Les manifestations hysteriques : Approche clinique
La répartition des troubles en trois grandes rubriques permet de concilier les descriptions traditionnelles et celles du DSM IV. D’ailleurs, les différences entre ces approches sont plus d’ordre évolutif que symptomatique.
Symptômes de conversion somatique Troubles somatoformes :
Les symptômes classiques de conversion somatique peuvent être rapprochés des trois catégories des troubles somatoformes du DSM IV : « trouble somatisation », « trouble conversion » et « trouble algie » ; le trouble conversion étant néanmoins plus spécifiquement lié à l’hystérie que le trouble somatisation.
• trouble somatisation : ensemble de plaintes somatiques multiples et récurrentes comprenant des douleurs, des épisodes gastro-intestinaux sexuels ou génitaux,
• Trouble de conversion : symptômes ou déficit touchant la motricité volontaire ou les fonctions sensitives ou sensorielles suggérant une pathologie neurologique ou générale.
• Trouble douloureux (les éléments psychologiques sont considérés comme jouant un rôle majeur dans le déclenchement, l’importance, la persistance ou l’aggravation du tableau algique).
Principaux symptômes :
Ils miment inconsciemment toutes les atteintes des systèmes cérébro-spinal, neurovégétatif ou des divers organes.
A-al-Symptômes « somatiques » durables
– L’asthénie permanente ou intermittente est fréquente. Elle constitue une authentique conversion « générale », exprimée par des métaphores dramatisantes (« épuisé », « brisé »).
– Les paralysies motrices ont des localisations variables (hémiplégie, monoplégie, paralysie faciale ou d’un pouce, paraplégie, etc). Elles affectent plus souvent le côté gauche. Le diagnostic est fondé sur l’absence de systématisation des signes et l’inexistence de signe neurologique objectif.
– L’astasie-abasie réalise une démarche ataxique, chancelante, sans chute, accompagnée de mouvements saccadés, irréguliers et grossiers du tronc.
– Les contractures ont une topographie systématisée, localisée (masseter, cou, doigt, etc ) ou diffuse.
– Les troubles de la phonation sont variés : aphonie, dysphonie (voix chuchotée, à peine audible), mutisme partiel, mutisme total. Ils respectent la communication gestuelle.
– Les troubles sensitifs sont variables : anesthésies localisées ou segmentaires, sans distribution anatomique, décrites avec des métaphores vestimentaires (en manche, doigt de gant, caleçon, botte, etc), hémianesthésie du corps « au cordeau « , anesthésie d’un membre avec incapacité de l’utiliser sans le regard.
– Les troubles sensoriels affectent surtout la vue : rétrécissement concentrique ou circulaire du champ visuel, scotome ou amblyopie transitoire, diplopie monoculaire, hémianopsie, macropsie, etc. Le déplacement dans tous les sens est évocateur. La surdité survient électivement après un choc émotionnel avec stimulus sonore (explosion).
– Les troubles affectant le système neurovégétatif réalisent des spasmes digestifs (pharyngés, gastriques, etc), respiratoires, urogénitaux (dysurie, vaginisme). La grossesse nerveuse (exemple : Marie Tudor ) est devenue exceptionnelle.
– Les algies sont très fréquentes : 70% des cas pour Lempérière. Les localisations les plus fréquentes sont par ordre décroissant : tête et cou, thorax et membres supérieurs, tronc et dos, région pelvienne. Les algies constituent le support projectif de l’incapacité à travailler, lire, communiquer. Elles entraînent une pléthore d’investigations cliniques et para cliniques.
– Les troubles alimentaires sont fréquents : anorexie sans maigreur marquée ni aménorrhée, associée à des vomissements. La boulimie ou la potomanie sont rarement de nature hystérique.
– Les troubles psychosexuels sont presque constants selon Purtell : 98% des cas. Les plus fréquents sont : perte de libido, frigidité partielle ou complète, impuissance partielle ou totale. Ils contrastent avec une vie imaginaire consciente active : fantaisies homosexuelles peu sexualisées, fixations amoureuses sur un prêtre ou un médecin, etc.
Svmptômes somatiaues paroxystiques :
– Les crises excitomotrices réalisent rarement la grande attaque de Charcot : durant 10 à 15 minutes, elle comprend successivement, après une aura d’angoisses somatiques, une phase épileptoïde tonique, puis clonique désordonnée, une phase de contorsions en arc de cercle, une phase d’attitudes passionnelles mimées (agressives ou érotiques) avec le retour de la conscience.
– Les crises mineures sont bien plus fréquentes : crise « convulsive » hystérique le plus souvent sans morsure, ni incontinence urinaire, ni blessure, crise d’agitation, crise syncopale avec perte de connaissance brève.
