Les dépressions de l'enfant
Introduction – historique
La dépression de l’enfant a été longtemps méconnue voire niée. Les causes de cette méconnaissance sont multiples, il est en effet difficile de retrouver chez un enfant des symptômes analogues à ceux rencontrés dans la dépression de l’adulte. De plus, le polymorphisme de la symptomatologie dépressive de l’enfant contribue à masquer, sous l’apparence de symptômes variés, l’existence d’une souffrance dépressive. Enfin, il est difficile pour un adulte de concevoir et d’accepter qu’un enfant puisse être déprimé, ce qui paraît s’opposer à !a représentation sociale d’insouciance et de bonheur que i’enfant véhicule habituellement.
C’est à Stockholm en 1971 au cours du congrès de l’union européenne de pédopsychiatrie que la dépression de l’enfant a été officiellement admise. La dépression de l’enfant, contrairement à certaines idées reçues, se voit à tout âge : chez le nourrisson, au cours de la phase de latence et à l’adolescence.
Si la réalité clinique de la dépression a été acceptée chez l’enfant, sa sémiologie a fait l’objet de nombreux débats centrés sur la question de la spécificité de la sémiologie chez l’enfant. Cette spécificité n’est pas encore complètement reconnue par les classifications des troubles mentaux (CIM 10 et DSM IV) qui gardent les mêmes critères diagnostiques de l’adulte avec quelques particularités seulement chez l’enfant et l’adoiescent.
Le retentissement de la dépression peut être important sur le développement de l’enfant et surtout sur son pronostic scolaire et son intégration sociale, d’où l’intérêt de porter un diagnostic à temps afin d’entamer une prise en charge adéquate.
Données épidémiologiques
Les données épidémiologiques sont très variables en fonction des instruments de dépistage, de l’informateur (parents ou enfant), des critères diagnostiques utilisés et de la tranche d’âge étudiée. La prévalence en population générale de la dépression chez l’enfant de moins de 12 ans est estimée à 0,5% (elle varie de 0,2% à 3,4% selon les études), elle est plus fréquente chez les garçons. Ce taux augmente à l’adolescence, avec une prévalence moyenne de 3% pour les adolescents de 12 à 18 ans et une prédominance féminine.
En population clinique, dans une étude menée auprès d’une population de 1000 consultants dans le service de pédopsychiatrie de Tunis, la fréquence de la dépression de l’enfant âgé de 6 à 12 ans est de 13%.
Tableau clinique
Type de description: la dépression de la phase de latence
Elle touche les enfants d’âge scolaire. Le début des troubles est en généra! progressif avec l’apparition de symptômes dans plusieurs registres. Le grand polymorphisme clinique à cet âge donne à la dépression un aspect trompeur. Dans tous les cas, on retrouve à l’anamnèse un changement notable du comportement de l’enfant avec son état antérieur prémorbide.
peut également retrouver un facteur déclenchant qui a volontiers une valeur de perte ou
deuil.
tableau clinique associe plusieurs symptômes dans les registres suivants :
- La tristesse de l’humeur, la douleur morale et l’ennui: peuvent apparaître au premier plan, mais ne prennent jamais la forme de l’abattement extrême ou du ralentissement psychomoteur si caractéristique de l’adulte déprimé, La tristesse est souvent remplacée par une irritabilité, des crises de colère, voir une habilité de l’humeur.
- La dévalorisation et la perte de l’estime de soi s’expriment dans le discours de l’enfant par la thématique d’échec et d’incapacité, par le sentiment d’être mal aimé par les parents et/ou par l’entourage, et aussi par l’expression d’un doute face à une question ou une tâche. Les idées de culpabilité peuvent s’exprimer indirectement par l’enfant « je suis méchant » ou directement « c’est de ma faute ».
