Les troubles dépressifs
Généralités :
Pathologie de l’humeur, les troubles dépressifs constituent l’un des chapitres les plus importants de la pratique médicale, aujourd’hui et ce, à plus d’un titre:
- La dépression est en effet, l’un des troubles psychiques les plus fréquents dans la population générale : chaque année, dans le monde, cent millions d’individus, au moins, développent une pathologie dépressive ; la prévalence à un an est évaluée entre 4 et 10 % selon les études, alors que le risque morbide pour toute une vie s’élève à près de 30 %, toutes étiologies confondues.
- L’on assiste depuis quelques années à une demande croissante de soins pour dépression, sans que l’on sache très bien si ce phénomène correspond à un meilleur dépistage et une information plus grande du public concernant les thérapeutiques nouvelles ou s’il s’agit d’une réelle augmentation de fréquence liée à des modes de vie pathogènes ? Il faut compter, en effet, avec l’augmentation de la longévité (le risque de dépression s’élevant avec l’âge), avec les mutations socio-économiques et culturelles qui exposent davantage d’individus à des stress psychosociaux aigus ou prolongés (déracinement, désintégration de Sa famille, isolement social), susceptibles d’entraîner des réactions dépressives, avec l’accroissement de certaines pathologies somatiques qi » augmentent le risque de dépression, de l’usage accru d’alcool et de toute une gamme de médicaments qui hâtent l’éclosion de la dépression ou accentuent son intensité.
- La dépression est une pathologie grave qui comporte le double risque du suicide, à court terme et de la récidive et du handicap, à plus long terme.
- La dépression est une pathologie, aujourd’hui, parfaitement curable.
- La dépression est très insuffisamment traitée (moins de 10% en Tunisie), du fait, en particulier de sa méconnaissance tant par le malade que par le médecin non psychiatre. En effet, les patients déprimés consultent plus souvent l’omnipraticien que le psychiatre, pour des raisons à la fois cliniques expression somatique du trouble) et culturelles (l’étiquette péjorative de la consultation psychiatrique). Les études épidémiologiques montrent ainsi que les déprimés -eorésentent 10 à 25 % des consultants de médecine générale ; ces mêmes études soulignent en même temps que seulement 17 % sont adressés au psychiatre alors que 30 % ne reçoivent pas de soins adéquats, soit du fait de difficultés diagnostiques, soit Darce que le généraliste répugne à utiliser des antidépresseurs et quand il les prescrit, c’est généralement à des posologies insuffisantes.
Or, la méconnaissance diagnostique ou l’inadéquation thérapeutique fait peser un double risque sur le patient risque strogène par prescription d’anxiolytiques qui non seulement, n’allègent pas la souffrance psychique du malade mais y adjoignent leurs effets indésirables ainsi qu’un risque nhérent à toute dépression : le suicide.
- Ceci est d’autant plus regrettable que la dépression est le trouble psychique qui a le plus bénéficié, sur les plans diagnostique, étiopathogénique et surtout thérapeutique des considérables progrès enregistrés par les recherches biologiques en psychiatrie.
Définitions
L’humeur a été définie par Jean DELAY comme étant « cette disposition affective -rcamentaie qui donne à chacun de nos états d’âme une tonalité agréabie ou désagréable :sz tant entre les deux pôles extrêmes du plaisir et de la douleur ».
L’humeur colore, en fait, toute notre perception de nous-même, du monde et de tenir. L’humeur dépressive est associée à :
- une vision négative de soi marquée par une baisse de i’estime de soi avec un sentiment d’inusité, d’incapacité, d’impuissance pouvant aller jusqu’au développement d’idées de culpabilité pathologique (le sujet s’accusant de fautes qu’il n’a pas commises ou insignifiantes) et d’indignité appelant un châtiment.
- une vision négative de l’avenir qui s’exprime dans un pessimisme foncier et une vision péjorative de l’avenir qui apparaît bouché ou porteur de graves menaces. Dans cette optique, peut apparaître un sentiment d’incurabilité.
- une vision négative du monde qui ne suscite plus aucun intérêt et encore -oins de plaisir, mais qui peut aussi devenir menaçant et persécuteur.
Le ralentissement psychomoteur :
Il peut varier d’une simple asthénie à la stupeur totale.
Le ralentissement moteur est manifeste, à l’examen, à travers une lenteur du discours (bradiphémie, de la pensée (bradipsychie), des mouvements, une augmentation de la latence des réponses, une diminution du volume, de la modulation.