– Les aspects atypiques sont pseudo neurologiques : hoquet, bâillement, tremblement, catalepsie, mouvement choréiforme ou dyskinétique. Ils sont accentués par le regard d’autrui.
Symptômes d’expression psychique
Troubles dissocia tifs
Ils traduisent une altération de l’organisation, de l’expression intégrative, structurante
et consciente de soi, en particulier des dimensions affectives et cognitives qui caractérisent le sentiment d’identité personnelle et la mémoire de soi.
Inhibition intellectuelle
Elle peut être le symptôme unique, caractérisée par l’incapacité à effectuer un effort
intellectuel et un désinvestissement de la vie psychique et relationnelle.
Amnésie dissociative
Elle réalise un oubli d’une période définie de la mémoire épisodique. Elle est
réversible et n’implique pas la difficulté à stocker la mémoire.
L’amnésie concerne un événement stressant ou traumatique. Les événements impliqués sont : sévices à enfant (60%), difficultés conjugales, tentative d’autolyse, mort d’un proche, catastrophe naturelle, acte criminel. L’amnésie peut être consécutive à un état de stress post-traumatique.
Fugue dissociative
Les caractéristiques cliniques comprennent un ou plusieurs épisodes de voyage
soudain, inattendu, réfléchi, loin du domicile ou du lieu habituel de travail, associés à une incapacité à rappeler son propre passé et son identité personnelle primaire.
Le début est habituellement soudain. La fugue dure de quelques heures à plusieurs mois. L’errance est habituellement discrète. Certains patients parcourent de longues distances (DSM IV). En général, aucun troubie psychopathologique n’attire l’attention.
Souvent i! n’y a pas formation d’une nouvelle identité, Si une nouvelle identité (nom, profession) est prise, elle n’alterne pas avec d’autres identités.
Trouble dissociatif de l’identité ou personnalité multiple
Les caractéristiques cliniques sont centrées par les particularités des diverses
personnalités (5 à 10), chaque personnalité étant définie par un ensemble d’attitude comportementales et relationnelles pleinement intégrées. Chacune est désignée par un nom propre ou le nom d’une fonction (exemple : le protecteur). La transition d’une personnalité à une autre est souvent soudaine. Les personnalités peuvent être des deux sexes, d’âges et d’ethnies variées, issues de familles différentes. Elles sont souvent disparates, voire opposées. Une peut être dominante. L’apparition de la première ou deuxième personnalité est en relation avec un événement précipitant (exemple : un état hypnoïde). Chaque personnalité est souvent l’objet d’une amnésie pour les autres. Si la conscience des autres est conservée, celles-ci sont considérées comme des amis ou des adversaires.
Etats crépusculaires et léthargiques
Rares, ils ne sont pas intégrés dans le DSM IV.
– L’état crépusculaire réalise un état second, ressemblant à l’absence temporale, susceptible de durer de quelques jours à 2 à 3 semaines. Le syndrome de Ganser (altération de la mémoire, réponses à côté ou absurdes) en constitue une variété rare, observée en milieu pénitentiaire (CIM-10).
L’état léthargique est à différencier des comas et des attaques de narcolepsie.
Stupeur dissociative
Elle réaiise un état d’immobilisme avec réduction de la motricité volontaire et du langage, conservation de la réactivité par le regard.
Etat dissociatif de transe et de possession
– La transe dissociative réalise une altération transitoire de la conscience avec conservation de la perception du monde extérieur. Elle altère plus la conscience que l’identité. Quand elle associe une altération de l’identité, celle-ci n’est pas remplacée par une personnalité alternante. Les mouvements accomplis sont simples : écroulement soudain, immobilisation, étourdissement, cris perçants, etc.
– L’état de possession en est une variante caractérisée par l’impression de remplacement d’une identité personnelle par une nouvelle identité attribuée à un esprit, un ancêtre, un dieu, un pouvoir ou une autre personne.
Evolution :
Passagère :
Ce sont des accidents isolés survenant à l’occasion d’un traumatisme émotionnel très violent ou d’une situation de tension prolongée, surtout chez les sujets frustes présentant des traits d’immaturité et de labilité émotionnelle.
Durable :
- Soit par répétition des symptômes
- Soit par la durée des symptômes.
Ce type d’évolution est étroitement conditionné par les relations interpersonnelles du sujet et témoigne de l’organisation de sa personnalité de type hystérique, c’est à dire sa prédilection à privilégier son corps comme véhicule de la résolution des conflits psychiques. Cela traduit une complaisance somatique.