De l'hypnose à la psychanalyse : Freud (1856-1939)
Freud est décrit par ses disciples comme une forte personnalité, au discours direct, au caractère intransigeant et résolu. Il faut dire aussi que, bien que souvent modeste, voire pessimiste, il portait en lui une grande ambition. Son œuvre devrait un jour « faire du bruit » !
Fils d’Amalia et de Jacob Freud, marchand de textiles, Schlomo Sigismund, dit Sigmund Freud, était né à Freiberg en Moravie le 6 mai 1856. Il était l’aîné d’une grande famille puisqu’il fut suivi de six enfants, deux frères et quatre sœurs. Amalia était la troisième femme de son père qui avait déjà deux fils de sa première femme. Freud était adoré de sa mère « mon Sigi en or» disait- elle ! Tandis que son père lui transmit les valeurs du judaïsme sans être toutefois traditionaliste. Il s’agissait d’un milieu ouvert. Sigmund s’attache particulièrement à sa gouvernante d’origine tchèque, catholique, Monica Zajic ou « Nannie » qui lui parle du bon Dieu et l’amène à l’Église.
Le développement de l’industrialisation, l’arrivée des machines met en difficulté le commerce de Jacob qui quitte Freiberg en 1859 pour s’installer à Leipzig, où il ne restera d’ailleurs qu’un an, avant de s’installer définitivement, à Vienne cette fois, dans le quartier juif. Freud fait là sa scolarité, puis ses études de médecine. Sa curiosité l’amène à s’intéresser à l’esprit scientifique régnant, à la biologie darwinienne. Il obtient une bourse pour parfaire ses études de zoologie en Italie, à Trieste. Il observe le fonctionnement des cellules nerveuses des anguilles (ce qui pourra inspirer ses réflexions sur le système nerveux humain, le fonctionnement des neurones en particulier). Il passe ensuite à la physiologie, et c’est à ce moment qu’il rencontre Josef Breuer avec lequel il partagera ses premières expériences cliniques. Au cours de son service militaire il fait des traductions du philosophe anglais John Stuart Mill, partisan du libéralisme politique, pour l’éditeur allemand de ce dernier, Theodor Gomperz.
Un tournant décisif
Diplômé en 1882 il se fiance avec Martha Bernays. Il doit alors renoncer à une carrière de chercheur pour assurer son quotidien. Il se consacre à la pratique médicale, travaille à l’hôpital général de Vienne. Après une étude sur la cocaïne, il obtient une bourse pour Paris où il rencontre Charcot le grand maître de l’hypnose. Ce séjour fut décisif pour sa carrière et pour l’invention de la psychanalyse.
De retour à Vienne il se marie avec Martha en 1886. Ils ont une première fille, Mathilde. Freud fait la connaissance du médecin berlinois Wilhelm Fliess, ami et confident, qui prendra une grande place dans l’élaboration de la théorie freudienne, par le soutien amical et critique qu’il offrit pendant des années et dont témoigne leur abondante correspondance au cours de ces premières années de découverte de la psychanalyse. Fliess tentera de faire renoncer Freud au tabac sans aucun succès ;
Freud a besoin de cette stimulation et pense quelle lui donne une meilleure efficacité intellectuelle. Il aura malheureusement à en subir les conséquences.
La Berggasse : la pratique clinique
Il s’installe à la Berggasse (rue devenue célèbre !) où il restera jusqu’a son exil à Londres en 1938, soit un an avant sa mort. Il reçoit beaucoup de femmes « malades des nerfs » comme on disait à l’époque, et d’hystériques, venues essentiellement de la bourgeoisie viennoise, qu’il cherche à soulager de leurs souffrances psychiques. Cette précision peut paraître superflue au lecteur actuel, mais à l’époque, ces troubles mentaux étaient surtout observés, répertoriés, sans que l’on s’inquiète trop du sort de ces patients pour lesquels on n’avait aucun traitement. Avec Bleuler, Freud est de ceux qui développent une approche plus humaine, n’hésitant pas à s’approcher du ressenti des patients. On soulignera donc ici cette attention portée par Freud à la souffrance psychique de l’autre, et la volonté de trouver à la soulager.
Il tente d’abord les méthodes habituelles à l’époque : les massages, l’hydrothérapie, l’électrothérapie, sans grand succès. Il s’inspire alors des méthodes de suggestion d’Hippolyte Bernheim rencontré à Paris lors d’un congrès, en 1889. Il s’inspire aussi de la théorie associationniste pour traiter l’aphasie. L’influence de Breuer l’amène à renoncer à l’hypnose au profit de la catharsis. Mais il transforme encore cette méthode, renonçant à la suggestion directe, pour développer la méthode des associations d’idées libres, devenue la psycho-analyse en 1896, terme d’ailleurs proposé initialement par Breuer.
Son œuvre reconnue il est enfin nommé professeur extraordinaire, c’est-à-dire à la chaire de neurologie, nomination ratifiée par l’empereur François-Joseph en 1902. En 1923 Freud découvre l’existence d’une petite tumeur dans son palais. Il faudra une première ablation et une prothèse, mais cette intervention sera encore suivie de 30 autres opérations successives ! C’est dire les souffrances qu’il a endurées au cours de la quinzaine d’années qu’il lui restait à vivre. Il y montra une très forte volonté, menant un terrible combat contre la maladie. De ce fait E. Jones prendra de plus en plus d’importance dans la gestion îles affaires du mouvement psychanalytique. C’est aussi lui qui écrira la première biographie de Freud. En 1930 Freud écrit Malaise dans la civilisation, s’interrogeant sur la capacité des démocraties à dominer les pulsions destructives de l’être humain… Il se montre de plus en plus pessimiste.
La montée du nazisme partage les psychanalystes quant aux positions à tenir. Freud souhaitait rester à Vienne. Mais grâce à l’intervention du diplomate autrichien William Bullitt et à une rançon versée par Marie Bonaparte elle-même (fidèle cliente et amie de la psychanalyse), Freud accepte finalement de quitter Vienne avec sa famille, en 1938, et s’installe à Londres (où se trouve maintenant le musée qui lui est consacré). Il rédige son dernier ouvrage : L’homme Moïse et la religion monothéique.
Freud meurt avec l’aide de son médecin M. Schur le 23 septembre 1939. Il ne saura pas que ses quatre sœurs ont été déportées et exterminées… Bien qu’incroyant, Freud ne renia jamais son origine juive, dont il est resté fier malgré les déconvenues.