Moyens, méthodes et formes de traitement psychologique
Un moyen est une chose ou une activité grâce auxquelles on atteint un but.
Dans le domaine de l’intervention psychologique-clinique, ce sont des moyens psychologiques que pour la simplicité on peut résumer par deux notions : relation et apprentissage.
La relation thérapeutique interhumaine (interpersonnelle) est en quelque sorte le sol sur lequel s’opère l’apprentissage thérapeutique ; elle est une condition préalable, mais non suffisante. En psychanalyse, la relation thérapeutique constitue le médium thérapeutique principal : dans l’analyse du transfert, elle en fait l’usage le plus différencié et le plus grand. D’autres formes thérapeutiques lui donnent une importance moins centrale : la thérapie comportementale classique, par exemple, accordait moins d’importance à l’analyse, a la réflexion et au maniement de la relation thérapeutique. Toutefois, même en psychanalyse, elle n’est qu’une partie du traitement, le médium qu’il s’agit d’analyser, de manier et d’interpréter.
Le deuxième moyen, l’apprentissage thérapeutique, comprend une série de processus que l’on rencontre aussi dans d’autres contextes. Dans le nôtre toutefois, l’apprentissage porte spécifiquement sur la modification de processus, de fonctions et de structures de la personnalité : il s’agit donc d’un apprentissage thérapeutique. Des moyens cognitifs tels que donner des information, interpréter, expliquer, informer en retour, proposer des modèles font partie de ces activités psychiques, mais également les différentes sortes de confrontation et d’exercices ainsi que des activités d’orientation plus psychophysiologique concernant l’expérience vécue du corps ou les fonctions corporelles. Nous y reviendrons plus loin.
Toutes les formes de thérapies utilisent tous ces moyens dans des combinaisons diverses, et en mettant plus ou moins l’accent sur l’un ou l’autre, sans exclure le recours à d’autres moyens encore. Certaines combinaisons peuvent naturellement toucher et modifier plus fortement certaines fonctions et structures (par exemple la thérapie non directive classique et le bio feedback). Cela n’implique cependant pas qu’elles ne puissent pas, secondairement, influencer en même temps et de façon importante d’autres fonctions et structures, comme cela a été prouvé dans l’influence inattendue exercée par la thérapie non directive sur les troubles psychosomatiques. L’influence spécifique exercée sur le résultat thérapeutique est très difficile à déterminer, et il y a encore relativement peu d’études empiriques sur ce sujet bien que les méthodes permettant de le faire existent. Nous avons donc renoncé ici à en donner une description et une classification plus poussées. C’est pour la même raison que la connaissance des méthodes thérapeutiques est plus importante pour le choix de la thérapie.
Une méthode, pourrait-on dire, indique comment il faut user des moyens. Dans notre contexte des méthodes sont donc des règles d’action et des systèmes. En tant que forme de traitement, la psychanalyse ou la thérapie comportementale sont ainsi l’ensemble des règles d’action proposées par la psychanalyse ou par la thérapie comportementale, décrites dans la littérature spécialisée et utilisées dans des situations concrètes par des praticiens. A ce propos, il importe de distinguer le niveau des méthodes ou des règles du niveau de l’action concrète, car deux praticiens se référant aux mêmes règles ne les appliquent pas nécessairement de la même façon dans leur pratique. Dans la recherche, ce problème a conduit au développement des « manuels » de thérapie auxquels nous reviendrons ultérieurement de façon plus détaillée.
