Les remaniements psychologiques à l’adolescence
Face à cette poussée des hormones et à ce corps en pleine transformation, l’adolescent ressent subitement une violence à laquelle it doit s’adapter. C’est grâce à un véritable travail psychique que des changements internes vont s’opérer. Cette précipitation vers l’âge adulte, cette obligation de suivre la ligne fatale du temps est vécue, selon les cas, comme un moment de passage sinueux, un bouleversement désagréable ou une véritable crise. C’est une période particulière de grands changements vécus comme un nouveau point de départ, synonymes de grande richesse, d’énergie et de construction de la personnalité.
Un nouveau corps : la relation au corps et l’image du corps
Miroir, mon beau miroir, dis-moi qui je suis ! On entend souvent l’adolescent dire : « Je ne me reconnais pas ! » et pour cause, son corps se métamorphose, de façon violente parfois. « S’arrêtera-t-il de changer ? » « Et quand il s’arrêtera, serai-je content du résultat ? » « Va-t-il me laisser tomber, me trahir ? » Toutes ces questions hantent le jeune qui voudrait savoir à quoi s’en tenir. Depuis l’enfance, il a pu compter sur son corps comme référence réelle et bien acquise. Désormais, ses repères corporels changent.
Bien sûr, il sait ce qui est en train de lui arriver. Mais vivre l’adolescence et ses transformations est une expérience que la théorie seule ne peut lui transmettre. Il la vit et ne peut faire l’économie de tous ses émois. C’est un véritable travail psychologique.
Un corps sexué et sexuel à apprivoiser
Corps sexué
Le corps change et les traits féminins et masculins s’accentuent, pour devenir finalement visibles et incontournables. La différence des sexes devient flagrante et chacun doit poursuivre ce travail psychique, commencé dans l’enfance mais réactivé à l’adolescence, d’accepter son sexe : être une fille et devenir une femme ; être un garçon et devenir un homme ; ne pas être les deux. C’est également le moment de l’accès à la génitalité et l’adieu à la sexualité infantile.
Par ailleurs, avec le développement des organes génitaux, les cycles menstruels, l’apparition de l’éjaculation chez le garçon, l’adolescent acquiert la possibilité physique d’avoir une sexualité d’adulte. Toutefois, cette aptitude ne signifie pas qu’il peut assumer les émotions
impliquées dans la relation à un autre différent de lui. En effet, intérieurement bouleversé, l’adolescent doit, dans un premier temps, intégrer ces nouvelles données pour pouvoir rencontrer l’autre sexuellement.
Corps sexuel
Rappelons que le développement de la sexualité humaine se fait en deux temps, espacés par une phase de latence. Dans Trois essais sur la théorie de la sexualité, Freud développe cette théorie d’une sexualité infantile culminant avec le complexe d’Œdipe, puis mise en suspens (période de latence) jusqu’à la puberté qui la réveille violemment. Fort d’un nouveau mode de pensée et de conscience, l’adolescent réinterprète le sens de la sexualité. C’est la fin des théories sexuelles infantiles, qui avaient aidé l’enfant à comprendre l’énigme planant autour de la sexualité.
L’adolescent commence alors à envisager la différence des sexes sous l’angle de la génitalité. Il découvre que chaque sexe existe en tant que tel : le sexe féminin n’est pas le négatif du sexe masculin, il n’est pas châtré. La question n’est plus « en avoir ou pas ». Il comprend que les sexes sont complémentaires. L’acceptation de cette différence peut être difficile (et ne jamais arriver) et l’attrait homosexuel observé au début de l’adolescence témoigne d’un mouvement défensif contre cette différence.
N’oublions pas que l’effraction pubertaire est vécue comme une attaque et fragilise le narcissisme. C’est dans ce cadre-là que l’adolescent va rechercher des amitiés et des relations amoureuses. A cette époque, celles-ci sont, pour la plupart, des relations à visée inconsciente de restauration du narcissisme. Elles servent de repère, de refuge ou de miroir. C’est pourquoi les relations sexuelles qu’un adolescent peut avoir sont parfois source de déception et de malentendu.
Pour la jeune fille, le fantasme de grossesse est présent. Chez certaines, des passages à l’acte viennent concrétiser ce fantasme pour diverses motivations inconscientes. Pour d’autres, il s’agit de se rassurer sur la possibilité de tomber enceinte ou d’éprouver le sentiment de se sentir pleine et comblée. Enfin, des jeunes filles passent à l’acte par rivalité oedipienne avec la mère.
Les émergences pulsionnelles sont soudaines et intenses et effraient l’adolescent qui a parfois du mal à les contenir. Il utilise alors le mécanisme de défense qu’on appelle l’ascétisme de l’adolescence. Il s’agit d’un refus de toutes jouissances du corps, même les plus innocentes, afin de protéger le Moi contre les émergences pulsionnelles qui l’angoissent. On observe alors des conduites de restriction de toutes sortes. Poussé à l’extrême, ce mécanisme de défense, s’il devient un mode de fonctionnement, entraîne des troubles pathologiques (anorexie, conduites masochistes avec automutilation, etc.).