Psychologie obstacle
Un obstacle est une représentation mentale, une conception qui, parce qu’elle est utilisée comme une ressource dans une tache qui n’en justifie pas l’usage, empêche la réussite à cette tâche et, le cas échéant, gêne le progrès. La mise en œuvre d’une heuristique pour résoudre un problème, est parfois un marqueur de la présence sous-jacente d’un obstacle, au sein des représentations mentales de l’individu.
La notion d’obstacle a été introduite à l’origine par le philosophe Ci. Bachelard en 1938, à propos de la physique, pour nommer les conceptions qui, au cours de l’histoire, ont fonctionné correctement à un moment donné mais qui, par ailleurs, se sont avéré entraver et retarder la compréhension correcte de nouveaux phénomènes. A partir d’exemples historiques, cet auteur a dressé une typologie des obstacles qu’il a alors qualifiés d’épistémologiques. Toutefois, selon lui, les mathématiques étaient, par nature, non concernées par ce type de phénomène. C’est G. Brousseau qui, en 1976, a réutilisé cette notion en mathématiques, comme un moyen d’interpréter certaines erreurs des élèves. Il a alors repéré plusieurs origines aux obstacles. Ils peuvent provenir des stigmates de fausses croyances qui ont longtemps perduré au cours de l’histoire des sciences (origine épistémologique). Ils peuvent être la conséquence de certains formats d’instruction (origine didactique). Enfin, ils peuvent être le fruit de constructions personnelles que l’individu a réalisées au cours de son expérience (origine ontogénétique).
Dans ces derniers travaux sur le possible et le nécessaire, publiés à titre- posthumes (1981, 1983), J. Piaget a par ailleurs présenté l’obstacle – sans le nommer – comme une étape obligée dans le développement cognitif. 11 le désignait par les expressions « pseudo-nécessité » ou « pseudo impossibilité » qui sont les contraintes et les interdictions, non adaptés à la tâche, que l’enfant se donne pour résoudre un problème. De son côté, le chef de file des auteurs néostructuralistes, J. Pascual-Leone (1988), dans son modèle appelé « système modulaire d’attention mentale », a fait du concept d’obstacle, une pièce maîtresse, également sans le nommer ainsi. Il s’agit du misleading schème (souvent traduit en français par « schéma dangereux ») qui, dans certains cas, est évoqué en mémoire de travail de façon immédiate et automatique, par les caractéristiques de la tâche. Pour ne pas donner la mauvaise réponse à laquelle conduit le « misleading schème », le sujet doit alors adopter une stratégie attentionnelle adéquate, consistant à activer en mémoire le schème pertinent en inhibant l’obstacle. Les travaux de G. Vergnaud (1990) ont montré que la genèse des obstacles et leur disparition fait partie intégrante du processus de conceptualisation. En effet, le développement des représentations mentales passe régulièrement – à chaque fois qu’il faut faire face à une situation nouvelle – par la nécessité de généraliser à cette nouvelle situation la portée d’une conception initiale. Dans bien des cas, il arrive que cette généralisation, forcément empreinte d’incertitude, s’avère finalement constituer une chausse- trappe car elle conduit l’individu à produire une réponse inadaptée. Quelle que soit leur origine (épistémologique, didactique ou ontogénétique), ces généralisations abusives sont constitutives des obstacles. En présence d’un obstacle, pour s’adapter, l’individu doit soit limiter la portée de sa conception initiale, soit la modifier et l’enrichir, de façon à produire par ailleurs une réponse pertinente.