Quant à la description et à la classification des différentes formes de thérapies, il découle de ce qui vient d’être dit : qu’il n’y a pas encore, aujourd’hui, de description et de classification unitaires des formes de psychothérapies. De plus, il faut le dire, les différentes méthodes psychothérapeutiques ne sont jusqu’à présent pas le seul résultat d’un développement scientifique interne, mais elles ont également été influencées par des facteurs personnels, des conditions sociales et de politique professionnelle. Les images de l’homme et les idéaux culturels ont également influencé leur développement ce qui les rend aussi vulnérables aux courants des modes. Il faudra donc se contenter de classifications développées à partir de plusieurs critères. On peut ainsi faire une classification selon des critères purement formels (par exemple le facteur temps : thérapie brève ou thérapie au long cours ; nombre des partenaires en interaction : thérapie individuelle, de couple, de famille, de groupe, etc.), d’après les buts thérapeutiques (par exemple thérapie orientée vers le conflit, l’analyse et la modification du comportement, etc.) ou d’après les approches théoriques ou les écoles (par exemple orientation psychanalytique, non directive, comportementale, etc.).
Ce qui est important en pratique, ce sont pour le moment les classifications pragmatiques comme thérapie brève ou au long cours ; thérapie individuelle, de couple, de groupe, familiale ; approche psychodynamique, systémique, comportementale, centrée sur le problème.
L’avantage de pareilles classifications par école est de donner rapidement une première orientation. L’inconvénient réside dans le fait que ces orientations ne donnent justement qu’une orientation approximative qui est insuffisante pour notre thème du choix de la thérapie, car elles n’indiquent pas ce qui se passe réellement dans la thérapie, ni si et pour quels problèmes la thérapie est efficace. Plusieurs travaux de recherche montrent d’ailleurs que des thérapeutes se réclamant d’une même approche théorique agissent de façon beaucoup moins uniforme dans leur pratique qu’on ne l’avait supposé. Les différences entre les écoles sont également moins prononcées qu’on ne le dit généralement.
Cet état de choses m’a incité à examiner de plus près cette question des ressemblances et différences. Ce que nous utiliserons ici comme aide d’orientation en matière de choix thérapeutique n’est pas l’autodescription théorique, mais des recommandations d’actions thérapeutiques données sous forme de « manuels » de thérapie.
Quant aux différences entre écoles thérapeutiques, on peut imaginer que les quelque 300 ou 400 « systèmes » ne présentent guère tous des différences théoriques et pratiques fondamentales. De façon réaliste, il faut plutôt supposer que cette multiplicité se laisse réduire à un plus petit nombre de différences et d’éléments communs. Mais lesquels ?
À cette question on a essayé de répondre de diverses façons. Une première possibilité consiste à étudier et à comparer les autodescriptions théoriques par rapport à quelques critères théoriques (par exemple but thérapeutique, interventions du thérapeute, etc.). Comme nous venons de le mentionner, ce procédé peut donner quelques points de repère. Des informations meilleures sont fournies par une deuxième démarche qui consiste à interviewer des thérapeutes sur leur conception d’un bon traitement psychothérapeutique. Sund- land (cité par Beutler & Clarkin, 1990) a ainsi soumis à des thérapeutes d’orientations diverses un questionnaire détaillé concernant leurs hypothèses théoriques et leurs préférences de traitement. La structure des réponses obtenues montrait que le comportement adopté par les thérapeutes dans leur pratique pouvait être décrit et distingué selon le degré de leur assentiment à onze suppositions concernant un comportement thérapeutique adéquat.
Bien que ces suppositions permettent de distinguer les différentes écoles, celles-ci se réduisent en fait à quelques notions dont trois seulement donnent des informations plus détaillées sur le comportement thérapeutique réellement adoplé. Elles concernent la mesure dans laquelle le thérapeute : 1) utilise des interventions non verbales ; 2) explore les expériences infantiles ; et 3) a recours a des stratégies visant à promouvoir le contact et la sensibilité interhumains.
La troisième et meilleure façon d’étudier le comportement thérapeutique adopté de fait consiste à l’observer directement : on enregistre (audio ou vidéo) des séances réelles et on analyse ensuite de façon détaillée le comportement du thérapeute. On a proposé divers systèmes d’observation. Des analyses ont montré que ces différents systèmes se recouvrent et que la description du procédé technique se réduit à un nombre relativement restreint de paramètres.