Les urgences psychiatriques
1. Introduction
La notion d’urgence en médecine implique l’existence d’une pathologie qui nécessite des soins -médiats car elle comporte une souffrance importante et des risques graves pour la santé, voire pour la vie du sujet.
La spécificité de l’urgence psychiatrique est de comporter, en plus :
Des risques pour la sécurité des biens ou des personnes (complications médico- légales : TS -homicides),
Une souffrance psychologique aiguë à soulager sans tarder.
Psychiatrie d’urgence : Dupré 1910 . L’ensemble des psychopathies dont la soudaineté, l’évolution aiguë et la gravité particulière Tiposent au praticien l’obligation et la responsabilité d’un diagnostic hatif d’une intervention thérapeutique immédiate et une décision médicolégale rapide ».
Les différents temps diagnostic, thérapeutiques et d’assistance sont étroitement intriqués. Selon diverses études : les situations d’urgence psychiatrique représentent au moins 10% de l’ensemble des admissions dans les services d’urgences des hôpitaux généraux.
- reconnaître l’urgence : l’existence d’un risque imminent pour la vie ou pour la sécurité des biens ou des personnes (dangerosité) ou d’une souffrance psychologique aiguë,
- donner les premiers soins qui conditionneront le pronostic et la prise en charge ultérieure,
- orienter la prise en charge et savoir indiquer une prise en charge ambulatoire ou hospitalière en milieu spécialisé,
- prendre également en charge l’entourage qui est, généralement, à l’origine de la demande de soins.
2. L’examen en urgence
La demande d’examen peut émaner soit du malade lui même, soit de l’entourage, soit des autorités publiques.
L’approche relationnelle :
Elle vise à établir ou garder le contact par la parole, à prévenir, moduler ou contrôler la violence, à
entreprendre les investigations médicales et psychiatriques et à engager les soins.
Il importe :
- de toujours se présenter nominalement dans son rôle et ses fonctions.
- De s’adresser au patient en l’interpellant, si possible par son nom.
- De situer précisément le patient dans les lieux ou il est accueilli.
- De se situer d’emblée dans une fonction thérapeutique, en faisant face avec calme, en évitant les hésitations ou la précipitation.
- De veiller à l’absence d’objets potentiellement dangereux sur les lieux d’accueil.
- D’inviter le patient à se soumettre aux conditions classiques de l’examen médical (déshabillé et allongé).
- De prendre en compte la détresse ou l’agressivité exprimée, en établissant le dialogue.
- De commenter chaque temps de l’examen.
- De montrer, si nécessaire, sa détermination thérapeutique par des ordres directs,
- De percevoir les limites de cette simple approche relationnelle et de décider à bon escient d’une contention.
L’examen physique :
- L’examen physique doit toujours être pratiqué.
- Il intéressera tous les appareils en insistant sur l’examen neurologique.
- Il visera a détecter tout problème organique.
- Il sera complété, au moindre doute, par un bilan paraclinique adapté.
L’examen psychiatrique :
– Il doit évaluer les anomalies de fonctionnement de toutes fonctions psychiques : conscience, pensée, humeur, émotion, perceptions,….
– Il doit évaluer le degré de dangerosité soit pour le sujet lui même, soit pour l’entourage ou pour ies biens.
entretien avec l’entourage : Permettra de préciser les antécédents du patient et recherchera les éventuels événements déclenchants des troubles, ainsi que leur évolution.
3. Les situations d’urgence :
Quelque soit le tableau clinique, toute pathologie psychiatrique aiguë, surtout chez un sujet sans antécédents psycho-pathologiques connus, peut masquer une urgence médicale qui peut engager le pronostic vital.
a. La confusion mentale :
– Toute confusion mentale constitue une urgence médicale.
Elle est le témoin d’une souffrance cérébrale non spécifique.
Dans l’immense majorité des cas, les causes en sont organiques et rares sont les confusions purement psychogènes.
Devant ce syndrome le praticien se trouve confronté à une triple urgence • Urgence diagnostique : le diagnostic positif repose sur :
L’obnubilation de la conscience
La désorientation temporo-spatiale,
Les troubles de la mémoire
L’onirisme vécu et agit
Le syndrome physique
Urgence écologique : le diagnostic étiologique repose sur :
L’anamnèse de l’entourage
L’examen somatique
L’examen psychiatrique
La recherche de i’étiologîe d’un syndrome confusionnel ne doit en aucun cas retarder
le traitement symptomatique
- Urgence thérapeutique impliquant une hospitalisation en milieu médical.
- Certaines circonstances aggravent le tableau et renforcent la nécessité d’une intervention thérapeutique immédiate et sans délai :
L’agitation confuse, désordonnée et bruyante, parfois alimentée par une activité délirante et/ou des productions hallucinatoires.
