Galerie de portraits : L'obsessionnel
L’obsessionnel présente des points communs avec l’angoissé, à ceci près qu’il ne s’attache pas aux résultats eux- mêmes. Qu’il réussisse ou non, le plaisir de l’obsessionnel est dans la thématique elle-même. Il est généralement ennuyeux au point qu’on le confond avec les meubles et que pour un peu on l’oublierait. Il est chargé de la comptabilité? Alors tout pour lui sera objet de comptes. Il murmure devant chaque prix, griffonne sans cesse, calcule à mi-voix ; il divise, soustrait, multiplie. Tout est bon, il chronomètre sa fille à vélo, fait un tableau comparatif des notes de supermarché et, en conduisant, peut vous dire combien il consomme d’essence à la vitesse à laquelle il roule. Il calcule ses points de retraite, recompte l’addition, mesure l’avancement de ses collègues. C’est sa perception de la valeur des choses et des êtres…
Le parano manifeste son anxiété d’une tout autre façon : il a peu de pouvoir sur les événements et il en convient haut et fort. « On » lui en veut. Bien que sa carrière ait été freinée dès le départ par l’ancien beau-frère de son cousin, il ne se laisse pas décourager et lutte contre le gigantesque réseau d’espionnage dont il est la proie. Les plis doivent être remis « en main propre », chaque enveloppe est bardée des mentions « confidentiel » ou « personnel » et son attaché-case est fortement serré entre ses genoux. Si par malheur vous êtes dans un lieu public avec lui, il vous faudra quasiment vous coucher sur la table pour saisir quelques bribes de ses chuchotements sur l’avenir des ordinateurs (le maître d’hôtel pourrait bien être un ancien de chez IBM). Il vous témoignera personnellement et résolument son manque de confiance et vous soupçonnera ouvertement sans prendre de gants.