Les escrocs
Depuis que nos sociétés se sont mises à fonctionner pour et avec l’argent, les escrocs ont parasité le système à leur profit. L’histoire regorge de ces usurpateurs célèbres, tel Stavisky, en 1934, qui entraîna la démission du gouvernement de l’époque. De nos jours, les « affaires » font quotidiennement la une de l’actualité, impliquant le monde de la politique et celui de la finance : l’affaire Elf, celle du Crédit lyonnais, des HLM de Paris… Les journalistes se repaissent de ces scandales qui, régulièrement, reviennent à la surface lorsque plus rien de vraiment extraordinaire et de vendeur ne se passe dans le monde. Mais qui sont ces personnages sans scrupule qui nous volent notre argent à nous, simples et honnêtes citoyens ?
L’escroc est avant tout un individu intelligent, très intelligent. Ses facultés intellectuelles supérieures, il les place au service de sa perversité. Par perversité, entendez cette capacité à ruser, à échafauder des plans subtils pendant parfois des mois ou des années avant de passer à l’action. Perversité signifie aussi que, pour certains, un mode particulier de fonctionnement de la personnalité est responsable de leurs actions.
Mésestime de soi et culpabilité
Dans certains cas, ce comportement de vol répond à un besoin inconscient d’être puni. L’individu commet un acte délictueux dans le dessein de se faire prendre. Les raisons de ce comportement peuvent être multiples et reposent souvent sur des événements difficiles rencontrés durant l’enfance. Il s’agit de personnes présentant une faible estime d’elles-mêmes, souvent victimes de proches aux comportements manipulateurs et humiliants. On rencontre fréquemment ce comportement chez les victimes de harcèlement. Ces personnes ressentent un sentiment de culpabilité important, souvent à l’origine de ces vols maladroits. Elles ont une image tellement dévalorisée d’elles-mêmes qu’elles estiment être à l’origine des conduites de persécution de leur bourreau et devoir mériter un châtiment. Là encore, des mécanismes psychologiques infantiles expliquent ce genre de délits, certes plus nombreux chez les enfants, mais que l’on rencontre de temps à autre chez les adultes.
L’effet des groupes
À noter l’influence du groupe sur la capacité d’un individu à dépasser les interdits et à commettre des vols. Si, par exemple, travaillant dans une entreprise ou un service administratif quelconque, vous détournez du matériel de bureau pour un usage privé, par exemple pour compléter la liste des fournitures scolaires au moment de la rentrée de vos enfants, vous vous livrez à une escroquerie. Vous n’en avez pas l’impression parce que vous avez certainement imité vos collègues : « Ne t’inquiète pas, tout le monde le fait. » Alors, pourquoi se gêner ? Vous bousculez, sous l’effet de la conformité au groupe, vos valeurs de probité et commettez un délit. Ce phénomène est fréquent. C’est aussi le cas du salarié qui, voyageant régulièrement pour son travail, ajoute quelques euros sur ses frais de déplacement à la fin du mois. La plupart des entreprises en sont venues à la solution de la voiture de fonction pour limiter cette pratique.
Ce qu’un individu serait incapable de faire en raison de l’intériorisation d’interdits, il le commettra sous l’influence du groupe. Ce mécanisme s’appelle la pression de conformité. Si je fais comme les autres, je leur ressemble et ils m’acceptent. Repensez à votre enfance et à votre adolescence pour saisir l’importance de ce phénomène. Nous gardons longtemps au fond de nous la peur du rejet des autres. Dès les premières fréquentations scolaires, cette crainte existe et elle perdure jusqu’à l’adolescence et au-delà. Ne pas compter, se sentir abandonné est une source d’angoisse telle que nous préférons nous noyer dans la masse et adopter les comportements de notre entourage dans le but de continuer à exister à ses yeux. Nous avons tous ce besoin d’être aimés par le plus grand nombre. L’adolescent rebelle ne cherche pas autre chose par ses attitudes de provocation que d’être remarqué par un groupe d’appartenance dans lequel il se sent accepté. Les punks, les skaters, les rappers ne sont rien moins que des bandes refuges qui donnent une valeur d’existence à chacun de leurs membres.
Escroc par dépit
Il faut aussi parler de ces escrocs qui le deviennent par désillusion. Au départ, ce sont des individus possédant de réelles valeurs de respect du bien d’autrui, de probité. Ils vivent une vraie passion pour leur travail ou leur activité, et un jour, ils ressentent une profonde déception. Devant un délit scandaleux, commis par une personne qui était pour eux une référence, un exemple, ils finissent par agir, par dépit, à l’encontre de leurs principes. L’argent détourné a alors une valeur de rébellion ou est utilisé pour donner à son détenteur la puissance qui lui a jusque-là fait défaut. C’est un peu : « Le cave se rebiffe. »
Les « sans foi ni loi »
Certains, par contre, agissent sans scrupule. Ils se comportent comme si les lois n’existaient pas. Ils n’ont pas conscience de ce qui est interdit. Ils représentent la majorité des délinquants capables des pires délits. Leur personnalité s’est construite sans intérioriser les notions de loi, de bien et de mal. Ils ne peuvent différer leurs désirs et s’emparent sans culpabilité du bien d’autrui. En psychologie, ces individus aux conduites antisociales sont appelés des psychopathes. Ce terme définit, comme son nom l’indique, un caractère pathologique de la personnalité et représente une entité clinique à part entière.
On retrouve dans leur histoire des points communs : un père absent, souvent alcoolique, et une mère démissionnaire, débordée par l’entretien d’une famille nombreuse. Les psychopathes, enfants, se caractérisent par des comportements impulsifs de rébellion, de provocation, de vandalisme et de violence. Ils font souvent l’objet de renvois du milieu scolaire et finissent par vivre dans la marginalité. Leur éducation ne leur a pas permis d’intégrer les notions d’interdit et de respect de la loi. Ils commettent ainsi de nombreux délits sans la moindre once de culpabilité. Vers la quarantaine, leur destin bascule et ils rentrent dans le rang, s’assagissent et adoptent des modes de vie plus conformes, à moins qu’ils ne soient incarcérés ou morts en raison de leurs conduites dangereuses répétées.
Le défaut de culpabilisation quant aux délits commis les caractérise. Ils sont réellement incapables d’éprouver du remords. C’est pourquoi la prison est un moyen de les aider à intégrer la loi. L’approche thérapeutique consiste à les amener à mentaliser avant d’agir, à se représenter les conséquences de leurs actes en contrôlant leur impulsivité. L’argent est pour eux un vecteur de puissance et d’évitement de la frustration. Ils ne maîtrisent pas leurs pulsions. Celles-ci répondent à un principe de plaisir immédiat qui ne souffre aucun délai.