Harcèlement moral au travail
Définition
Le harcèlement moral au travail est un phénomène complexe aux origines, formes et
conséquences multiples, qui est pratiqué dans le but de nuire et de détruire une personne ou un
groupe de personnes.
C’est un processus de destruction mentale qui, par la fréquence et la répétition dans le temps, peut conduire à la maladie mentale et, dans les cas extrêmes au suicide.
Il représente un véritable meurtre physique et psychique. Il constitue une atteinte à la dignité du salarié, à l’intégrité de sa personne et à son droit au travail.
Il met en danger, non seulement l’équilibre personnel, mais également la santé de la victime.
Le harcèlement moral au travail peut être, d’une part, exercé contre un salarié en raison de ses origines, mœurs, convictions religieuses, opinions politiques ou activités syndicales de ce dernier. Il se met également souvent en place quand une personne réagit à l’autoritarisme d’un supérieur hiérarchique et refuse de se laisser asservir.
Et , d’autre part, il est utilisé sciemment comme un mode de management visant à individualiser et à «user» certains travailleurs pour leur faire commettre une faute professionnelle qui permettra de les sanctionner ou de les licencier au moindre coût. Il est devenu une véritable stratégie de l’employeur ou de groupes.
Reconnaître le harcèlement moral au travail
Les exemples d’agissements ci-dessous permettent de reconnaître le harcèlement moral. Cependant, un seul de ces agissements ne suffit pas pour constituer la preuve d’un harcèlement. Il faut justifier d’un faisceau d’indices. Ils peuvent être rassemblés en 3 groupes
Problèmes relationnels au travail isolement, refus de communication, agression
– On interrompt sans cesse la victime.
– Ses supérieurs hiérarchiques ou ses collègues ne lui parlent plus.
– On communique avec elle uniquement par écrit.
– On refuse tout contact même visuel avec elle.
– On ignore sa présence en s’adressant uniquement aux autres.
– On interdit à ses collègues de lui parler.
– On ne la laisse plus parler aux autres.
– On menace la victime de violences physiques.
– On l’agresse physiquement même légèrement, on la bouscule.
– On hurle contre elle.
Atteintes aux conditions de travail
– On retire à la victime son autonomie.
– On ne lui transmet pas délibérément les informations utiles à la réalisation d’une tâche.
– On conteste systématiquement toutes ses décisions.
– On critique son travail injustement ou exagérément.
– On lui retire l’accès aux outils de travail téléphone, fax, ordinateur…
– On lui retire le travail qui normalement lui incombe.
– On lui donne en permanence des tâches nouvelles.
– On lui attribue volontairement et systématiquement des tâches inférieures à ses compétences.
– On fait pression sur elle pour qu’elle ne fasse pas valoir ses droits (congés, horaires, primes).
– On lui attribue contre son gré des travaux dangereux.
– On lui attribue des tâches incompatibles avec sa santé.
– On occasionne des dégâts à son poste de travail.
– On lui donne délibérément des consignes impossibles à exécuter.
– On la pousse à la faute.
Atteinte à la dignité de la personne
– On utilise des propos méprisants pour la qualifier.
– On utilise envers elle des gestes de mépris (soupirs, regards méprisants, haussements d’épaules…).
– On la discrédite auprès des collègues, des supérieurs ou des subordonnés.
– On fait courir des rumeurs à son sujet.
– On lui attribue des problèmes psychologiques ou relationnels
– On se moque de ses handicaps ou de son physique; on l’imite ou on la caricature.
– On critique sa vie privée.
– On se moque de ses origines ou de sa nationalité.
– On s’attaque à ses croyances religieuses ou à ses convictions politiques ou syndicales.
– On lui attribue des tâches humiliantes.
– On l’injurie avec des termes obscènes, dégradants ou humiliants.
– On utilise des sous-entendus, des non-dits, des remarques blessantes, des sarcasmes à son égard.
