Psychopathologie et travail
Introduction
D’abord, il y a lieu de clarifier ce que c’est ‘’la Psychopathologie du travail’’ Psychopathologie veut dire troubles du comportement et anomalies du fonctionnement interne ou psychologique de la personne. Et que ces dysfonctionnements soient liés à l’activité professionnelle de la personne concernée ou à son travail. Paradoxalement, l’étymologie du mot travail est d’origine latine ‘’ tripallium’’ qui veut dire un instrument de torture ! La conception et la perception du travail, en tant qu’activité humaine ont énormément évolués à travers l’histoire de l’humanité. Jusqu’au moyen âge le travail est une véritable aliénation du fait que les serfs qui sont la classe des travailleurs de l’époque n’avaient aucun droit sur le résultat de leur labeur revenant totalement à la classe des seigneurs. Au 19ème siècle, le terme travail signifie les douleurs de l’accouchement chez la femme puis a été utilisé pour désigner la punition avec la notion des travaux forcés. Au 20ème siècle, avec la psychanalyse freudienne le travail a été considéré comme une forme de sublimation qui veut dire un transfert ou une traduction des pulsions sexuelles. Le travail devient donc un moyen pour s’épanouir et se réaliser à travers le résultat de son travail. Cependant cette conception du travail correspond au sommet de la hiérarchie des besoins tel que présentée par Maslow ,ce pyramide des besoins comprend cinq niveau qui sont du sommet à la base le besoin de s’accomplir, le besoin d’estime, le besoin d’appartenance, le besoin de sécurité et en fin à la base les besoins physiologiques (boire et manger).Le niveau d’accomplissement de soi à travers l’activité s’est avéré difficile à atteindre en dehors du travail selon le mode artisanal qui a été progressivement abandonné en faveur du mode industriel caractérisé par l’organisation et la multiplication des contraintes imposées à l’Homme au travail. Par organisation, il faut entendre la répartition de la charge du travail et de son contenu, les conditions physiques et psychosociologiques du travail avec ce que cela comprend comme hiérarchie, degré d’initiative, relations avec les collègues…Tandis que par contraintes il faut entendre tout ce qui à trait l’évaluation du rendement au travail, à la qualité de la production, au rythme de l’activité …
Naissance de la psychopathologie du travail
C’est vers la fin de la 2ème guerre mondiale que la psychopathologie du travail est née à travers les travaux des cliniciens ayant identifié une corrélation entre certains troubles psychologiques et le travail des personnes concernées. La psychopathologie du travail est donc une spécialité clinique récente de la psychologie ayant pour objet l’étude des dysfonctionnements psychologiques des travailleurs en étroite relation avec les contraintes subies par ces travailleurs dans le cadre de leur travail .La psychopathologie du travail repose sur le fait que l’homme au travail ne se réduit pas à un outil de production mais c’est un être complexe agissant dans un environnement précis en interaction avec tous les éléments composant cet environnement, c’est un être humain avec une histoire personnelle, une identité et une personnalité qui lui est spécifique ce qui fait que chacun va répondre aux contraintes imposées par le travail d’une façon qui lui est propre.
Mécanismes psychologiques concernés par la psychopathologie du travail
Comme nous l’avons déjà précisé que cette récente discipline focalise sur l’étude de l’effet du travail sur le comportement psychologique et sociale de l’individu, notamment la notion de stratégie de défense. Souvent un individu confronté à une situation menaçante va développer des mécanismes de défense pour sauvegarder son intégrité aussi bien physique que psychologique mais quand il se trouve un peu dépassé, il va faire avec ce sentiment de peur, jusqu’à arriver à un seuil de saturation ou d’épuisement et là c’est l’état de déséquilibre qui s’installe par l’apparition des symptômes pouvant être d’ordre psychologique ou physique. Une stratégie de défense peut être développée à une échelle collective et dans ce cas elle est souvent plutôt constructive car elle renforce la cohésion et la sensation de la force chez les membres du collectif. La psychopathologie du travail est avant tout une psychologie clinique qui a pour objet l’homme au travail, nous allons dans ce qui suit relevé quelques thèmes d’actualité pour la psychopathologie du travail.
