Les remaniements psychologiques à l’adolescence:La nécessaire distinction entre fantasme et réalité
Après l’impuissance infantile, le jeune pubère se voit doté d’atouts qui le mettent à égalité avec l’adulte. Cependant, avant qu’il n’utilise son corps dans le vécu de la sexualité, il est nécessaire qu’un changement psychique s’opère. En effet, le mode de pensée de l’enfant est constitué de toute puissance, de pensée magique et de fantasmes sans limites. L’enfant a recours à ce type de pensée pour combler son impuissance réelle et protéger son narcissisme blessé par cette impuissance. Si l’adolescent ne fait pas le deuil de ce fantasme de toute puissance, lors de son passage à la sexualité, il se sentira submergé d’angoisses liées au foisonnement pulsionnel auquel il ne pourra poser de limites imaginables. Un travail psychique est essentiel pour mettre des bornes à la pensée infantile. Ladame nous dit « Si le monde de l’imaginaire reste illimité dans son contenu, il s’arrête à la limite qui sépare pensée et réalisation. C’est cela, le changement majeur imposé par la sortie de l’enfance, un frein irrémédiable à la mégalomanie. »
Nous sommes dans une société où l’image est reine. A la télévision, on filme tous les fantasmes comme s’ils étaient la réalité et pouvaient être réalisés (reality show). Le fantasme ne fait plus partie de l’intimité de chacun, mais il est exhibé au grand jour. Ainsi les fantasmes de viol, de meurtre, de complétude, d’autocréation sont-ils montrés par la société et banalisés. Le fantasme devient une normalité regardable. Le
message pour les adolescents est donc confus : ses fantasmes sont réalisables. Pour être rassuré, l’adolescent a besoin de savoir que ce qu’il pense, il n’a pas le droit de le faire, lui, ni personne. Il s’agit d’un apprentissage éthique essentiel. Ainsi, l’adolescent doit accepter un ensemble de données limitées et irréversibles. Si ces données sont bien assimilées, les fantasmes restent à leur place de fantasme et l’adolescent peut vivre des relations intimes réelles sans être angoissé. Certains adolescents, pressés et angoissés de savoir ce qu’est la sexualité, passent à l’acte très tôt. N’étant pas assez matures pour intégrer les émotions, ils arrêtent généralement après. Or la différence majeure entre sexualité infantile et sexualité adulte est que cette dernière n’est plus autoérotique et ne peut plus passer par la voix courte. L’autre n’est pas un objet de consommation qui vient satisfaire la pulsion (comportement pathologique qui existe chez les adultes). Il est bel et bien un être différent qu’il faut approcher et séduire, qui peut refuser ou accepter, et avec lequel on va tenter une rencontre de plaisir partagé.
A l’adolescence, le fantasme de complétude est encore bien présent. L’adolescent pense qu’il va trouver son objet perdu et que celui-ci comblera ce manque qui le fait souffrir. Cette illusion, car l’objet manquant ne satisfait jamais totalement le désir, le pousse à chercher un autre qui colle à son désir. Bien sûr, cet autre ne sera jamais identique à l’objet perdu, et l’image deviendra une image déçue. La société des adultes n’aide pas les adolescents, car elle semble elle-même avoir du mal à accepter son manque fondamental et le fait qu’il faut faire avec. C’est pourquoi les adolescents sont en situation de risque de ne jamais se sentir satisfaits et de consommer en quantité pour trouver leur objet. Les adolescents qui ont suffisamment de sentiments de sécurité interne et de bonnes assises narcissiques pour pouvoir attendre de se sentir prêts réussissent à sentir que l’autre est différent de l’objet fantasmé. Il s’agit alors d’une véritable rencontre qui comporte des risques : puisque l’autre a ses propres désirs, l’adolescent prend le risque d’être frustré ou déçu. Tous deux parviennent à refréner la pression des pairs.