Les éléments du fonctionnement psychique:le travail de deuil
Le travail de deuil est un processus intrapsychique qui a pour but de déplacer l’investissement libidinal de l’objet perdu et de diminuer la douleur. L’objet perdu est externe et interne au sujet. Plus l’investissement de l’objet interne était grand, plus son retrait est pénible. Il faut réaménager cet équilibre.
Une phase dépressive est engagée, qui peut durer jusqu’à un an pour un deuil normal. Tous les symptômes de la dépression sont présents : tristesse, pleurs, perte d’appétit, repli, désintérêt pour le monde extérieur. Le sujet ressent parfois de la culpabilité alliée à de la colère, dans un sentiment ambivalent vis-à-vis du disparu qui l’abandonne.
Au niveau libidinal, des changements s’opèrent. Une partie de la libido adressée à l’objet perdu se retourne alors vers le Moi du sujet. Puis une partie du Moi devient l’objet, il s’agit de l’identification narcissique. On observe ce qu’on appelle « un repli narcissique », avec un désintérêt pour le monde extérieur. Toute L’énergie est occupée à se recentrer autour du sujet dans le travail de deuil.
C’est le temps de remanier les souvenirs qui servent à rendre présent l’objet perdu et à nier son absence. L’objet à travers les souvenirs est idéalisé. L’idéalisation répond au besoin d’enflammer l’imaginaire pour
compenser la douleur réelle. L’objet interne ne disparaît pas, c’est la quantité d’investissement de l’objet qui change.
Le sujet passe par le besoin archaïque d’incorporer l’objet. Cette notion d’incorporation dans le travail de deuil a été développée par M. Torok. « Incorporation » signifie au sens littéral « mettre dans le corps ». Elle se situe à un niveau fantasmatique et symbolique. C’est, par exemple, l’hostie qu’on avale en tant que représentant du corps du Christ. Face à la perte, le sujet a besoin d’« avaler » l’objet perdu pour l’installer en soi de façon magique. Ce mécanisme est donc primitif et non élaboré. Il a besoin d’être répété sans cesse car l’objet incorporé disparaît, il est transitoire. C’est un premier mouvement qui aide le sujet à ne pas quitter trop vite le défunt. L’incorporation fait partie des rites observables dans les cérémonies funéraires de nombreuses cultures.
L’introjection
Le deuxième mouvement plus élaboré du travail de deuil est l’introjection. Il s’agit de l’élaboration mentale de la perte. Grâce à la nomination des choses ressenties et à l’évocation de la relation avec la personne, l’acceptation de la perte devient psychique. L’objet reprend une place dans le souvenir et permet une identification structurante du sujet à l’objet.
Ces deux étapes sont importantes, mais le passage à l’introjection est indispensable pour que le deuil soit possible. Dans Discours vivant, André Creen utilise la métaphore du boa pour évoquer l’incorporation. Il dit que l’objet est d’abord incorporé comme le boa avalerait sa proie d’un coup. Mais si elle n’est pas digérée, elle reste sur l’estomac. Ainsi, si le sujet ne fait pas le travail psychique de l’introjection, le deuil n’est pas véritablement achevé.