- Les troubles des conduites motrices: les sont souvent au premier plan, les attitudes d’agitation extrême, d’instabilité psychomotrice avec des manifestations agressives sont très fréquentes. Les parents sont débordés par un enfant qui « bouge tout le temps », qui « ne peut pas rester en place ».
Ailleurs, ou à d’autres moments chez le même enfant, c’est l’inhibition qui peut être au devant du tableau clinique. Il s’agit d’une inhibition aussi bien dans le domaine gestuel que verbal qui donne à l’enfant une attitude de lassitude, de pauvreté d’expression, d’apparente indifférence, voire de pseudo débilité.
- Les attitudes de retrait, de désintérêt, de passivité : il existe chez l’enfant déprimé une difficulté à investir les jeux, et d’une façon générale toutes les activités qui pourraient être pour lui une source de plaisir.
- Les attitudes de désintérêt peuvent s’accompagner de sentiment de rejet et d’isolement, mais aussi d’une quête affective avec paradoxalement» une difficulté à accepter d’autrui les manifestations d’affection et de réconfort.
- L’échec scolaire : l’inhibition intellectuelle est souvent à l’origine de situations d’échec scolaire, situations qui constituent fréquemment le motif de consultation et peuvent secondairement s’accompagner d’une véritable phobie scolaire. L’échec scolaire accentue aux yeux de l’enfant ses sentiments d’incapacité et d’insuffisance, ce qui contribue à accroître sa dépression et à l’enfermer dans un cercle vicieux de désadaptation scolaire. L’inhibition intellectuelle se manifeste de façon variable, mais elle est toujours présente. Il peut s’agir de troubles de l’attention, de la mémoire ou de difficulté globale des apprentissages. Les épreuves psychométriques montrent que les facultés intellectuelles sont ie plus souvent conservées.
- Les troubles des conduites sociales: ils se manifestent par le recours au mensonge, aux vols, à l’opposition, à l’hétéro agressivité, voire aux fugues donnant un tableau d’allure caractérielle ou comportementale.
- Les équivalents suicidaires : les enfants dépressifs présentent souvent une propension marquée aux accidents et aux blessures apparemment inexplicables d’un point de vue rationnel, tout se passe comme si ces enfants n’avaient pas intériorisés la notion de danger, ou comme si un masochisme inconscient les poussait à rechercher les situations dangereuses. Plus rarement, l’enfant déprimé exprime directement des idées de mort ou de suicide,
- Les manifestations anxieuses : sous forme de peurs fréquentes et de plainte somatiques.
- Les troubles instinctuels : à type de troubles de l’endormissement (insomnie, opposition au coucher), de réveils nocturnes, de cauchemars, de troubles alimentaires: anorexie, boulimie ou grignotage, de troubles sphinctériens: énurésie ou encoprésie.
- Troubles somatiques : fréquemment présents, peuvent contribuer à masquer le tableau dépressif. Il s’agit de douleurs abdominales, des céphalées sans causes organiques, et parfois de véritables décompensations psychosomatiques (eczéma, asthme etc.).
Lorsque l’enfant grandit, il dispose de moyens psychiques plus adaptés à l’expression de sa souffrance dépressive et notamment lorsqu’il approche la puberté, il peut alors manifester un syndrome dépressif franc.
Diagnostic positif
Le diagnostic positif repose sur les données de l’examen clinique, l’entretien familial et l’anamnèse. Chacun des signes pris isolément n’est pas nécessairement significatif, mais l’association de plusieurs d’entre eux (au moins cinq), leur permanence dans le temps et la modification comportementale qu’ils induisent sont caractéristiques. Il existe des échelles et des outils d’évaluations standardisés qui peuvent être utiles pour le clinicien, leur usage reste toutefois plus courant pour ia recherche clinique.
Les tests psychométriques (tests d’intelligences) sont souvent pratiqués devant l’existence de difficultés ou d’échec scolaire, et montrent un bon niveau d’efficience intellectuelle.
Vidéo : Les dépressions de l’enfant
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