La métapsychologie Freudienne,Une réalité psychique : le fantasme
Distinguer une réalité psychique de la réalité matérielle et montrer son importance déterminante pour l’être humain, c’est ce que la théorie psychanalytique a réalisé, en dégageant, notamment, la place de la dimension fantasmatique. Le terme de fantasme est très important, il représente la recherche de Freud pour rendre compte d’une réalité autre que matérielle, la réalité psychique, interne à l’individu. Cette dernière prend une place tout à fait particulière dans certaines pathologies. C’est d’ailleurs ce qui a permis de l’étudier plus précisément.
Le fantasme c’est donc la réalité psychique, la vie imaginaire ou encore la vie fantasmatique. Ce mot est lié étymologiquement au monde imaginaire. Le fantasme est une scène à plusieurs personnages dans laquelle le sujet se trouve lui-même représenté, scène organisée, qui figure de façon plus ou moins directe la réalisation d’un désir. Il existe des fantasmes conscients comme les rêveries diurnes, les fictions ou fantaisies (conscientes ou préconscientes), comme aussi des fantasmes inconscients auxquels l’analyse peut donner accès. Les fantasmes sont à l’origine des rêves.
Séduction réelle ou fantasme de séduction
Ainsi le débat sur la question du traumatisme sexuel, entre la reconnaissance d’une séduction exercée par un adulte sur l’enfant, et la reconnaissance de la production fantasmatique de l’enfant liée à son désir inconscient, oscillant d’une position à l’autre selon les périodes de l’histoire de la psychanalyse et selon les auteurs, souligne la difficulté d’articuler ces deux aspects : part de la réalité objective (partagée avec les autres) et de la réalité subjective (propre au sujet). Freud lui-même est passé d’une attention portée à la recherche du traumatisme vécu dans l’enfance, qu’il supposait être à l’origine de la névrose, à la considération de l’après-coup, c’est-à-dire à la reconstruction que fait l’individu de son histoire et, en conséquence, de l’impossibilité de savoir ce qu’il en a été dans la réalité. Traumatisme réel ou fantasme ? La question était donc posée. Une façon d’y répondre était de considérer que la psychanalyse travaille avec la réalité psychique, en conséquence, dans ce cadre, c’est avec le fantasme que le contact et le travail peuvent se faire. Et encore, plus généralement, on peut penser que la sexualité a, pour l’enfant, une dimension traumatique, dans la mesure où elle intervient dans un psychisme qui n’a pas la maturité pour l’interpréter et l’intégrer. De ce point de vue l’excitation elle-même est source d’effraction psychique.
Le roman familial
Un de ces scénarios fantasmatiques est le roman familial. Il est fréquent que l’enfant imagine un jour que ses parents ne sont pas ses vrais parents, il s’invente alors une filiation beaucoup plus prestigieuse. Ou bien encore si lui se reconnaît bien comme l’enfant de ses parents, en toute légitimité, il imagine que ses frères et sœurs ne sont eux que des bâtards ! L’enfant invente ainsi le récit d’une autre famille, une famille qui réponde pleinement à ses désirs, et particulièrement à son désir de toute-puissance. Ce besoin d’échapper à la réalité de son cadre familial se fait spécialement sentir au moment, justement, de l’Œdipe, lorsque la rivalité sexuelle se manifeste.
Ceci constitue d’ailleurs le thème de mythes et de légendes. Ces fantasmes communs aux humains seraient donc comme des schèmes inconscients, voire transmis héréditairement. Ce sont les fantasmes dits originaires. Otto Rank s’est particulièrement intéressé à ces légendes. Il a montré que l’enfance de beaucoup de héros fondateurs comme Œdipe, Moïse, Romulus, le Christ, etc., comporte un récit d’enfant abandonné à la naissance, et/ou recueilli, une filiation troublée à la base. Le plus souvent on observe un décalage social entre les deux familles.
Ainsi on peut observer que ce thème, né chez Freud de situations cliniques, a des résonances dans les domaines de l’anthropologie et de la littérature, par exemple, Moïse sauvé des eaux, Le Petit Poucet, etc. Mais, dans les cas cités, les mythes présentent la situation inverse à celle imaginée par l’enfant : alors que dans le roman familial c’est l’enfant qui veut se débarrasser de sa famille, dans ces légendes ce sont les parents qui abandonnent l’enfant. L’agressivité se manifeste ainsi aussi bien d’un côté que de l’autre. Et l’enfant peut projeter la sienne sur ses parents.
Les fantasmes originaires
Ce sont des fantasmes communs, universaux. À côté des fantasmes propres à un individu, liés à son histoire singulière, on retrouve ces fantasmes dits originaires car ils représentent des scènes des origines : le rapport sexuel des parents, la castration, la séduction.
Dans sa recherche sur l’origine des névroses, Freud pense d’abord à des scènes vécues de façon traumatiques dont il s’agirait de retrouver le souvenir. Il passe plus tard à cette notion de fantasme qui donne une place prépondérante à la réalité psychique. Il considère l’aspect structurant des fantasmes originaires qui tentent de répondre aux questions fondamentales de l’humanité. Ainsi chacun de ces fantasmes est-il associé à une de ces énigmes : la scène originaire (le coït parental) figure l’origine du sujet, le fantasme de séduction l’origine de la sexualité, le fantasme de castration celle de la différence des sexes.
Le fantasme a un rôle de passeur
On retrouve le fantasme aux différents niveaux de conscience : conscient, préconscient (ou subliminal) et inconscient. Ces deux derniers niveaux participent à l’élaboration du rêve. Le fantasme assure passage, correspondance entre ces niveaux. Il est présent du rêve au symptôme, dans toutes les productions de l’inconscient. Mis en place à partir des premières expériences de satisfaction, il est fondamentalement lié au désir. Pourtant, dans son contenu on trouve des traces des mécanismes de défense, c’est-à-dire que même à ce niveau le désir ne peut s’exprimer directement.
Il existe donc, dans la réalité psychique, des structures communes, quelles que soient les réalités matérielles des histoires individuelles. Nous n’avons accès à cette réalité extérieure, matérielle, que par notre corps, notre psychisme. Il est donc très important de s’assurer de leur bon fonctionnement, mais il est certain que nous n’avons pas de connaissance plus directe de notre environnement.