Les délires paranoïaques
Le terme de paranoïaque qualifie à la fois un trouble de la personnalité et une pathologie délirante. Il convient donc de toujours en préciser l’attribution en terme de délire ou de trouble de la personnalité.
Les délires paranoïaques sont des états délirants chroniques, de mécanisme interprétatif et systématisé. La systématisation du délire lui confère un caractère extrêmement cohérent qui, associé à la conviction absolue et inébranlable du patient, peut entraîner l’adhésion de tiers. Ils se développent plus volontiers chez des patients présentant un trouble de personnalité prémorbide de type paranoïaque dont les principaux traits sont représentés par l’hypertrophie du moi, la fausseté du jugement, la méfiance, la psychorigidité et l’orgueil. Il est habituel d’identifier au sein des délires paranoïaques les délires passionnels, les délires d’interprétation et les délires de relation des sensitifs de Kretschmer. Les délires passionnels regroupent Pérotomanie, les délires de jalousie et les délires de revendication. Ils ont été regroupés et qualifiés de passionnels du fait de la nature des sentiments et des thèmes qui les inspirent. Ces états ont en commun d’être des états délirants chroniques débutant généralement brusquement par une interprétation ou par une intuition délirante. Ils peuvent secondairement s’enrichir de nombreuses interprétations délirantes et comportent en général une forte participation affective pouvant être à l’origine de passages à l’acte.
Les déiires passionnels ont une construction dite « en secteur » car ils ne s’étendent pas à l’ensemble de la vie psychique, affective ou relationnelle du sujet et les idées délirantes restent centrées sur l’objet et la thématique quasi unique du délire.
Clinique :
- Âge de début entre 30 et 40 ans, hommes = femmes
- La personnalité prémorbide est souvent pathologique
- Certains événements ayant une valeur traumatique précédent ce trouble
- Début le plus souvent insidieux associant une humeur dysphorique, un repli sur soi et un malaise inexpliqué pour le sujet et son entourage.
- C’est !e délire systématisé par excellence
- Les mécanismes du délire sont l’interprétation, l’intuition et les illusions.
Les hallucinations sont typiquement exceptionnelles.
Ce délire est monothématique et en fonction de ce dernier on oppose 3 types de délire paranoïaque.
Le délire d’interprétation (la paranoïa)
- Le délire constitue une sorte de « folie raisonnante », dans le sens qu’il obéît à une véritable manie de tout expliquer, de tout déchiffrer en fonction de l’idée qui sert de thème central au délire qui se voit ainsi peu à peu se conforter et s’enrichir au gré des déductions.
- Le thème est presque constamment un thème de persécution de préjudice et de malveillance.
- On en veut à ses biens, à sa santé ou à sa vie parce qu’ on est jaloux de lui, qu’on a un secret à cacher ou une faute à se reprocher ».
- Le délire va s’étendre secondairement en réseau, car aucun domaine de la vie du sujet n’est épargné.
- L’histoire prend ainsi l’allure d’un roman policier ou d’espionnage :
Il a bien compris le sourire du voisin et le salut chaleureux de i’autre, ils font partie d’un complot et cachent leurs sentiments »
Sa voiture démarre mal, on la lui a trafiqué, mais ça ressemble à une panne ordinaire, ils sont très fort ».
Dans la rue les voitures klaxonnent derrière lui, ils se font des signaux pour la filature », « un feu passé au rouge devant lui, ce la signifie qu’il est en danger. Ils peuvent télécommander les feux de circulation, ils cherchent à se débarrasser de lui dans un accident provoqué ».
Le délire revête souvent un aspect si plausible et si logique que l’entourage immédiat peut pendant un certain temps adhérer au délire et partager la conviction, voire les précautions du délirant : « délire induit ou à deux »
Les délires passionnels
Certes on a depuis longtemps dit que la passion est une folie, mais les états passionnels délirants ont des caractères cliniques qu’il convient de souligner :
Se produisent sur un fond de déséquilibre caractériel
S’accompagnent d’un cortège de symptômes témoignant du bouleversement de la vie psychique du sujet (manifestations thymiques, expérience hallucinatoires, dépersonnalisation et impulsivité = moments féconds du trouble).
Sont pathologiques : même si la passion s’insère dans une situation réelle, elle a une structure essentiellement imaginaire.
La force des complexes inconscients qui animent le délire lui imprime une évolution si typique qu’il est possible d’en prévoir le cours.
La rigidité systématique de la passion qui en constitue l’axe (blocs idéo-affectifs inébranlables)
Le délire érotomaniaque
Le sujet à la conviction délirante d’être aimé par un personnage qui est souvent considéré comme socialement prestigieux.