– On claque la porte on cesse les conversations à son passage.
– On la harcèle ou on l’agresse sexuellement (gestes ou propos).
– On ne tient pas compte de ses problèmes de santé.
Les manifestations du harcèlement moral au travail
Le harcèlement moral au travail se manifeste sous formes nombreuses et diversifiées, parfois difficilement visibles. La personne harcelée passe par quatre phases:
Le premier stade
Le harcèlement moral au travail peut commencer de façon anodine, souvent par le refus de la différence et se propage ensuite insidieusement les personnes concernées peuvent prendre à la légère, des allusions, reproches, pressions, vexation, mensonges….etc. A ce stade, il n y a pas encore de symptômes.
Deuxième stade
Ces attaques se multiplient de plus en plus et la victime est régulièrement soumise à des comportements, actes, paroles, gestes hostiles ou mise en situation d’infériorité.
Les premiers signes sont perçus par la victime qui va chercher à démontrer qu’elle est utile et performante.
C’est la répétition, la fréquence et l’accumulation des faits parfois anodins et de comportement volontaire qui sont constitutifs d’une véritable persécution portant atteinte à l’intégrité physique ou psychique d’autrui et constituent le phénomène d’harcèlement destructeur de la personnalité.
Troisième stade
Le salarié harcelé commence à développer divers symptômes anxiété, troubles du sommeil, irritabilité. Son entourage professionnel le laisse seul parce qu’il a peur et/ou qu’il ne sait pas gérer ce type de situation.
Quatrième stade
Les symptômes se cumulent, le salarié est devenu un malade qui souffre de troubles digestifs, endocriniens, fonctionnels et psychosomatiques. Suicides, dépression, maladies psychopathologiques témoignent, malheureusement, de la gravité du problème.
Les actes et les agissements du harcèlement moral au travail peuvent déboucher sur le harcèlement sexuel, d’autres peuvent commencer par le harcèlement sexuel et se termine par le harcèlement moral.
Pathologies du harcèlement
La situation de harcèlement entraîne de la part des victimes, des réponses inadaptées qui entraînent une usure et divers dysfonctionnements. Elles sont en même temps comme anesthésiées et ne sont pas au maximum de leurs possibilités intellectuelles. Au bout d’une longue période, la résistance de l’organisme s’épuise
Le harcèlement peut provoquer dans un premier temps des symptômes de stress nervosité, irritabilité, anxiété, troubles du sommeil, brûlures d’estomac, hypertension artérielle, douleurs musculaires… Au bout de quelques mois, ces symptômes peuvent se transformer en troubles psychiques manifestes. Certains réagissent avec une hyper combativité qui les fait souvent qualifier de paranoïaques. D’autre sont envahis par un sentiment d’épuisement et de fatigue chronique, une baisse de l’estime de soi, pouvant évoluer vers la dépression. Les états dépressifs peuvent entraîner
-des troubles de l’attention et de la mémoire.
-un sentiment de découragement, de pessimisme, de culpabilité, d’isolement.
-une perte de confiance en soi, du sens du métier.
Leurs conséquences possibles sont une atteinte de la personnalité, la dégradation de la santé, l’invalidité, la perte de l’emploi, le suicide.
D’après Christophe Dejours, dans sa préface à son ouvrage « Travail, usure mentale », » si le harcèlement conduit aujourd’hui plus souvent que naguère à des troubles psychopathologiques graves chez les victimes, ce n’est vraisemblablement pas parce que la technique du harcèlement se serait perfectionnée (…). Ce qui a changé, semble-t-il, c’est plutôt la passivité et l’absence de solidarité de la part des collègues de la victime du harcèlement, et la profonde transformation du sens de la justice dans le monde du travail. » La conséquence du harcèlement moral ou psychologique est avant tout une pathologie de la solitude, de l’isolement, qui renforce la souffrance.
