La mère,l'autre et la jouissance
L’autre
I est-ce celui sur qui je projette la globalité de mon image qui parle? Celui sur lequel je projette la totalité de mon image, c’est mon semblable, mon miroir, mon frère, ma mère… C’est le petit autre. Et ce n’est pas avec ce petit autre que je parle, puisqu’avec lui, ce n’est qu’une affaire d’image. A cet égard la bi-univocité relève de CC registre : ça ne parle pas dans l’image.
Nous nous trouvons donc obligés, dit Lacan, de concevoir un autre type que le nemblable. Le grand Autre, où ça parle, répond à cette obligation .
Dans l’image qui est la mienne dans l’autre, donc dans le miroir, se découpe le phallus ; et il n’est pas le seul non-spécularisable : c’est le cas de tous les objets, que I,uean range sous le nom d’objets a. De ce phallus qui n’y est donc pas, de même que objets a non-spécularisés, il n’y a pas de signifiant pour que dans le grand Autre
en parle. Le phallus est ainsi nommé «signifiant du manque dans l’Autre» : qui peut s’écrire . Pour ceux à qui cet algorithme paraîtrait énigmatique, rappelons pour Freud, quand il soutenait que l’inconscient ignore le principe de contradiction — le signifiant du manque dans l’Autre — c’est la contradiction.
Dans une présentation topologique, le lieu de F Autre se trouve donc être troué, et 1rs bords qui délimitent et constituent ce trou sont le siège d’une circulation d’objets
II de jouissance qui sont le support, entre la mère et l’enfant, notamment des signifiants.
I -’Autre n’est donc que le lieu des signifiants, troué du manque, un signifiant ne se finissant qu’à partir de tous les autres qui lui sont opposés, opposables. Cet Autre, I ai an le compare à un rond «brûlé», «aveugle» ou «mort». Pour dire de lui qu’il n’est en rien imaginaire.
La mère et l’autre
Que veut-on dire exactement quand on emploie la formule : « la mère est au lieu de l’Autre»? Peut-on dire autre chose, qu’elle veut s’y tenir, que ce serait elle qui aurait les signifiants, alors que l’enfant ne parle pas? Pour elle aussi le phallus n’a pas de lénifiant dans le grand Autre qui est le sien. Si on veut illustrer cette proposition par la topologie on peut dire que le grand Autre est troué, rendant ainsi compte de la nécessité du manque. Ce qu’il y manque, c’est le signifiant du phallus.
- Il peut se faire que la mère veuille combler ce manque, d’autant qu’elle trouve le repérage dans la prématuration de son enfant et que, dans un premier temps, elle tient lieu de ses fonctions.
Elle a des objets à sa disposition pour combler le grand Autre, et notamment ceux de son enfant. Ce sont des objets a dont Lacan a proposé de les considérer comme circulant sur les bords de ces trous, vectorisés par la jouissance.
- Parmi ces objets, deux paraissent marquer nettement les possibilités de la mord d’avoir un effet sur ce manque : le regard et la voix. Le regard est tout entier dans lu circulation des objets a, et à aucun moment il ne fait partie du grand Autre, car il n’ai que faire avec le signifiant. Il reste ainsi dans le champ du pur imaginaire. Quant à la voix, elle se situe des deux côtés : à la fois du côté des objets a, mais aussi comnii! vecteur par la parole des signifiants de la mère. De sorte que ce n’est que par ce cûlé de la voix que l’on peut dire de la mère qu’elle est au lieu du grand Autre, où ça parle : ce n’est donc pas la mère proprement dite, et globalement, qui s’y trouve. 1
- Quant à la jouissance, celle de l’enfant et celle de la mère se conjuguent. A ceci près qu’entre elle et lui la différence tient en ceci, qu’il peut adresser des demandes : qu’il leur soit ou non répondu, elles sont hypothétiques tandis que du côté de sa mère,] de toute façon, son savoir à elle est impliqué. Mais il peut aussi devoir faire face à la question du refoulement de l’aptitude à entendre la réponse. Celle-ci, quand elle* survient de la part de la mère, vient ou non s’inscrire dans le désir d’outrepassée’ l’ordre de la loi (excès de don par exemple).
Comment articuler au grand Autre fonction et fonctionnement?
Il s’agit, à propos de la jouissance, de l’entraînement de la fonction par un fonctionnement débridé. La limite à ce fonctionnement, comment opère-t-elle?
- à la phase du miroir, dans l’opposition entre la maîtrise de l’image et le fait que le corps maternel, réflexion spéculaire, ne lui obéit pas, les objets de la motricité sont en jeu, mais surtout, «l’activité» de l’enfant, c’est-à-dire l’érotisation du mouvement. Que la mère ne lui obéisse pas entraîne normalement la dépression, le sentiment d’impuissance, ou au contraire, le déchaînement d’un fonctionnement débridé, qui ne trouve plus d’arrêt que la décharge (principe de plaisir et de réalité).
- par ailleurs la limite peut être articulée par la négation, mais explicitement énoncée : «ça suffit comme ça! Arrête! Non!!!» Ce qui revient à dire qu’alors lu mère ne fait pas seulement la grosse voix, mais utilise par le moyen de la voix le signifiant (surmoi) qui interdit le débordement du fonctionnement.
L’interdit
Ce qui revient à dire aussi, puisque la voix est du côté de l’objet autant que du signifiant, qu’il est possible de limiter une jouissance par un objet a. D’ailleurs ce n’est que sous la forme de l’objet que le regard peut avoir un effet du même ordre (les gros yeux, l’œil noir…). De sorte que cette limitation du débordement par un objet montre clairement qu’alors la mère n’a rien à voir avec le grand Autre.
En d’autres termes encore, l’interdit énoncé ne bouche en rien le trou dans l’Autre, tout comme la transgression n’a jamais aboli la loi.
La fonction, parce qu’elle est phallique, ne peut en aucun cas combler le trou du grand Autre, c’est-à-dire occulter le manque dans ce même registre.
Si le débordement persiste cependant, incitant justement la mère à supplémenter le grand Autre, elle dit à l’enfant normalement «j’en parlerai à ton père!» Elle fait venir, puisque la fonction phallique ne suffit pas, le fonctionnement paternel.
Une mère qui ne se situe que dans le don et non dans l’échange, ne peut en aucune, réduire le débordement du fonctionnement de son enfant : elle est elle-même en dehors de la fonction phallique et de sa loi.