Présentations autistiques des maladies génétiques
Quand faut-il explorer ?
Trois circonstances nous amènent à explorer plus avant un enfant présentant «une forme d’autisme » :
• La première, c’est lorsqu’il y a une histoire familiale ;
• La deuxième est lorsque cet autisme n’est qu’un élément d’un tableau clinique plus complet, on parle de forme syndromique, parce qu’il y a d’autres signes associés à l’autisme ;
• La troisième, c’est lorsque l’autisme s’associe à des troubles gravement déficitaires ou lorsque la maladie évolue.
Ce sont là, les 3 circonstances qui, à mon avis, méritent que l’on confie un enfant autiste aux généticiens, aux neurologues ou aux neuropédiatres.
Pour illustrer ces trois points, je m’appuierai sur ces quelques exemples :
1er cas clinique :
Une petite fille dite psychotique et qui faisait des fugues à répétition est venue en consultation. Elle habitait la région du Mans et régulièrement disparaissait. On avait attribué ces fugues à des troubles graves de la personnalité, jusqu’à ce qu’on apprenne l’existence dans les antécédents d’un décès, resté jusque-là inconnu ou plutôt méconnu, d’un nouveau-né de deux jours, de sexe masculin, à la suite d’un coma. Lorsque j’ai exploré cette fillette, je me suis aperçu que l’hypothèse la plus probable du décès de l’aîné était un coma hyperammoniemique, par une enzymopathie du cycle de l’urée.
Cette jeune fille qui faisait des fugues, présentant des troubles du comportement non-permanents et évoluant par accès, avait une forme hétérozygote de la maladie, plutôt hémizygote, puisqu’il s’agit d’une maladie liée au sexe.
Elle était porteuse d’une hyperammoniemie héréditaire, à un degré plus faible que son frère, aujourd’hui décédé, responsable de ses troubles autistiques.
2ème cas clinique :
La deuxième histoire familiale, concerne l’affaire du chromosome X Fragile. La fragilité du chromosome X est une circonstance que l’on peut conforter par l’anamnèse. Il est important d’interroger les parents de l’enfant sur l’histoire de la famille. Ainsi à partir de l’arbre d’hérédité récessive, on constate que certaines filles sont symptomatiques puisque la maladie, liée au sexe, s’exprime, mais à pénétrance incomplète et dominante aussi.
La troisième histoire familiale concerne un monsieur qui avait un retard mental. Deux de ses neveux et une nièce présentaient le même problème. Si lors d’un interrogatoire vous avez une nébuleuse familiale comme celle-là, et même s’il y a ici un mâle normal transmetteur, il ne faut pas hésiter à « tirer la sonnette » et consulter au moins une fois un généticien.
L’histoire suivante concerne un joli petit bonhomme qui n’a rien de particulier. C’est un bel enfant, il est considéré comme autiste. Ce qui est frappant chez cet enfant autiste, et chez les autres fragilisés du chromosome X, c’est qu’ils ont tous ou presque tous, un périmètre crânien normal, voire augmenté (macrocéphalie). Lorsqu’un enfant présente des troubles du comportement, un autisme avec une macrocéphalie, il doit être exploré. C’est une maladie qui est localisée sur le bras long du chromosome X, dont le gène a été cloné et dont l’étude moléculaire est possible.
On est parfaitement capable sur une simple prise de sang de mettre en évidence l’anomalie moléculaire causale de la fragilité du chromosome X chez les malades garçons mais aussi le statut de conductrice chez les mères transmettrices.
Voici deux circonstances dans lesquelles l’anamnèse de l’enfant s’inscrit dans une biographie plus large, qui est l’histoire de sa famille, et à laquelle il faut donner tout son sens.
3ème cas clinique :
C’est celui d’une enfant dite psychotique, autiste dont l’état se dégrade. Un enfant qui s’aggrave, qui devient de plus en plus déficitaire, est un enfant qu’il faut explorer voire réexplorer. Il ne faut pas hésiter dans les relations très collégiales que nous devons avoir et que nous avons dans mon service de génétique des Enfants Malades, composé d’un psychanalyste, d’un psychologue ou d’un psychiatre et d’un généticien, ainsi à chaque consultation de génétique nous devons faire du travail collaboratif et ne pas hésiter quand une situation s’aggrave à réexplorer l’enfant.
Exemple : une petite fille, donnée pour autiste, dont l’état s’est aggravé considérablement dans les premières années, ayant présenté d’énormes problèmes scolaires, et étant sortie de ce système, a plongé progressivement dans une espèce d’obnubilation, pour finir jusqu’à la mutité. Cette régression était, hélas, le signe avant coureur d’une maladie de surcharge, qu’on appelle la maladie de SANFILIPPO. C’est une maladie, qui là encore peut se manifester par des problèmes autistiques au début.
4ème cas clinique :
Il concerne les enfants dont le symptôme « autisme » fait partie d’un syndrome qui peut être de nature extrêmement variée. Tous les enfants ne sont pas nécessairement laids quand ils sont atteints de maladies génétiques. Ainsi, une jolie petite fille, une de mes patientes, qui a été considérée comme psychotique, présentait des automutilations, des troubles du sommeil très importants et une grande agressivité contre son entourage. Elle avait été placée dans une institution spécialisée. Cette petite fille m’a été adressée un jour, par les parents qui s’attachèrent à explorer toutes les voies possibles pour essayer de reconnaître la cause de cet autisme infantile.
J’ai vu cette petite fille de face, puis de profil et j’ai constaté une rétraction à l’étage moyen, un menton en galoche et j’ai porté cliniquement le syndrome de SMITH MAGENIS. C’est une délétion du chromosome 17 P, dont les présentations peuvent être et sont souvent des présentations psychiatriques. Nous savons donc le reconnaître cliniquement : menton carré, brachycéphalie (diamètre antéropostérieur réduit), brachydactylie (les membres et les doigts sont courts), troubles du sommeil très importants, agressivité contre soi-même et protrusion de l’étage inférieur.
5ème cas clinique :
Autre présentation, rare, mais qui importe de connaître lorsque l’on est psychiatre ou psychologue travaillant avec des enfants autistes, c’est le syndrome FLOTTING ARBOR. Voici une petite fille, donnée pour autiste, qui reste des années dans une institution, qui rentre à l’hôpital à la demande de ses parents, pour un complément d’exploration. Lorsque le généticien voit cette jeune fille, il fait le diagnostic du syndrome de FLOTTING ARBOR. Les caractéristiques de ce syndrome sont : une dysmorphie faciale avec un visage extrêmement fin, émacié, un hypotélorisme, c’est-à-dire des yeux très proches les uns des autres, une racine de nez saillante, un visage long et droit, un gros retard du langage et une petite taille. Ce diagnostic n’a pas modifié la prise en charge par nos collègues psychiatres et psychanalystes, mais cela a changé considérablement la perception de la maladie par les parents.
Une réponse pour "Présentations autistiques des maladies génétiques"
Quel est le meilleur choix parmi les généticiens, les neurologues ou les neuropédiatres?