L’onirisme peut-être à l’origine d’actes dangereux et de réactions hétéro-ou auto agressives. Les perturbations perceptives et la désorientation spatiale peuvent entraîner des accidents graves (précipitation et chute).
Le retentissement somatique du syndrome fonctionnel peut être intense et précoce (déshydratation, hypotension, hyperthermie, refus alimentaire, amaigrissement rapide) d’autant plus préoccupant sur certains terrains fragiles (personnes âgée,…).
b. La crise d’angoisse aiguë :
• La crise est volontiers vespérale ou nocturne.
• Elle comporte :
- des manifestations neurovégétatives d’intensité croissante : Sueurs, tachycardie, oppression thoracique, striction pharyngée, vomissements,, diarrhée, vertiges…
- des manifestations psychiques : panique intense, sensation
- de mort imminente.
- des manifestations comportementales : agitation ou, sidération.
• L’examen médical est toujours nécessaire, tant pour rassurer le sujet que pour éliminer une affection organique.
En effet la crise d’angoisse aiguë :
Peut être le premier signe d’une pathologie cardiaque ou respiratoire ( IDM, embolie pulmonaire, asthme…)
Elle peu être un des symptômes d’une hyperthyroïdie, ou d’une hypoglycémie…
Elle peut indiquer le retentissement psychologique d’une affectior grave ( néoplasie, sida…)
Elle peut être iatrogène : corticoïdes, certains ATB…
– les causes psychiatriques pures de la crise d’angoisse aiguë sont :
les troubles anxieux et en particulier le trouble panique ou la crise d’angoisse aiguë ou attaque de panique va se répéter de façon récurrente.
Les pathologies psychotiques : peuvent comporter des moments d’angoisse massive et impressionnante, ou l’existence du sujet apparaît mise en cause de façon fondamentale.
Les états dépressifs en particulier mélancolique : l’anxiété augmente le risque de passage à l’acte suicidaire lors du raptus anxieux.
c. Les états d’agitation
– L’agitation représente la forme la plus évidente de l’urgence psychiatrique L’enchaînement désordonné des intervenants, policiers, familiaux, médicaux ou de voisinage accentue la complexité du phénomène et contribue à sor caractère bruyant et voyant.
Reconnaître et affirmer l’état d’agitation est facile : patient qui présente un trouble du comportement psychomoteur qui traduit un état d’excitation psychique.
– Il convient de ne pas examiner seul un patient agité et de toujours prévoi’ l’aide du personnel soignant qui reste à proximité, mais aussi une médicatior psychotrope sédative ou des moyens de contention provisoire.
Les critères de gravité et / ou de dangerosité en cas d’agitation sont :
Un contact impossible à établir, voire une opposition marquée.
Une agressivité majeure.
Une violence incoercible.
Une agitation extrême, une fureur.
Une intoxication associée, alcoolique ou autre,
Un vécu délirant intense, associé ou non à des hallucinations.
Une angoisse massive, psychotique ou non.
d. Les situations de crise ou de détresse psycho-sociale.
Fréquentes elle réalisent des états aigus, en général transitoires et à express icr émotionnelle intense.
La crise étant le fait qu’un individu se trouve à un moment donné, en face d’une situation dépassant ses capacités individuelles d’adaptation.
Il faut soulager une souffrance psychologique aiguë.
Le traitement consiste en l’éloignement de l’entourage et peut souvent se borner à entretien plus ou moins long afin de permettre au patient de verbaliser sa demanoe Un examen médical et une prescription médicamenteuse de tranquillisants s’avérer: utiles dans certains cas.
e. Les états suicidaires
Le médecin peut être amené à évaluer un risque de suicide dans trois situations :
- Devant un état dépressif
- Devant une menace de suicide
- Au décours d’une tentative de suicide
e1 Devant un état dépressif
L’urgence provient du risque suicidaire : risque majeur au cours de la mélancol e le suicide doit demeurer la préoccupation principale du médecin au cours de tou » accès dépressif même apparemment peu sévère.
Le risque de passage à l’acte est d’autant plus important qu’il existe :
- des idées suicidaires clairement formulées
- des thèmes dits mélancoliques : dévalorisation, culpabilité, incurabilité, ruine, etc.
- une anxiété importante
- des antécédents familiaux ou personnels de suicide L’hospitalisation en milieu spécialisé s’impose, fût ce sous le mode de l’hospitalisation SOJS contrainte.
e2 Devant une menace de suicide
Le médecin peut être confronté à un sujet qui a exprimé le désir ou l’intention ce mettre fin à ses jours. Le devoir du médecin est de prendre au sérieux toutes es intentions suicidaires, d’évaluer le risque de passage à l’acte et
L’évaluation du risque suicidaire comporte :
• le dépistage d’un trouble mental qui nécessitera une prise en charge urgente en milieu spécialisé, les troubles mentaux les plus suicidogènes étant la dépression, la schizophrénie, les troubles de la personnalité et es abus de substances psycho actives.
