Les remaniements psychologiques à l’adolescence:La construction de l’identité
L’enfance : les premières identifications
La construction de l’identité prend son essence dans l’enfance, dure toute la vie, mais connaît un développement majeur à l’adolescence. L’enfant naît avec un prénom et un nom donnés par ses parents. C’est son premier signe d’identité. Il naît également avec un certain tempérament (plus ou moins tonique, pleurant peu ou beaucoup, etc.). Puis son entourage lui attribue rapidement des qualités, des traits de caractère et entre en interaction avec lui, en ayant en tête un ensemble de projections plus ou moins inconscientes.
Peu à peu, l’enfant va se découvrir comme auteur de ses gestes. Il devient actif dans la construction de son identité. Dans le miroir, il croise son image (stade du miroir) et se devine comme un tout unifié et séparé du corps de sa mère (ou substitut maternel). Vers deux ans, il s’oppose pour s’affirmer en reprenant à son titre le « non » souvent prononcé par ses parents. En grandissant, il s’identifie à eux. L’identification est une assimilation inconsciente d’un aspect ou d’une propriété de l’autre qui engendre une transformation partielle ou totale du sujet sur le modèle de celui ou celle auxquels il s’identifie. C’est de cette façon que l’enfant intériorise des qualités et des attributs pris sur ses premiers modèles aimés et admirés, souvent les parents. Ainsi, l’identité première est tout à fait liée à l’entourage qui apporte par son regard et son attention le fruit de l’identité.
Pendant la période de latence, l’enfant semble satisfait de lui-même, il découvre les autres. C’est une période d’ouverture vers l’extérieur. La sexualité est en suspens, les représentations qui y sont liées sont refoulées. L’image de soi et l’identité sont donc préservées et ne lui posent pas de problème.
L’acceptation des principes de réalité et de ses propres limites
Au moment de l’adolescence, les choses changent. Face au bouleversement pubertaire et à la nécessité de prise d’autonomie vis-à-vis des parents, l’adolescent doit reconstruire son identité et l’individualiser. Face à l’opposition plus ou moins conflictuelle avec les parents, l’adolescent se positionne comme différent, unique, ayant sa propre valeur. L’identité est essentielle pour que le sujet se positionne dans son rap-
port aux autres. Dans Les Eternels Adolescents, F. Ladame précise la double fonction limitative de l’identité : « L’identité est un point de départ, un préalable. Mais elle constitue aussi un butoir : indispensable pour poser une limite entre l’individuel et le collectif, et préserver ainsi l’individualité, elle n’en devient pas moins une limitation en s’opposant à un idéal de complétude. » C’est l’âge où l’adolescent est confronté à ses limites et doit en accepter les contours. Il arrive souvent que ce travail psychique n’ait pas été fait et que l’adulte rencontre plus tard des difficultés à trouver la juste mesure entre l’individuel et le collectif. Ainsi l’autre devient-il une véritable menace pour l’intégrité identitaire. Ou bien la réalité vient le confronter à son manque, ce qui lui est insupportable.
C’est donc le travail de l’adolescence d’accepter la finitude des éléments et de rejeter l’idée que fantasme et réalité se mélangent, que tout est possible, qu’il n’y a pas de limites dans le monde. Parmi les grands principes de finitude figurent la différence des sexes et des générations, l’universalité et l’irrecevabilité de la mort, la fatalité d’avoir un seul sexe et non les deux. A cet égard, l’identité sexuée s’accentuant, elle enferme l’adolescent dans une fatalité, celle de la nécessité de prendre une identité de femme ou d’homme. « A quel homme ou quelle femme veux-je ressembler ? L’issue est-elle d’être une réplique de mes parents ? » se demande-t-il alors.
L’acceptation profonde de ces principes de réalité est indispensable. Ladame écrit : « […] une construction de l’identité aboutie est caractérisée par l’intégration de la finitude. A partir de là, les fantasmes demeurent […] mais ils ne devraient pas être confondus avec la réalité matérielle. » Pendant cette période, l’identité est malmenée par un corps nouveau, en métamorphose, que l’adolescent ne reconnaît plus et qui est pourtant depuis longtemps le garant de sa propre continuité. Comme nous l’avons vu, cette nouvelle image du corps est mise à mal par les aléas des changements corporels. Un travail de réappropriation de ce corps est nécessaire et, dans un même mouvement, l’identité se modifie. L’identité ne se résume pas à l’image du corps, bien que cette dernière en soit la fondatrice.
A l’adolescence, il s’agit aussi d’un domptage du pulsionnel. Un travail de liaison est indispensable entre les pulsions de vie et de mort, les éléments du passé et du présent, afin que demeure le sentiment de continuité d’exister. Le travail de l’adolescent est de mettre du sens, de lier les éléments conscients et inconscients, passés et présents.