Science domestique : Le gel de l'eau chaud
Est-il vrai que de l’eau chaude mise au congélateur gèle plus vite que de l’eau froide ? Si oui, pourquoi ?
La question a été posée à plusieurs reprises à New Scientist, et n’a jamais été résolue correctement. Cette fois-ci, nous approchons de la vérité, avec le récit de diverses expériences. Même si cela paraît contre-intuitif, il semble bien que l eau chaude gèle plus vite que l’eau froide. Un meilleur contact thermique, si l’eau est placée dans la partie congélateur d’un réfrigérateur, et des courants de convection différents semblent en être la cause. Quant à savoir quel effet prédomine, cela dépend du réfrigérateur, du récipient utilisé et de I endroit où il est placé.
Effectivement, les glaçons se forment plus vite en partant d’eau chaude que d’eau froide, surtout si l’on place le récipient rempli d’eau sur une couche de glace. L’eau chaude fait fondre la glace sous le récipient, améliorant le contact thermique entre le récipient et la surface froide. L’amélioration de la perte de chaleur par le récipient compense largement la chaleur supplémentaire à évacuer. On n’observe en revanche aucune amélioration en suspendant le bac à glace dans le congélateur.
Le premier à observer cet effet semble avoir été Francis Bacon, homme d’État et physicien anglais (1561-1626), avec des seaux de bois sur de la glace. Mes propres expériences ont montré que l’on peut obtenir des glaçons en 15 minutes au lieu de 20 si le froid est suffisant. Cela dit, l’utilité de fabriquer des glaçons rapidement est plus pressante dans les pays tropicaux qu’en Europe.
Francis Bacon n’a pas été le premier à observer le phénomène. Aristote, dans sa Météorologie, écrivait il y a plus de deux millénaires :
Voilà pourquoi bien des gens, quand ils veulent avoir promptement de l’eau fraîche, la mettent d’abord au soleil. C’est encore ainsi que les habitants du Pont, quand ils établissent leurs tentes sur la glace, pour se livrer à la chasse aux poissons – car ils pèchent en brisant la glace -, versent de l’eau chaude autour des perches pour qu’elle gèle plus vite; et la glace leur sert comme de plomb pour consolider et arrêter leurs pieux.
Et il semble faux que l’effet ne soit pas observable quand le récipient est suspendu…
Cette question a été soulevée dans New Scientist en 1969 par un étudiant tanzanien nommé Erasto Mpemba. Il découvrit que les crèmes glacées gèlent plus vite si on les met chaudes dans le congélateur que si on les laisse refroidir d’abord à température ambiante. Le fait souleva beaucoup de scepticisme, ce qui m’incita à faire des expériences.
D’abord, l’expérience montra que l’eau, du robinet ou distillée, se comportait comme la crème glacée : la composition chimique n’a donc aucune influence. Ensuite, elle montra que la réduction du volume d’eau chaude par évaporation n’intervenait pas. En plaçant des thermocouples dans l’eau, j’ai constaté que de l’eau à 10 °C atteint 0 °C plus vite que de l’eau à 30 °C, ce que prévoient bien les lois de la physique, mais que, par la suite, l’eau initialement chaude se solidifie plus vite.
En fait, la durée maximale de solidification a été atteinte pour une température initiale de 5 °C, et la durée minimale pour environ 35 °C. Ce comportement paradoxal s’explique par le gradient vertical de température de l’eau dans le récipient. La perte de chaleur de la surface libre de l’eau est proportionnelle à la température. Si la surface est plus chaude que le reste de l’eau, l’évacuation de la chaleur est meilleure. Si l’eau est dans un grand récipient métallique (qui tend à uniformiser la température par conduction dans ses parois) plutôt que dans une assiette, l’effet disparaît.
Cette question m’a mené à mettre systématiquement en question tout phénomène jugé évident par la sagesse populaire.
L’expérience classique utilise deux récipients métalliques placés en plein air par une nuit froide et ventée. L’eau stagnante est un mauvais conducteur de la chaleur: la glace se forme à la surface et le long des bords. Si la température initiale est d’environ 10 °C, le cœur du liquide se refroidit très lentement, surtout si de la glace flotte à la surface, empêchant la convection normale. L’eau plus chaude ne pouvant atteindre les parois froides, elle ne peut évacuer sa chaleur.
