Les effets de la psychothérapie
On peut dire que les quinze années passées ont vu la parution d’un nombre croissant de recherches bien contrôlées sur les effets de la psychothérapie obtenus chez des patients non hospitalisés souffrant de dépression majeure unipolaire . Les résultats importants pour le patient peuvent être résumés sous forme de réponse à une série de questions.
La psychothérapie est-elle meilleure que l’absence de thérapie ?
La réponse est clairement : oui. La majorité des recherches a montré que les nouvelles psychothérapies des dépressions (IPT, TCD, TC) sont supérieures aux thérapies de contrôle et aux thérapies non spécifiques : à la fin du traitement un plus grand nombre de patients se sentaient mieux et l’amélioration était plus marquée. Est important aussi le résultat de plusieurs études montrant que ces méthodes de traitement sont également indiquées chez des patients âgés.
Ces succès sont-ils durables ?
Ici également la réponse est positive dans l’ensemble. Il y a bien entendu des rechu-tes, et une certaine diminution ou usure avec le temps. Souvent certains effets positifs se manifestent cependant aussi seulement après le traitement et se main¬tiennent relativement bien. On peut également remarquer que des patients qui ont bénéficié de la psychothérapie seule ou d’une psychothérapie combinée à une pharmacothérapie étaient avantagés après un an par rapport aux patients ayant reçu la pharmacothérapie seule (Kovacs et al., 1981 ; Weissman et al., 1981). Deux études concernant la TCD (Blackburn et al., 1986 ; Simons et al., 1986) ont trouvé qu’à la fin d’une période de deux ans, cette thérapie avait un effet à long terme préventif supérieur à celui de la pharmacothérapie.
Qu’en est-il des comparaisons avec la pharmacothérapie ?
Quant à l’effet constaté à la fin de la thérapie, quelques recherches ont abouti à des résultats légèrement supérieurs pour la psychothérapie, quelques autres à des effets à peu près semblables. Concernant les effets à long terme, la psychothérapie semblait également être légèrement meilleure ; ce qu’a récemment confirmé l’étude du NIMH. Mais il faut dire que l’on a constaté des effets différentiels — les deux formes de traitement n’agissaient donc pas de la même manière : la pharmacothérapie (l’imipramine et Pamitriptyline) agissait avant tout dans le domaine des symptômes végétatifs et agissait plus vite. La psychothérapie (IPT, TCD) prenait plus de temps pour déployer ses effets et elle agissait surtout sur l’humeur dépressive, sur le manque d’intérêts, le manque d’espoir, le concept de soi et sur l’investissement au travail. La combinaison pharmacothérapie + psychothérapie donnait jusqu’à présent des résultats divers : certaines recherches ont trouvé des résultats meilleurs pour la combinaison, d’autres n’ont pas trouvé de différence. Il faut remarquer que le traitement combiné diminuait les abandons de traitement, et que la combinaison ne donnait pas lieu à des résultats moins bons que la psychothérapie seule. Cela indique que (contrairement à une croyance largement répandue parmi les psychothérapeutes) la pharmacothérapie, dans le cas de ces dépressions, ne gêne point la psychothérapie. Dans leur revue des onze recherches publiées entre 1974 et 1984 sur le traitement des dépressions unipolaires, Conte et al.(1986) arrivent à la conclusion que voici :
— les traitements combinés ont été plus efficaces que les conditions placebo ou de contact minimal. Ils étaient, meilleurs, légèrement, mais de façon consistante que la psychothérapie ou la pharmacologie seules ;
— le type de médicament (amitriptyline, imipramine, etc.) ou le type de psycho-thérapie (IPT, TCD, TC) ne faisaient pas de différence.
Y a-t-il des différences entre les psychothérapies, et qu’est-ce qui agit dans chaque thérapie ?
Qu’il y ait des différences entre les différents procédés psychothérapeu-tiques est une chose qui a été établie par De Rubeis et al. (1982) pour l’IPT et la TCD, et par Luborsky et al. (1982) pour le conseil psychologique donné aux toxicomanes, pour la TCD et pour la thérapie expressive de soutien d’orientation psychanalytique. Concernant la différence de ces thérapies au niveau des effets, les données manquent encore d’unité et sont trop peu nombreuses pour pouvoir en tirer des conclusions. Dans le domaine des thérapies comportementales, on n’a cependant pas encore pu établir des différences d’effets. La question « Qu’est-ce qui agit dans la thérapie comportementale de la dépression ? » reçoit la réponse suivante de la part de Zeiss et al. (1979) qui ont comparé les effets : la thérapie de la dépression est efficace :
— si le patient reçoit une explication bien fondée qui lui montre ses possibilités de contrôle en matière de comportement et de dépression ;
— si l’on exerce des compétences permettant de trouver la solution des problèmes journaliers ;
— si le patient exerce ces compétences aussi en dehors des séances thérapeutiques ;
— si la thérapie conduit le patient à s’attribuer à lui-même l’amélioration.
De façon plus générale, les moments essentiels découlant de la littérature clinique sur les nouveaux traitements psychologiques de la dépression peuvent se résumer ainsi :
— établissement d’une alliance de travail solide, d’une analyse de problème et d’un plan thérapeutique ;
— information et éclaircissement au sujet de la dépression et de son traitement ;
— travail ciblé sur les domaines problématiques principaux selon IPT, TCD ou TC ;
— éventuellement un « rappel » afin de consolider les compétences acquises.