Jalousie entre sœurs
La jalousie entre soeurs: Introduction
Les sœurs se font la guerre, s’ignorent ostensiblement ou s’envient en silence. Entre sœurs, les sentiments sont aussi complexes que passionnels. De nombreuses rivalités seraient, selon vous, préparées, voir souhaitées par les parents.
Dans quel but?
Ce désir est inconscient, car tous les parents veulent une fratrie qui s’entend bien. Pourtant, inconsciemment, chacun s’attribue un enfant, soit parce qu’il se retrouve en lui, soit parce qu’au contraire, il voit en lui l’incarnation de celui ou celle qu’il aurait aimé être. Il projette sur lui un passé qui n’est pas réglé et il le charge de réaliser ses désirs. Cette représentation – «ma fille contre ta fille » – explique que les enfants, très jeunes, adoptent le rôle écrit par le parent. Ce peut être la fille brillante et garçon manqué, la petite fille coquette et séductrice, l’enfant fragile à protéger ou, au contraire, la fille qui endosse le rôle de mère de famille…
Par exemple, celle qui est «choisie » par le père va cultiver l’intelligence et le goût de la liberté, sans faire d’effort particulier au niveau de la séduction, tandis que celle «choisie » par la mère va cultiver la féminité et la joliesse plutôt que l’affirmation de soi ou le savoir. On voit bien là les «guerres» qui peuvent se développer entre sœurs à partir de ces deux positions. Il s’agira de garder son territoire et de conquérir celui de l’autre.
Vous affirmez aussi que la relation sororale est un laboratoire de la féminité, quelles expériences y fait-on?
Mère, séductrice, leader, coach, amie, fille, sœur, rivale… Parmi les rôles que la femme est amenée à jouer en couple, en famille ou en société, il n’y en a pas un seul qui ne soit expérimenté dans la relation entre sœurs. Tout se joue, se teste, s’apprend. Dans cette relation baignée par les mots, l’écoute, l’empathie, les filles découvrent ce trésor de guerre qu’est la féminité, sous toutes ses facettes. Cette découverte se fait le plus souvent sur fond de compétition, car il s’agit d’avoir ce que l’autre n’a pas ou ce qu’elle possède, et toutes les filles qui ont des sœurs savent que les choses ne sont pas données dans la vie, qu’il faut se battre pour les obtenir. Dans cette quête de soi qu’est l’exploration de la féminité, la sœur est à la fois une partenaire et une rivale. À quelles conditions peut-on devenir amie avec sa sœur?
Il n’est pas possible de développer une relation apaisée avec sa féminité, donc avec les autres femmes, sans être sortie de l’œdipe. Tant que ce complexe n’est pas résolu, on continue de considérer les femmes comme des rivales et les hommes comme des êtres à séduire ou à dominer. Pour devenir amie avec sa sœur, il faut l’être avec soi-même, avoir réglé ses comptes avec son enfance – travail qui peut se faire en thérapie.
Lorsque l’on parvient à regarder son passé, sa famille de manière apaisée, on peut tisser une nouvelle relation avec les femmes et peut-être aussi avec sa sœur. Plus tendre, plus intime et plus légère. Car alors, la féminité n’est plus l’ennemie de la femme et la femme sait qu’elle peut compter sur ses sœurs.