Les phobies sociales
La majorité d’entre nous a connu l’insécurité, la tension et l’anxiété dans l’une ou l’autre situation sociale lorsque nous n’étions pas sûrs d’être à la hauteur. Normalement on s’en souvient après coup, mais cela ne pose pas de problème particulier. Dans le cas de phobies sociales, par contre, on voit se développer une « peur persistante irrationnelle et un désir contraignant d’éviter des situations dans lesquelles le sujet peut être observé attentivement par autrui ». À cela s’ajoute que « le patient a également peur de se conduire d’une façon humiliante ou embarrassante » (DSM-III-R). Il s’agit la plupart du temps d’une appréhension de parler ou de se produire en public, d’écrire ou de manger en présence d’autres personnes, de la peur de rougir ou de se comporter de façon peu aisée.
Le modèle biologique:
Le modèle biologique prend son origine dans l’expérience clinique montrant que des patients se plaignant de phobies sociales souffrent aussi de tachycardie, de tremblements, de transpiration, etc. lorsqu’ils se trouvent dans des situations entraînant une évaluation sociale. Cela indique une activation autonome accrue que l’on trouve d’ailleurs aussi chez des sujets d’expérience normaux lorsqu’ils sont soumis au stress. Ces observations ont donné naissance à l’hypothèse selon laquelle la phobie sociale serait la conséquence d’une production excessive de catécholamines dans les situations de stress ou d’une sensibilité accrue à l’augmentation normale de catécholamines. Cette hypothèse a pu être partiellement confirmée, mais ne se révélait pas suffisante pour l’explication de la phobie sociale.
Le traitement des phobies sociales, d’après ce modèle, est naturellement d’orientation biologique et vise la sédation de l’excitation autonome par régulation chimique grâce à des moyens pharmacologiques qui se sont montrés efficaces.
L’efficacité de ces indications a été testée au cours de plusieurs expériences, les plus récentes seulement portant spécifiquement sur des phobies sociales chez des patients.
Inhibiteurs de la monoamine-oxydase (IMAO)
Liebowitz, après avoir constaté que la phénelzine diminue mieux la sus-ceptibilité interpersonnelle que l’imipramine chez des déprimés atypiques, a fait un essai clinique avec de la phénelzine chez des patients souffrant de phobies sociales (Liebowitz et al., 1986). Les patients ont d’abord été traités par un placebo pendant une semaine. Ceux qui n’y répondaient pas ont ensuite reçu un traitement de huit semaines à la phénelzine. Sur les 11 patients ainsi traités, 7 ont montré une amélioration nette, 4 une amélioration modérée.
Ces résultats encourageants ont conduit Liebowitz à faire une réplication dans un essai clinique en double aveugle (Liebowitz et al., 1988). Dans cet essai clinique sur le traitement pharmacologique des phobies sociales, qui est probablement le mieux contrôlé jusqu’à présent, il s’agissait de 59 patients ayant reçu un diagnostic « phobie sociale » d’après le DSM-III-R et qui ont été décrits de façon plus précise grâce à plusieurs échelles. Ces patients ont reçu d’abord un traitement placebo pendant une semaine, après quoi ceux qui n’y répondaient pas ont été soumis, selon le hasard, à un traitement double aveugle avec la phénelzine (IMAO), l’aténolol (béta-bloquants) ou un placebo. Afin de tester la durée des effets et voir si des patients légèrement améliorés feraient d’autres progrès, les patients montrant une amélioration légère ont reçu le même traitement pendant huit autres semaines.
Résultat : sur les 59 patients prévus pour la première phase de traitement de huit semaines, 6 ont répondu au traitement initial par placebo, 6 autres ont abandonné le traitement. Les 47 patients restants ont alors été attribués au hasard aux trois traitements à comparer. 6 patients ont abandonné le traitement au cours des trois premières semaines (3 traités par phénelzine, 2 par aténolol et 1 par placebo), de sorte que 41 patients ont suivi le premier traitement de huit semaines. Les taux de réponse aux traitements étaient les suivants : 64 % (9 sur 14) pour la phénelzine, 36 % (4 sur 11) pour l’aténo- lol, et 31 % (5 sur 16) pour le placebo. L’écart entre ces proportions n’est pas statistiquement significatif, mais l’analyse des résultats obtenus par échelle donnait une différence non négligeable entre la phénelzine et le placebo pour les sous-échelles « gravité » et « changements » de la « Clinical Global Impression Scales » ainsi que pour la sous-échelle « degré de gravité » des « Panic and Social Phobie Disorders Scale ». L’analyse de ces sous-échelles révélait une supériorité significative de la phénelzine concernant l’amélioration de la vie sociale et professionnelle et de l’anxiété d’anticipation en matière de rencontre ou de performance sociale.
Les béta-bloquants
Les essais cliniques, c’est-à-dire des recherches faites sur des patients qui souffrent d’une phobie sociale (diagnostiquée d’après le DSM-III-R) ne sont pas très nombreux pour les béta-bloquants, à notre connaissance il n’y en a jusqu’à présent que trois.
Dans la première de ces recherches, Falloon et al. (1981) ont traité 12 patients par un entraînement aux habiletés (compétences) sociales, 6 patients recevant en plus du propanolol, les 6 autres un traitement placebo. À la fin de la thérapie et lors du suivi, tous les patients étaient améliorés, le propanolol et le placebo ne faisant pas de différence, ce qui pourrait faire penser que les béta-bloquants sont inefficaces pour ces patients. Cette conclusion ne peut cependant pas être tirée, étant donné le petit échantillon et le fait qu’il n’y avait pas d’évaluation à l’aveugle de l’entraînement aux habiletés sociales.
De meilleurs résultats ont été obtenus par Gorman et al. (1985) qui ont traité 10 patients ayant un diagnostic « phobie sociale » (selon le DSM-III- R) par un traitement à l’aténolol pendant six semaines. 5 des 10 patients ont montré une amélioration presque totale à la fin du traitement, 4 autres montrant une amélioration modique.
Ces résultats n’ont toutefois pas pu être confirmés dans une recherche ultérieure, qui est jusqu’à présent la mieux contrôlée, à savoir l’étude déjà mentionnée de Liebowitz et al. (1988). Des 59 patients qui ont été traités pendant huit semaines à l’aténolol, à la phénelzine et au placebo, 36 % (4 sur 11) seulement ont réagi au traitement par aténolol. Ce pourcentage n’est pas significativement supérieur à celui des patients traités au placebo (31 °ta, 5 sur 16 patients). Des différences significatives entre les deux groupes n’ont pu être trouvées pour aucune des sous-échelles. Cette différence entre les résultats des différentes recherches est surprenante et doit être éclairée par des travaux ultérieurs.
Les antidépresseurs tricycliques et les benzodiazépines
Parmi les antidépresseurs tricycliques, c’est surtout la chlomipramine, mais aussi l’imipramine qui ont été utilisées dans des essais cliniques ; les résultats
ne sont toutefois pas clairs.
Les essais aux benzodiazépines (surtout la diazépine et l’alprazolam) sur des étudiants souffrant de stress lors des examens ont montré des effets tranquillisants ; les résultats manquent cependant de clarté lorsqu’il s’agit de patients. L’alprazolam chez des patients donnait lieu à une forte amélioration, mais celle-ci disparaissait avec la cessation du traitement (Lydiard et al., 1988 ; Reich & Yates, 1988).