Les remaniements psychologiques à l’adolescence:La relation au corps
Une relation narcissique au corps
A cet âge, en raison de la vulnérabilité interne et du risque de la relation aux autres pour le Moi, le type de relation est davantage narcissique qu’objectal. Le corps de l’adolescent est au centre de ses préoccupations et la relation qu’il entretient avec lui est faite d’amour et de haine, tout comme celle entretenue avec ses parents.
L’adolescent peut passer des heures devant le miroir en admirant ses formes nouvelles, mais il peut tout aussi bien malmener son corps ou le mettre à l’épreuve. Différentes raisons le poussent à agir ainsi. Le plus souvent, ces raisons sont inconscientes : par exemple, face au manque de contrôle de ses émotions internes et des événements externes, son corps devient le seul objet qu’il peut tenter de maîtriser pour se calmer. A d’autres moments, il pousse son corps dans des comportements à risque pour le mettre à l’épreuve et connaître ses limites. Selon leur degré, leur fréquence et le contexte dans lequel ils se produisent, ces comportements peuvent être pathologiques et signifier une souffrance que l’adolescent ne peut soigner seul (voir le chapitre 3 de cette partie).
L’appropriation du corps par le style vestimentaire et les marques infligées au corps
Par ailleurs, ce qui montre cette relation privilégiée au corps à cette époque de la vie est l’importance accordée au vêtement et au style. Pour l’adolescent, les vêtements sont des sortes de secondes peaux ou de carapaces. Ils montrent et voilent en même temps. Ainsi, dans un double mouvement d’exhibition et d’inhibition, l’adolescent décide de s’approprier son corps subi en choisissant ses accoutrements. Le style vestimentaire et les marques faites sur le corps (tatouage, p/er- cing) participent dans des mesures variées à cette appropriation. C’est, par exemple, de grands vêtements larges dissimulant les formes et les complexes, ou un style particulier qui vient faire oublier le corps en le barrant d’une étiquette. Il peut aussi s’agir d’une ultraféminisa- tion, comme une caricature, qui suggère une sexualité active mais est généralement signe d’une fuite en avant face à l’angoisse d’une telle sexualité.
Quel que soit son mode de fonctionnement, l’adolescent habille ce corps et transmet un message. L’identité qu’il est en train de transformer et de construire s’appuie sur cette image du corps. Il cherche à mettre du sens là où le réel, dans sa crudité, le confronte à l’imprévu. Les marques inscrites sur et dans le corps, comme les tatouages et les piercings, sont des manifestations de refus du corps hérité tel qu’il est.
Il s’agit pour ces adolescents d’un moyen nécessaire pour arriver à se l’approprier.
Cette relation ambivalente au corps est symptomatique de la problématique adolescente. A partir de l’image du corps, la construction de l’identité se poursuit et connaît une évolution magistrale.