Le travail : Les style d’autorité et les recherches sur le leadership
Savoir comment diriger une équipe ou une organisation et quelles sont les qualités demandées pour qu’un leader soit efficace sont des questions essentielles pour les entreprises et ont donné lieu à de nombreux travaux dont les conclusions ne sont pas vraiment évidentes. Régulièrement, surgissent de nouvelles approches et propositions qui témoignent avant tout de la complexité de ce thème.
Les premiers travaux se sont penchés sur les traits des leaders. Peut-on dégager des traits particuliers parmi les leaders reconnus : personnalité, éducation, sexe, taille, etc. ? Qu’est-ce qui différencie les personnes qui deviennent plutôt des subordonnés de celles qui seront leaders ? Naît-on « chef » ? Quelles distinctions peut-on faire entre les leaders qui réussissent et ceux qui échouent ?
Ces questions du sens commun ont trouvé une réponse assez radicale dès 1948. En effet, Stogdill publie alors une synthèse des travaux effectués sur ces questions. La conclusion principale est que les leaders n’ont pas de traits particuliers. Ils ont tendance à réussir mieux leur scolarité mais il ne faut pas trop d’écarts, en termes de compétences et de formation, entre le chef et ses subordonnés. Plusieurs études ont tenté d’établir des liens avec les caractéristiques physiques : Napoléon et Hitler étaient petits, une grande taille n’a donc rien à voir. De même, un leader n’est pas forcément un homme. On peut penser qu’une bonne confiance en soi est utile mais ce n’est pas automatique : Hitler était considéré comme une personne maniaco-dépressive.
Cette approche basée sur les traits des leaders a donc été abandonnée au profit d’une analyse des comportements des leaders en situation. Stogdill, en 1974, a cependant considéré que cet abandon avait été excessif dans la mesure où un examen de ces traits, mais en tenant compte des situations, pourrait permettre en particulier de mieux saisir les déterminants de la réussite ou de l’échec des leaders. Ce à quoi on pourrait ajouter que cet abandon a eu tendance à faciliter le retour des considérations les plus fantaisistes du sens commun (« c’est dans les gènes, ça ne s’apprend pas… »).
Une autre approche consiste donc à examiner quels sont les comportements des leaders qui favorisent l’efficacité de leurs interventions dans les groupes.
À la fin des années 1930, les expériences conduites par Lewin, Lippitt & White (1939) avec des enfants dans le cadre de « clubs » animés de façon différenciée ont permis d’aboutir à une distinction de trois grands styles de comportements des leaders :
– Pour le style autocratique, toutes les décisions sont prises par le chef, c’est lui qui détermine qui fait quoi, qui répartit les tâches, qui compose les équipes, qui donne les appréciations et critiques, il s’implique très peu dans l’activité elle-même. Une certaine tension et de l’hostilité se manifestent dans ce cas chez les subordonnés.
– Dans le style démocratique, les décisions se prennent à partir de discussions entre le leader et les subordonnés. Ces derniers ont une certaine autonomie dans les choix, les tâches sont réparties à l’intérieur de l’équipe à partir d’échanges, le chef participe aux activités de l’équipe. C’est pour ce style que la satisfaction et l’efficacité sont les plus importantes.
– Dans le style laisser-faire, le chef laisse les subordonnés se débrouiller, il n’apporte aucune aide, n’intervient pas dans la répartition des tâches, et ne participe pas aux activités. Dans cette situation, l’efficacité est très faible et les participants très insatisfaits.
Tannenbaum et Schmidt (1958) évoquent l’idée d’un continuum possible de comportements entre les deux styles extrêmes suivants :
– Un style de direction centré sur le supérieur où les subordonnés n’ont pas leur mot à dire dans les décisions.
– Un style qui se préoccupe principalement des subordonnés, où le supérieur laisse le groupe libre à l’intérieur de certaines contraintes.
Dans le premier cas, le leader donne simplement ces décisions, dans l’autre, il les partage et, entre les deux, les « vend » ou consulte ses subordonnés.
Une autre distinction qui a connu beaucoup de succès consiste à différencier les comportements du leader « centrés sur la tâche » (impératifs de production) et ceux « centrés sur le groupe » (intérêt pour les problèmes humains du groupe). Le leader « intégrateur » combine ces deux préoccupations et est donc susceptible de favoriser à la fois l’efficacité et le climat social dans le groupe qu’il conduit. La combinaison de ces deux dimensions permet à Blake et Mouton (1964) de différencier cinq grands styles de comportement de leadership et de fournir des indicateurs permettant aux personnes de mettre en évidence leur style principal. Cette approche rappelle celle dite des catégories de Baies (1950) qui conduit à caractériser les communications dans un groupe de travail selon leur orientation vers la tâche ou vers le groupe, en tenant compte de leur portée positive ou négative.
Fiedler (1967) va plus loin en soulignant le fait que ces styles de leadership, pour être efficaces, doivent être adaptés aux caractéristiques de la situation et à celles des subordonnés, en particulier pour les éléments suivants :
– qualité des rapports entre le supérieur et les subordonnés,
– niveau de structuration des tâches,
– position de pouvoir du leader, peut être justifié, selon Fiedler, lorsque les rapports sont bons, que les tâches sont très structurées et que le pouvoir du leader est important.
Ces multiples travaux sur les styles de leadership, en plus d’avoir très souvent des perspectives normatives, aboutissent en fait à très peu de résultats probants. Il semble bien que la complexité de l’activité réelle des leaders et des relations qu’ils entretiennent avec leurs subordonnés ne se laisse pas enfermer dans quelques variables centrales puisées dans le sens commun.
Partant d’une analyse des activités de dirigeants d’entreprise, Mintzberg (1989) met ainsi en évidence cette complexité à partir du constat que le manager réalise dans une journée une multiplicité de tâches très brèves et fragmentées. Ce qui pose des problèmes pour étudier le travail du manager dont l’essentiel du temps consiste à parler, échanger avec d’autres. Mintzberg essaie de regrouper ces tâches à travers dix rôles qui concernent les domaines suivants :
– Les relations interpersonnelles : rôles de symbole, de leader, d’agent de liaison.
– Les rôles liés à l’information : porte-parole, diffuseur, vigie.
– Les rôles décisionnels : négociateur, entrepreneur, régulateur, répartiteur de ressources.
Il reste que des recherches plus approfondies sur les activités réelles des leaders et sur les interactions avec leurs subordonnés semblent nécessaires pour éviter les théories simplificatrices et peu concluantes. Il est vrai que les méthodes d’observation adaptées à cet objet sont encore insuffisamment développées (cf. Livian, 2006).