• La reconnaissance d’un syndrome pré suicidaire dont la présence rend e risque imminent :
- idées suicidaires de plus en plus obsédantes
- un repli sur soi avec isolement progressif
- une inhibition de l’agressivité vis-à-vis d’autrui par désinvestissement graduel
• L’appréciation d’un état de détresse situationnelle avec notion de cause déclenchante et réseau relationnel appauvri.
CAT face à un suicidaire
- Etablissement d’un dialogue qui permette au sujet de verbaliser son désespoir, ses préoccupations ou ses conflits.
- L’hospitalisation n’est pas toujours indiquée, elle peut être évitée ou différée quand l’entourage du patient a une bonne qualité affective et qu’il peut assurer une présence réelle auprès de lui.
- La dédramatisation et l’instauration d’une aide thérapeutique permettent en général le dépassement de la crise et la résolution des conflits.
- L’hospitalisation est nécessaire dans les états mélancoliques et dans toutes les affections psychiatriques où le risque suicidaire paraît important. Cette hospitalisation permet, d’une part, d’éviter le passage à l’acte et, d’autre part, de traiter l’affection qui sous-tend la crise suicidaire.
e3-Au décours d’une TS : apprécier le risque de récidive, face à un suicidant.
– L’examen précisera le degré de conscience, les réactions émotionnelles, l’attitude du patient après son acte, regret, indifférence ou persévération. Le caractère impulsif ou D-émédité de l’acte doit être précisé ainsi que le moyen utilisé et les facteurs déclenchant éventuels.
f. Etats d’inhibitions psychomotrices et de stupeurs
Malgré leur présentation moins spectaculaire que les états d’agitation et leur moindre -équence, ces situations constituent de véritables urgences psychiatriques silencieuses.
Le patient est mutique, figé, avec une inhibition comportementale
Les principales étiologies psychiatriques de ces états de stupeur sont : la mélancolie, la confusion mentale, la catatonie et les états de sidération anxieuse.
g. Les urgences iatrogènes :
Le médecin peut être amené à voir en urgence un patient qui présente un accident lié au traitement.
Le syndrome malin des neuroleptiques est une complication exceptionnelle mais gravissime des traitements neuroleptiques qui se manifeste par une hyperthermie, une confusion mentale, des troubles neurovégétatifs, neurologiques et respiratoires.
Il faut systématiquement y penser devant toute fièvre inexpliquée chez un sujet prenant des neuroleptiques, surtout quand elle est associée à une aggravation des signes d’imprégnation. Les médicaments neuroleptiques doivent être immédiatement arrêtées et un dosage des CPK demandé. Un transfert vers un service de réanimation doit être rapidement organisé.
4) Les effets extra-pyramidaux aigus des neuroleptiques n’ont pas de gravité particulière mais sont spectaculaires et fortement anxiogènes : dystomies, huperkinésies, dyskhésies apparaissant, généralement dans les premiers jours de la mise sous neuroleptiques et nécessitant l’association de médications correctrices antiôparkinsonionnes et anxiolytiques ou la réduction des posologies.
5) L’intoxication au lithium peut également être grave ; il faut y penser, chez un sujet sous lithium devant l’apparition d’une dysarthrie surtout quand elle est associée à des tremblements, ou des diarrhées et vomissements. Une lithiémie doit être pratiquée en urgence. Des signes de toxicité apparaissent au-delà d’une lithiémie à 1.2 meq. E n cas d’hyperlithiémie, arrêter la prise de lithium et envisager si nécessaire un transfert vers un service spécialisé.
6) Le syndrome de sevrage aux anxiolytiques (BZD, méprobamate) ;
une interruption brutale d’un traitement tranquillisant peut provoquer des troubles du caractère (irritabilité), une hyperesthésie sensitive et sensorielle, des troubles du sommeil, une tension anxieuse ; des symptômes plus graves sont plus rares : confusion, hallucinations, crises comitiales.
4. En conclusion :
Parfois trompeuses et souvent polymorphes, les urgences psychiatriques se signalent par la fréquence des intrications médico-psychiatriques, et la difficulté devant certains tableaux aigus
(L’agitation, angoisse, délire,…) d’affirmer de manière tranchée une Etiologie organique ou psychiatrique. La prudence est de règle dès Qu’existe une suspicion d’organicité :
– certaines situations d’urgence impliquent enfin des risques médico-légaux du fait d’une dangerosité auto ou hétéro agressive, ou ne permettent pas au patient de donner son consentement à des soins pourtant requis par son états.
– Le recours à la loi 83-92 constitue dans de telles circonstances une véritables mesure thérapeutique.
Vidéo : Les urgences psychiatriques
Vidéo démonstrative pour tout savoir sur : Les urgences psychiatriques