Les bourreaux de travail: syndrome du bourreau de travail
Ils fonctionnent suivant le même mode. La réussite n’est pas forcément le but recherché. Travailler permet de gagner de l’argent, de ne pas manquer et d’être respecté. Les honneurs ne comptent pas pour ces « dépendants » du travail. On peut effectivement parler de dépendance au travail. Un écrivain américain a créé le terme de workaholic pour désigner cette addiction. Lui-même victime de ce comportement excessif, il fait un parallèle avec les sujets alcooliques pour exprimer cette relation quasi pathologique au travail.
Des travaux récents, en particulier ceux d’un psychologue américain, Bryan Robinson, publiés en 1998, ont bien décrit la maladie psychologique dont souffrent les workaholics. Ce sont des individus recherchant dans le travail l’épuisement et le surmenage qui atténuent leurs angoisses. Ils se sentent mal dans l’inaction. Ils ne parviennent pas à se reposer sans éprouver un sentiment de culpabilité, une impression de perte de temps. Là encore, l’excès de labeur procure des sensations fortes qui agissent comme un véritable excitant. On peut parler de drogués du travail. Ces sensations fortes sont procurées par la souffrance rencontrée. Cette dernière cautionne pour eux la qualité du travail réalisé et participe en quelque sorte à restaurer une estime de soi défaillante. Je travaille, je souffre, cela prouve que je suis compétent et performant. On va en conséquence me respecter.
Dans cette frénésie du toujours plus de travail, le workaholic trouve une identité et un sentiment de reconnaissance. L’argent n’est pas l’objectif principal. Les honneurs non plus, puisqu’ils sont considérés comme non mérités et n’apaisent en rien le malaise du workaholic qui augmente sa cadence pour s’en montrer digne. Les remontrances de la hiérarchie ont bien sûr le même effet. Il faut se battre pour restaurer son image et ressentir l’apaisement que procure l’excès de travail.
Le stress inhérent à ce comportement abusif provoque l’apparition de troubles physiques et psychiques. Le syndrome d’épuisement professionnel ou burn ont les guette. Le travailleur compulsif est perpétuellement fatigué, souffre de douleurs diverses, ne parvient plus à se concentrer, ne dort plus ou mal, devient irritable, agressif et colérique. Il n’a pas conscience de ses excès et persévère jusqu’à l’accident de santé.
Le drogué du travail n’est pas un dépendant à l’argent, bien qu’il soit souvent, et à tort, considéré comme tel par l’entourage. Les gens dissocient difficilement frénésie de travail et recherche de la réussite financière. Les individus qui s’investissent sans compter dans le travail pour gagner plus d’argent le font de manière plus tempérée et n’éprouvent pas le même plaisir à travailler. Ils s’adonnent à cet excès pour des périodes limitées dans le temps et n’apprécient pas le surmenage et l’épuisement engendrés. Il est difficile, voire impossible, d’avoir avec eux des conversations qui ne soient pas centrées sur l’argent. Les obsédés de la réussite financière ne pensent qu’à cela, nuit et jour. Les workaholics font de même pour leur travail. Il ne sert à rien de leur demander les raisons de leur acharnement professionnel, ils sont incapables de formuler une explication. Ils agissent, mus par le besoin impérieux et compulsif de combler un manque sur lequel ils ne peuvent mettre des mots. Il s’agit d’un manque d’estime de soi qui n’a que peu de rapport avec l’argent. On a souvent la surprise d’apprendre que le workaholic touche un salaire dérisoire. Et s’il est l’objet de récriminations de la part de l’entourage, le drogué du boulot n’en a cure.
La thérapie du workaholisme repose sur la nécessité de différencier vie professionnelle et vie privée. L’individu apprend à compartimenter sa vie, le bureau d’un côté, la famille, souvent en souffrance parce que négligée, de l’autre. Je l’invite à éviter les conversations centrées sur le travail avec les amis et les proches. Il doit devenir capable d’oublier le travail, une fois la porte du bureau fermée. Parallèlement, une restructuration des croyances irrationnelles va lui permettre de mieux se connaître et d’accepter de s’occuper davantage de lui-même et des siens. Les cognitions erronées sont nombreuses. En voici quelques-unes :
- Il est nécessaire de souffrir en travaillant, sinon les performances ne comptent pas.
- Je dois travailler beaucoup, sinon je suis un paresseux.
- Je travaille, c’est la seule manière d’exister, le travail me procure une identité.
Ces distorsions ou raisonnements erronés sont repérés puis critiqués et remaniés. Une représentation cohérente du travail et de la façon de se situer par rapport à lui est la condition nécessaire à la disparition des comportements de dépendance.
Une gestion du temps personnel est également abordée. Le workaholic doit découvrir le monde des loisirs et du repos réparateur par la pratique d’activités sportives et/ou culturelles. Le plaisir peut être procuré par autre chose que le travail, partager du temps avec sa famille par exemple