Les phobies spécifiques
Alors que, lors du trouble panique, l’anxiété et la panique surviennent de façon inattendue, dans la phobie simple elles sont déclenchées par un stimulus spécifique bien identifiable. Elles surviennent ici immédiatement avant ou pendant cette confrontation ; leur intensité croît avec l’approche de la situation phobique et décroît avec son éloignement. Si le patient est obligé d’affronter la situation phobique, il se produira de l’anxiété d’anticipation. C’est la raison pour laquelle il essaie d’éviter de telles situations, bien qu’il soit conscient du caractère non motivé ou exagéré de son anxiété.
Les différents objets et situations spécifiques déclenchant l’anxiété sont très nombreux et ont donné lieu à diverses listes et classifications. Les espèces de phobies simples pour lesquelles les patients cherchent un traitement ne sont cependant pas très nombreuses. Les anxiétés les plus fréquentes sont la peur d’animaux (surtout des chiens, des serpents et des insectes), la peur de voir du sang ou des blessures (cette vue s’accompagnant souvent d’évanouissement) et la peur d’injections ou de traitements dentaires. D’autres phobies simples concernent le transport en avion, l’utilisation d’ascenseurs, les espaces fermés (claustrophobie) et les lieux élevés (acrophobie). Le début de ces troubles, qui sont très fréquents dans la population générale, montre de grandes variations selon l’âge. Les phobies d’animaux cependant commencent le plus souvent dans l’enfance, les phobies du sang et des blessures ont leur début pendant la jeunesse et l’âge adulte précoce, alors que les phobies spécifiques des espaces fermés, des lieux élevés et des transports en avion semblent commencer plutôt au début de la trentaine.
Le décours des phobies spécifiques est lui aussi variable : certaines durent peu de temps et disparaissent aussi sans thérapie, comme il en va de la majorité de celles qui commencent dans l’enfance (par exemple la peur du noir, beaucoup de phobies d’animaux). D’autres durent plus longtemps et penchent moins vers la rémission spontanée (par exemple certaines phobies d’animaux, les claustrophobies et les acrophobies).
Puisque la thérapie comportementale est le traitement de choix des phobies spécifiques, notre présentation de l’origine, du développement, de la persistance et du traitement de ces troubles se limite à ce modèle.
Le développement et la persistance:
L’origine et la persistance des phobies spécifiques ont d’abord été expliquées à partir du « modèle des deux facteurs » selon lequel les réactions anxieuses se développent par conditionnement classique et se maintiennent par conditionnement opérant. C’est dire qu’un objet ou une situation initialement neutre est associé à une réaction d’angoisse ; cette association persiste suite au comportement d’évitement (de cet objet) qui empêche l’extinction de cette association. Bien que cette hypothèse soit étayée par des observations cliniques et des études expérimentales, des analyses plus récentes et plus approfondies ont également montré que ce modèle n’explique pas de façon suffisante certaines observations cliniques et de ce fait doit être complété.
Un premier problème surgit lorsqu’on considère que selon ce modèle n’importe quel objet (situation) peut déclencher des anxiétés phobiques. Les anxiétés rencontrées en pratique clinique, cependant, ne portent pas sur n’importe quel objet, mais seulement sur un nombre relativement restreint d’objets et de situations. Pour expliquer ce fait, Seligman (1970, 1971) a proposé la théorie de la « préparation » : selon cette théorie l’organisme réagit, principalement au niveau des situations qui sont importantes pour la survie de l’espèce, par des réactions d’anxiété et d’évitement rapides et stables. Cette hypothèse se trouve non seulement en accord avec la théorie de l’évolution,
mais elle est aussi étayée par des données expérimentales. Ohman et al. (1978) ont ainsi trouvé que leurs sujets d’expérience réagissaient de façon significativement différente, concernant des paramètres d’apprentissage décisifs (rapidité, résistance à l’extinction, etc.), à des stimulis biologiquement importants.
Le deuxième problème réside dans le fait que ce modèle n’explique pas bien les peurs de situations que le patient n’a jamais rencontrées directement. L’expérience clinique et des recherches expérimentales montrent cependant que des peurs de pareilles situations peuvent être acquises par information et par apprentissage sur modèle ; suite à ces résultats, ces facteurs sont ajoutés au modèle. D’autres ajouts viennent de la théorie de l’apprentissage cognitif ainsi que de la théorie cognitive des émotions qui cernent de plus près le rôle joué dans l’apprentissage par des facteurs cognitifs et leur importance pour l’anxiété et les émotions.