La prévention du harcèlement moral au travail
La santé au travail ne se réduit pas à la santé physique, elle doit aussi tenir compte des situations de stress et de la santé mentale des personnels afin de prévenir les risques liés au harcèlement moral au travail, malheureusement trop présent dans nos administrations comme dans l’ensemble du secteur public et privé.
La prévention du harcèlement moral au travail nécessite d’intervenir très en amont du processus de harcèlement. Elle passe avant tout par le respect du travail et de l’homme au travail.
L’administration doit veiller à la protection de la santé physique et mentale des agents placés sous son autorité. Elle doit mettre en œuvre les mesures de prévention pour y répondre en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants.
Prévenir le harcèlement moral au travail
Dans le cadre de son obligation globale de protection de la santé des salariés, l’employeur doit veiller à développer au sein de son entreprise une politique de prévention du harcèlement moral. Voici quelques propositions d’actions concrètes qui peuvent être menées
– insérer dans le règlement intérieur ou dans les règles du travail des dispositions relatives à la lutte contre le harcèlement moral (déclaration de respect de chaque salarié, rappel de l’interdiction légale du harcèlement etc…).
– inscrire la volonté de l’entreprise de lutter contre le harcèlement dans une charte.
– mettre en place des actions de sensibilisation et d’information des managers en matière de harcèlement et de discrimination, afin que l’encadrement soit capable de déceler très tôt les prémices de harcèlement.
– mener une politique de communication auprès de tous les salariés sur la notion de harcèlement moral en précisant bien qu’une fausse accusation de harcèlement peut, à son tour, donner lieu à une plainte, de la part du présumé harceleur, pour harcèlement ou pour diffamation.
– prévoir une structure d’accueil et d’écoute pour les situations à risque et les salariés qui s’estiment victimes de harcèlement. Cette mission peut être assurée par le responsable des Ressources Humaines.
– mener une réflexion sur les conditions de travail (stress, pression des objectifs, rythme de travail ..)
– si le harceleur s’avère être un collègue, clarifier la situation en responsabilisant l’auteur du harcèlement et faire jouer, si nécessaire, son pouvoir disciplinaire qui peut se traduire, au final, par un licenciement.
Agir en présence d’un cas de harcèlement moral
Tout d’abord, il convient de préciser que le salarié doit établir des faits permettant de présumer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, la personne poursuivie doit prouver que ses agissements ne sont pas constitutifs d’un harcèlement ou que ses actes sont justifiés par des motifs étrangers à tout harcèlement.
Lorsque des preuves flagrantes de harcèlement moral sont apportées par un salarié (écrits, témoignages..) , il convient d’apporter à ce salarié soutien, compréhension et écoute, afin de casser le processus de harcèlement, d’enrayer les conséquences psychologiques désastreuses liées au harcèlement moral et d’empêcher un lourd contentieux devant les prud’hommes.
Cette démarche est facilitée par la loi qui prévoit le recours à une procédure de médiation.
Il importe donc à l’employeur ou aux managers de convaincre les parties en cause d’avoir recours à un médiateur qui a pour objectif de tenter de concilier les protagonistes en leur soumettant des propositions qu’il consigne par écrit en vue de mettre fin au harcèlement. Le médiateur choisi par les parties en cause peut être une personne de l’entreprise (ex responsable des ressources humaines, délégué du personnel etc…) ou une personne externe (ex médecin du travail ou le conseiller en prévention et protection du travail). En cas d’échec de la conciliation, il informe les parties des éventuelles sanctions encourrues et des garanties procédurales en faveur de la victime.
En conclusion, on peut affirmer que la simple évocation de harcèlement moral peut avoir des répercussions désastreuses sur le climat social de l’entreprise et dans les relations collectives du travail. Par conséquent, il est vivement conseillé à tout responsable d’entreprise de se préoccuper de ce problème et de mener une véritable politique de prévention, afin d’éviter toute accusation de harcèlement moral.