Locale (aprosodïe), de la quantité ou de la variété du contenu du discours pouvant aller jusqu’au mutisme total.
Une diminution de l’énergie, une lassitude et une fatigue sont fréquentes. Les tâches es plus simples exigent un effort important. L’efficience dans l’accomplissement des tâches peut être réduite, un malade peut se plaindre que sa toilette et l’habillage du matin sont épuisants et prennent beaucoup plus de temps que d’habitude.
Le ralentissement psychique entraîne une altération de la capacité à penser, à se concentrer ou à prendre des décisions. Les sujets déprimés sont facilement distractibles et se naignent de troubles de la mémoire. Le ralentissement intellectuel peut provoquer, dans les sévères, la sidération complète de toutes les facultés mentales.
Les symptômes dits somatiques :
les troubles du sommeil sont constants et souvent inauguraux du syndrome réoressif, en particulier l’insomnie d’endormissement, du réveil ou totale ;
les troubles de l’appétit, également constants, à type d’anorexie peuvent entraîner une perte de poids significative ;
Les caractéristiques neurovégétatives inversées (hypersomnie et hyperphagie) caractérisent des formes particulières de dépression. les troubles sexuels se manifestent par une baisse de la libido (frigidité, « npuissance) ; on peut observer, dans les dépressions sévères, une aménorrhée chez la femme.
L’anxiété n’est pas un symptôme dépressif mais est très souvent associée à la dépression on dont elle modifie l’expression séméioiogique ; en effet le ralentissement fait place 5 .-e agitation anxieuse s’exprimant au travers d’une grande instabilité motrice et d’une logorrhée , ainsi que des manifestations classiques de l’angoisse (précordialgies, palpitations, sensation de boule oesophagienne, de striction thoracique, de mort imminente etc…). Le danger inhérent à cette forme de dépression est la « facilitation » du passage à l’acte suicidaire, à l’occasion surtout, d’un raptus anxieux imprévisible. Une surveillance toute particulière s’impose, par conséquent, auprès de ces malades.
Diagnostic différentiel
La tristesse fait partie intégrante de l’expérience humaine ; elle peut être intense, mais brève, non handicapante et préservant les capacités d’adaptation du sujet. Elle est liée à un événement précis et ne s’accompagne pas de ralentissement psychomoteur.
Le deuil qui survient après la perte d’un être cher en est l’exemple le plus commur. Toutefois, si les symptômes persistent pendant plus de deux mois ou s’accompagnent d’une altération marquée du fonctionnement, de préoccupations morbides de dévalorisatior, d’idées suicidaires, de symptômes psychotiques ou d’un ralentissement psychomoteur, e diagnostic de dépression doit être porté.
Le trouble anxiété généralisée est un diagnostic d’autant plus difficile que dépression et anxiété sont souvent associées. Le ralentissement psycho-moteur, les idéations suicidaires, les ruminations concernant le passé et les antécédents familiaux orientent vers un trouble dépressif. Dans le doute, il vaut mieux instaurer un traitement antidépresseur.
La schizophrénie débutante : elle est caractérisée par une athymie, ui émoussement et une indifférence affective plutôt que par une humeur dépressive ; oa même, le contact froid, détaché, le discours étrange, énigmatique, le relâchement des associations y sont plus fréquemment observés.
La question se pose d’autant plus que les dépressions du sujet jeune emprunte-: volontiers une symptomatologie pseudo-schizophrénique. Il faut, toutefois, savoir qui n’existe pas de symptômes pathognomoniques de schizophrénie.
Souvent, seule l’évolution permettra de trancher.
Le trouble délirant peut, également, être discuté devant une dépression avec caractéristiques psychotiques non congruentes à l’humeur. La thématique de morts antécédents familiaux thymiques sont des arguments importants du diagnostic.
Nosologie
La pathologie dépressive est dominée par :
- le Trouble dépressif majeur qui est caractérisé par la survenue isolée (TDf épisode isolé) ou récurrente (Dépressions majeures récurrentes) d’un épisa dépressif majeur.
- le Trouble bipolaire qui est caractérisé par la survenue d’épisodes dépression majeurs, en alternance avec des épisodes maniaques, hypomaniaques ou mixtes.
Les classifications font aussi place à d’autres troubles dépressifs :
- le Trouble dysthymique qui correspond à la classique dépression névrotique,
- le Trouble de l’adaptation avec humeur dépressive qui correspond à dépression réactionnelle.
- Trouble dépressif secondaire à un autre Trouble mental ou une pathologie organique ,ou une intoxication.