Les escrocs : Les escrocs, les vrais
Les vrais escrocs se caractérisent par leur habileté à monter des coups « spectaculaires ». Ce sont des individus aux potentialités intellectuelles élevées. Il faut le reconnaître, leurs méfaits forcent notre admiration. Outre cette intelligence, ils présentent une construction de la personnalité singulière. Ils entrent dans le registre de la perversion.
Le pervers est conscient qu’en obtenant satisfaction il le fait aux dépens de sa victime et que cela participe à la destruction partielle ou totale de cette dernière. Les escrocs ne peuvent ignorer le mal qu’ils provoquent. Au-delà de la possession de l’objet argent, ils recherchent la possession de l’autre, pour le faire souffrir ou participer à sa destruction psychique. Le plaisir ressenti n’est donc pas pour eux uniquement inhérent à la réussite de la ruse mise en place, ni à l’obtention de l’argent. Ce dernier représente cependant un bénéfice secondaire qui permet l’accès au pouvoir, à la domination d’autrui. L’escroc jouit de l’étalage de ses richesses comme d’un attribut de puissance.
À l’inverse du psychopathe, l’escroc a intériorisé la notion d’interdit. Il transgresse volontairement la loi et en éprouve de l’excitation. Il possède un sens moral qui l’empêche de commettre certains actes. Il n’est pas un pervers comme l’agresseur sexuel, qui recherche directement la souffrance physique et psychique de l’autre.
La personnalité pathologique des escrocs trouve son origine dans leur enfance. L’escroc, le pervers qu’il est devenu, ressent une peur latente (c’est-à-dire cachée, non avouée) de ne pas exister suffisamment, de ne pas avoir de pouvoir. Il utilise donc des moyens détournés pour briller dans le regard d’autrui. S’il réussit son escroquerie, il devient plus fort aux yeux de tous, il est enfin quelqu’un. C’est pour cette raison que la plupart des escrocs se servent de l’outil de la séduction pour tromper leur victime. Ce sont des manipulateurs qui mettent leur grande intelligence au service de leur perversité.
Stavisky en fut un exemple remarquable. Il était parvenu à s’introduire dans les milieux de la politique et de la finance pour monter une énorme organisation d’escroquerie. Il avait réussi, par son charisme, à gagner la confiance de dizaines de personnalités, ministres, banquiers, députés… L’instruction de l’affaire demanda deux ans et une vingtaine de personnes furent condamnées, plusieurs autres se suicidèrent.
Pour cette catégorie des vrais escrocs, l’argent n’est en fait qu’un vecteur, un moyen de satisfaire leur besoin d’exister face aux autres. C’est pourquoi ils agissent le plus souvent seuls et pour leur propre compte. Ils sont des pervers narcissiques, c’est-à-dire gouvernés par leur seul intérêt et une sorte de manque affectif qui occasionne un besoin de reconnaissance des autres. Blessés ou peu suffisamment aimés durant leur enfance, ils sont anxieux de briller en cherchant à s’attribuer la puissance de l’argent. L’escroquerie est le moyen de s’emparer de la richesse pour atteindre au plus vite l’admiration et le respect d’autrui.
Les affaires qui envahissent l’actualité sont l’apanage de groupes de personnes mues par une idéologie ou influencées par la pression du groupe. Les auteurs de ces méfaits ne correspondent pas tous à la description de l’escroc qui est faite ici. Si nous revenons à l’exemple de Stavisky, la majorité des gens à la moralité discutable impliqués dans l’escroquerie comme comparses ont été entraînés par leur leader dans une spirale malheureuse.
Les escrocs suscitent notre réprobation. Nous nous mettons à la place de la victime et, si nous reconnaissons l’habileté du trompeur, notre morale et notre peur d’être un jour nous- mêmes manipulés et volés nous forcent à bannir le coupable. De plus, les détournements se portent en majorité sur les deniers publics, autrement dit notre argent à nous, citoyens.
Tout comme l’argent, l’escroc exerce sur nous à la fois fascination et répulsion. Notre fascination n’est-elle pas due au fait que l’escroc s’accapare ce qui représente l’objet de nos secrètes inclinations, à savoir, l’argent, la richesse, le rêve et la puissance ?
Une réponse pour "Les escrocs : Les escrocs, les vrais"
Escroquer quelqu’un est un acte ignoble et dénué de toute morale. C’est un comportement typiquement psychopathologique lié en grande partie à des désequilibres établis pendant l’enfance, en particulier identitaires et d’affiliation. Effectivement, l’escroquerie est un segment de la perversion narcissique qui nécessite d’être plus approfondie par les cliniciens et spécialistes, afin d’épargner les victimes et les societés de ses effets dévastateurs.