Les sabbats
La participation à un sabbat est une preuve primordiale pour les juges de la culpabilité d’un accusé… Chacun a entendu parler du sabbat, fête nocturne en hommage au diable apparaissant sous forme de grand bouc ; les sorcières y viennent, chevauchant leur balai, on y célèbre la messe à l’envers, des crapauds vêtus de velours s’y pavanent, on y mange parfois de la chair d’enfants. L’orgie qui suit s’achève au premier chant du coq.
Chaque détail du sabbat fait référence à des pratiques magiques ou religieuses. Voici par exemple, une des explications de l’origine du balai des sorcières : dans l’Antiquité, on faisait parfois balayer par des sorcières le fond d’un étang desséché, afin que les dieux, voyant s’élever un nuage de poussière au-dessus d’un lieu normalement empli d’eau, réparent cette erreur. Les sorcières devenaient invisibles dans cette poussière, on pouvait croire qu’elles s’envolaient sur leurs balais.
A la lumière des recherches historiques faites de nos jours, il semble bien que les sabbats n’ont jamais existé que dans l’imagination des juges et dans celle des accusés aidés par la torture des inquisiteurs.
Il s’agirait en fait de fantasmes collectifs, de situations rêvées par des paysans désireux de s’affranchir de la dure réalité quotidienne, aidés en cela par les drogues de l’époque : l’aconit et la belladone en particulier, provoquant un sommeil artificiel, des sensations de vide, des délires…
La réalité est sans doute plus complexe. Des assemblées de nuit se tenaient souvent au Moyen Âge, qu’il s’agisse simplement d’un groupe de voyageurs, de bals organisés en campagne par
des jeunes à la suite des interdictions prises à encontre de certaines danses jugées immorales, ou encore de réunions clandestines de paysans.
A ce propos, le nom donné au diable en Allemagne : « Grand Serf Révolté », montre bien la liaison faite entre la sorcellerie et la misère paysanne. Toute l’histoire du Moyen Âge est Jalonnée en France aussi par les Jacqueries, révoltes des campagnes contre l’oppression des seigneurs et la faim, sauvagement réprimées et sans cesse renaissantes. Au 18e siècle encore, La Hruyère peut décrire ainsi les paysans : « On voit certains animaux farouches, des mâles et des Icmelles, répandus par la campagne, noirs, livides, et tout brûlés de soleil. »
Quoi d’étonnant alors à ce que certains paysans cherchent à se réfugier d’une façon ou d’une autre dans des pratiques qu’ils croient diaboliques, pour échapper à leur condition ?