Si la température initiale est de 40 °C, une intense convection s’établil avant que l’eau ne gèle, et la température au cœur du liquide diminue rapidement. Même si la glace apparaît plus tard que dans l’expérience précédente, la solidification complète sera plus rapide.
Les conditions de l’expérience sont déterminantes. Évidemment, si l’on part avec une eau froide à 0,1 °C, et une chaude à 99,9 °C, le résultat sera sans surprise. Les récipients doivent être assez grands pour que la convection se développe, mais pas trop pour que la chaleur s’évacue rapidement. La présence de vent est une aide précieuse.
Il est difficile d’obtenir de telles conditions dans un réfrigérateur normal ; mieux vaut pour cela une chambre froide industrielle.
C’est vrai, et je l’ai vérifié par des expériences. Le seul paramètre déterminant est la taille du récipient. Il doit être assez petit, pour que la capacité du frigo à extraire la chaleur ne soit pas un facteur limitant.
Avec de l’eau froide, le premier film de glace apparaît en surface, et bloque les courants de convection sous-jacents. Avec de l’eau chaude, la glace se forme sur les côtés du récipient et au fond; la surface reste libre, et capable d’évacuer de la chaleur. La grande différence de température génère une convection intense qui remonte en surface toute la chaleur contenue dans l’eau.
C’est un mythe. L’eau chaude ne gèle pas plus vite que l’eau froide. Cependant, l’eau chaude refroidie jusqu’à la température ambiante gèle plus vite que de l’eau qui n’a jamais été chauffée. Chauffer l’eau, en effet, libère des gaz dissous (surtout de l’oxygène et de l’azote) qui empêchent la formation de glace.
Le sceptique Tom Trull, de l’université de Tasmanie, devrait faire un saut chez son collègue Michael Davies, de la même université. Il semble bien que l’effet existe, même si les gaz dissous peuvent avoir une influence.
Un autre phénomène peut aussi jouer un rôle : la surfusion, qui n’est mentionnée par aucun de nos lecteurs. Des recherches récentes montrent que T eau pouvant geler à diverses températures, i eau chaude pourrait bien geler avant l’eau froide. Quant à savoir si elle gèle entièrement avant l’eau froide, c’est une autre histoire.
Si l’on en croit les expériences scientifiques, l’effet est bien réel. On suppose ici que le réfrigérateur garde une température constante, et que les paramètres comme la taille du récipient et les paramètres de la convection, à l’intérieur et à l’extérieur du récipient, ne varient pas.
Je crois cependant qu’une autre grandeur intervient: la variation de température dans le réfrigérateur. L’amplitude de cette variation dépend de la sensibilité du capteur de température et du temps de réponse du système de contrôle. Supposons qu’à la température standard du congélateur, la puissance utilisée ait une valeur standard. Si l’on y place un récipient d’eau froide, il ne déclenchera pas le capteur et n’entraînera pas de consommation supplémentaire d’énergie. Un récipient d’eau chaude, en revanche, déclenchera le capteur et mettra en route le système de refroidissement.
Vous pouvez observer cela chez vous. J’ai vu cet effet à l’œuvre dans un sauna électrique. En trompant le capteur de température en l’aspergeant d’eau fraîche, j’ai considérablement augmenté la température du sauna.
Une récente étude de l’université de St Louis, aux États-Unis, suggère encore une autre possibilité. Les sels dissous, comme les carbonates de calcium et de magnésium, précipitent si l’eau est chaude, comme on peut le vérifier en regardant à l’intérieur de n’importe quelle bouilloire électrique. Une eau qui n’a pas été chauffée contient toujours ces sels qui, lors de la formation de glace, seront évacués vers F extérieur. Leur concentration augmentant dans l’eau qui n’a pas encore gelé abaisse le point de congélation, comme le fait le sel répandu sur la neige en hiver. Cette eau doit donc se refroidir davantage pour geler. En outre, la différence de température étant plus faible entre le liquide et l’air, l’évacuation de la chaleur est plus lente.
Une réponse pour "Science domestique : Le gel de l'eau chaud"
je penche vraiment pour l effet de convection qui donne des echanges liquide/recipient et liduide/air plus renouveles d ou baisse temperature plus rapide par inertie de ces mouvements de convection
pour isoler cet effet des effets de surfusion ou gaz faudrait faire une experience avec 2 recipients identiques 2 liquides identiques a temperature identique mais avec un agitateur dans un des recipient pour mesure difference de solidification du liquide