenses et punitions doivent être mises en application immédiatement pour être efficaces. L’élément le plus frustrant pour les parents (et les enseignants) est que chez les enfants hyperactifs, quelle que soit la qualité des récompenses et des punitions, elles seront moins efficaces que chez les autres enfants. Aussi faut-il s’attendre à ce que leur effet soit moindre que chez les autres. Il sera donc nécessaire de récompenser et de punir plus pour obtenir le même résultat. De plus, les hyperactifs s’habituent plus rapidement que les autres aux récompenses et aux punitions. Elles deviennent donc moins efficaces, mais surtout leur effet dure moins longtemps. Un parent qui se réjouit d’avoir enfin trouvé la récompense qui est efficace pour son enfant pourra être, quelques semaines plus tard, déprimé parce que cela ne fonctionne plus. Il est alors porté à abandonner et à dire qu’il n’y a rien à faire. En réalité, tout fonctionne, mais moins, et moins longtemps. Il faudra donc que le parent (et l’enseignant) se serve de son imagination pour renouveler constamment les récompenses et les punitions.