La révélation repose sur un fait anodin(une parole insignifiante, un regard dans une foule…) qui va entraîner une certitude qui sera secondairement renforcer de tout un jeu d’interprétation dirigé toujours dans le sens de la position passionnelle.
L’évolution se fait en 3 phases :
Phase d’espoir : Elle est faite d’attentes, de poursuites, de lettres, d’appels téléphoniques et de cadeaux.
Phase de dépit : C’est la phase de déception au cours de laquelle le sujet se rend compte en quelque sorte de la réalité des sentiments de l’objet.
Phase de rancune : Les passages à l’acte ne sont pas exceptionnels et sont sous tendus par une rancœur et une avidité de vengeance.
Ce délire s’accompagne d’une exaltation et une polarisation passionnelle intenses et qui commandent toutes les conduites du sujet.
Le délire de jalousie
Tout commence par l’installation insidieuse d’une idée fixe de jalousie, souvent sans motif précis, qui s’alimente d’événements minimes que le jaloux jugera significatifs (un coup de téléphone, le regard d’un passant, une allusion à la radio…).
Pendant des mois le délirant ruminera ses soupçons et se doutes qui se transformeront peu à peu en certitudes.
Il recherchera les preuves de l’infidélité du conjoint en :
- le surveillant sans cesse
- le suivant dans la rue
- scrutant son courrier
- examinant son linge
Les gestes les plus banaux sont interprétés comme des preuves, les amis du conjoint sont complices, le passé est lui-même reconstruit en fonction du délire.
L’évolution est chronique avec des périodes d’atténuation et des périodes florides où s’extériorisent des réactions vindicatives, des moments dépressifs ou encore des actes auto et hétéro-agressifs.
Une note doit être portée à l’alcoolisme chronique qui est beaucoup plus associé à ce type de délire et qu’on incrimine dans :
- l’éclosion du délire
- la facilitation des passages à l’acte
- l’aggravation du tableau clinique
Le délire de revendication
sentiment d’être persécuté qui accompagne ce délire est à l’origine de certaines attitudes de ruérulence et parfois même d’agressivité hypersthénique qui justifient la réparation classique de dangerosité de ce type de délire.
2 /ariétés sont classiquement décrites en fonction du thème délirant :
Les quérulents processifs :
Ils se ruinent en procès pou faire triompher une revendication dérisoire.
Es étoffent leur dossier, assiègent les tribunaux, contestent les jugent voire même leurs avocats seront considérés comme complices.
Les sujets dits « persécutés – persécuteurs » environnés d’ennemis et exaspérés peuvent se T -e justice eux même et aller jusqu’au crime.
Les inventeurs méconnus :
Ils lutteront toute leur vie pour protéger ou faire reconnaître la valeur de leur découverte :
(nouveau carburant, nouvel engin, nouveau médicament…).
Peu importe l’importance de l’invention, ce qui est capital c’est l’exclusive propriété, le monopole absolu et la propriété indiscutable qu’ils revendiquent.
Les idéalistes passionnés ;
Ils rêvent d’un nouveau système politique ou de paix universelle et ils sont animés d’une volonté farouche et agressive de lutte et de combat.
Ainsi les attentats contre les hommes politiques et les institutions sociales sont des armes habituelles qu’ils mettent au service de leur inépuisable désir de réforme et de justice.
Tous ces délires de revendication ont en commun :
- Les mécanismes du délire.
- L’organisation en secteur de celui-ci qui reste limité au domaine de préjudice postulé.
- La bonne conservation de la conscience et des fonctions mentales.
Le délire sensitif de relation (KRETSCHMER )
Il se développe souvent à la suite d’événements particulièrement pénibles, d’échec, de frustration ou de rejet entraînant des sentiments de honte, d’humiliation ou de culpabilité.
Le sujet rumine douloureusement des impressions de brimades ou de mépris et développe des idées de référence qui deviennent vite des certitudes. Ainsi, il a l’impression qu’on fait des allusions à son propos, on se moque de lui, on rit de ses maladresses et on parle de lui dans son dos.
Il ne s’agit pas ici d’un complot contre ses intérêts, c’est plutôt une conjuration du mépris visant la dignité de sa personne de la part de son milieu de travail ou de ses proches.
Ce type de délire se développe sur un type de personnalité particulière dite classiquement sensitive : c’est une personnalité paranoïaque mais les sujets qui n’a ni la confiance de soi ni l’agressivité des vrais paranoïaques. Par contre ils en ont l’orgueil, l’obstination, le sens de leur valeur et de leur dignité.
Ils sont par ailleurs timides, asthéniques, susceptibles et vulnérables.
Ce délire s’organise en secteur et ne s’étend guère au-delà du domaine relationnel.
Il est généralement ponctué d’épisodes dépressifs avec souvent une note hypochondriaque et reste compatible avec une adaptation subnormale.