La souffrance au travail
Si jusqu’aux environs du 19ème siècle la souffrance au travail était plutôt liée à la pénibilité du travail en lui-même, elle serait plus en relation avec la charge physique qu’il impose au travailleur, maintenant et depuis plusieurs décennies c’est plutôt la charge mentale du travail qui devient plus épuisant et porte souvent atteinte à l’intégrité psychologique du travailleur. Cette mutation est surtout dite au rythme accéléré des changements affectant le travail et son environnement au point où on a plus de temps pour digérer chaque changement et l’intégrer convenablement sans ébranler un équilibre psychologique particulièrement devenu précaire. Parmi les remarquables changements dans le domaine du travail étant l’objectif de la qualité totale qui théoriquement suppose la réalisation du zéro défaut, chose qui s’est avérée réellement et pratiquement impossible . Souvent dans l’engagement dans une démarche d’amélioration continue les organisations se fixent des objectifs de plus en plus irréalisables, cependant la reconnaissance du travailleur à n’importe quel niveau qu’il soit est liée à la réalisation de ses objectifs de travail ce qui pousse ce travailleur à tout faire pour satisfaire cela pourra aller jusqu’au recours aux mensonges, fraudes et falsification chose évidemment contradictoire aux principes moraux et à l’éthique . Cet état de fait est souvent à l’origine du syndrome de désorientation et de confusion générant ainsi une grande souffrance psychologique pouvant aller jusqu’au niveau de la dépression, la crise d’identité aboutissant parfois même au suicide.
L’insatisfaction au travail
Avec l’amélioration du niveau d’instruction moyen du travailleur en général et l’augmentation de la charge mentale dans n’importe laquelle des activités professionnelles, le travailleur ne se satisfait plus d’un rôle d’exécutant pure et simple mais aspire à la participation et l’implication personnelle dans ses tâches, on parle généralement du contenu significatif de l’activité. En l’absence de contenu significatif dans le travail le risque d’atteinte de maladies psychosomatiques et de perturbations psychologiques augmente et ce d’après les observations cliniques.
La violence au travail
L’approche de la violence au travail est au croisement de diverses disciplines, c’est une approche où le médical, le social, le psychologique, l’organisationnel ainsi que la criminologie et le judiciaire interfèrent pour la compréhension du phénomène. La violence au travail est un phénomène qui devient de plus en plus préoccupant, souvent il fait la une des médias tel que des titres comme ‘’le stress au travail’’,’’le harcèlement moral au travail’’ ou encore le ‘’le harcèlement sexuel au travail’’, pire encore, même la politique s’en mêle puisqu’il y a eu de la violence dans les rues sur une base de l’inégalité des chances dans l’emploi. A vrai dire violence et travail ont depuis toujours en cohabitation, seulement, jusqu’à récemment la violence liée au travail était particulièrement de la violence physique mais maintenant c’est plutôt la violence morale qui prend le dessus et elle n’épargne aucune des catégories des travailleurs, à ce propos, on parle souvent du ‘stress des cadres’’.Bien que l’évolution de l’organisation du travail a essayé de suivre cette profonde mutation de la conception de l’homme au travail par l’apparition de la fonction de gestion des ressources humaines au lieu de la fonction de l’administration du personnel et parfois même l’engagement de psychologues de travail pour garantir un professionnalisme au service de l’écoute des travailleurs toutes catégories confondues.
Une des formes de la violence au travail étant «le mobbing»
Selon la description qui en est faite par un psychologue allemand, le mobbing est un processus de harcèlement au travail qu’une victime en est l’objet de la part d’une ou plusieurs personnes suite à un conflit banal survenant durant ou à l’occasion de l’exercice de l’activité professionnelle, c’est aussi un processus qui se maintient dans le temps, se manifestant le plus souvent par des comportements ,des paroles ou des gestes et parfois mêmes par des écrits dévalorisant et dénigrant la victime pour la déstabiliser et lui causer une souffrance durable , au point d’affecter son équilibre psychologique et par là son intégration sociale .L’aboutissement de ce processus malsain est généralement dramatique par l’exclusion de la victime et sa fuite avec des séquelles aussi bien sur le plan psychologique que physique. Le mobbing est donc une forme de violence interne au travail car elle est toujours exercée par une ou plusieurs personne de la même entreprise, car la violence au travail pourra être aussi externe quant elle est exercée par une ou plusieurs personnes extérieure à l’entreprise.
Conclusion
Il est d’une évidence telle qu’il soit facile à admettre que le travail et plus particulièrement de nos temps est au centre de l’existence humaine car il façonne l’identité même de la personne , forge ses caractères et détermine son rang social d’où vient l’importance du développement de la psychopathologie du travail, c’est un domaine de recherche presque encore vierge où il beaucoup à faire pour tenter de réduire la souffrance humaine au tant qu’on puisse le faire surtout au moyen des recherches appliquées et sur le terrain c’est-à-dire tenant compte du travail réel et des conditions de l’Homme au travail au quotidien.