Principes de traitement des délires paranoïaues
Il n’existe donc pas un mais des troubles paranoïaques.
Une des grandes questions pour les soignants va être : Comment faire accepter des médicaments, et convaincre un patient d’être compliant à un traitement dont les effets secondaires sont parfois invalidants ? Comment instaurer une relation de confiance ?
Le soignant doit toujours être disponible et ouvert pour pouvoir adapter une stratégie thérapeutique efficace et aider ces patients, dont le dénominateur commun est par ailleurs souvent le refus de soins.
Problème de l’hospitalisation :
L’hospitalisation de ces patients est en générai assez rare, les soins ambulatoires étant à privilégier au maximum, et en générai dans deux types de situations particuiières :
lors d’une exacerbation anxieuse ou d’une décompensation dépressive.
lorsque la dangerosité du patient est importante.
Il est toujours important d’évaluer chez ces patients le potentiel de dangerosité (présence d’un persécuteur désigné, imminence d’un passage à l’acte, impossibilité de différer l’acte auto ou hétéroagressif et d’envisager des solutions alternatives). Dans ce cas, l’hospitalisation se fait plutôt selon le mode de [‘Hospitalisation d’Office puisque les troubles mentaux présentés constituent un danger imminent pour la sûreté des personnes.
L’Hospitalisation Sur Demande d’un Tiers n’est pas recommandée dans ce cas puisque le tiers pourra faire l’objet de toute l’attention du patient et devenir le persécuteur désigné.
Les traitements médicamenteux :
L’abord médicamenteux tentera d’atteindre trois objectifs principaux :
• Le contrôle des éléments délirants plus que l’abrasion du délire
• La stabilisation des troubles du comportement ; c’est un des objectifs les plus importants à atteindre
La stabilisation de l’humeur et des troubles anxieux
Les traitements pharmacologiques reposent essentiellement, comme dans toutes les pathologies délirantes, sur l’utilisation des neuroleptiques. A titre d’exemple :
Les neuroleptiques sédatifs sont des traitements à court terme indiqués en cas d’agitation ou de menace de passage à l’acte. On utilise principalement la lévopromazine (Nozinan® 50 à 200 mg par jour) ou encore la chlorpromazine (Largactil® 100 à 300 mg par jour)
Le traitement de fond repose sur les neuroleptiques incisifs dont l’action est inconstante sur ce type de délire. Il faut par ailleurs savoir que la tolérance de ces médicaments par ces patients est en général assez mauvaise et il est recommandé d’employer les doses les plus faibles possibles afin de concilier effets attendus et effets indésirables. A titre indicatif, on peut utiliser des neuroleptiques classiques, tels que l’halopéridol (Haldol 1 à 5 mg par jour), dont certains disposent de formes à action prolongée garantes d’une meilleure observance. Les molécules de nouvelle génération, appelées neuroleptiques à profil atypique ou antipsychotiques, sont souvent employées en première intention du fait de leur meilleure tolérance sur le plan neurologique. Il s’agit de la rispéridone (Risperdal® 1 à 3 mg par jour), de l’amisulpride (Solian® 100 à 400 mg par jour) ou encore de l’olanzapine (Zyprexa® 2,5 à 5 mg par jour). Le traitement neuroleptique retard peut se révéler intéressant pour garantir une prise médicamenteuse régulière, seulement seule la rispéridone en possède la forme retard.
Les antidépresseurs peuvent être indiqués en cas de décompensation dépressive lorsque le délire a été réduit par le traitement neuroleptique. Il faut les utiliser avec prudence car il est toujours possible de favoriser la réactivation de la construction délirante. Leur usage doit rester une décision du psychiatre.
Les benzodiazépines trouvent leur indication dans les traitements d’appoint et de courte durée des troubles anxieux associés.
Principes de traitement des psychoses hallucinatoires chroniques
– Place des psycho thérapies :
Face à un patient souffrant de délire paranoïaque, il est conseillé au médecin de savoir garder des distances et de faire preuve d’honnêteté dans les soins proposés afin d’établir un climat de confiance, préalable indispensable à l’acceptation d’un traitement.
Il faut éviter d’affronter le patient et d’avoir des attitudes de rejet.
La place des psychothérapies chez ces patients est restreinte du fait de leur faible capacité de remise en question et d’introspection.
L’indication du type de thérapie dépend de la nature du délire, de l’existence de troubles de l’humeur associés, de la structure de personnalité, des capacités de remise en question et ne peut être prise que par un psychiatre.
2 réponses pour "Les délires paranoïaques"
Bonjour,
Ce sont le genre de patient qui peut être agressif pendant le traitement.
Bonjour,
Le médecin doit faire preuve de patience et de sang froid face à cette personnalité un peu agressive.