Les différentes formes:Les hypothèses de Neisser
Entre 1991 et 1993, Neisser propose quatre chemins menant à la connaissance de soi et indique le moment de leur émergence chez l’enfant.
• Le « Soi écologique » et le « Soi interpersonnel » : les toutes premières formes, chez le très jeune bébé, sont de nature essentiellement perceptive et sans représentation. Il s’agit de ce qui constitue les fondements de la connaissance de soi. Le « Soi écologique » correspond à la façon dont l’individu se considère comme un agent actif dans l’environnement immédiat des objets. Le « Soi interpersonnel » est social et engage une interaction avec les autres individus, une relation avec les autres Soi. L’existence de ce Soi implique donc une différenciation entre soi et les autres, entre le Je et le Tu.
• Le Soi réfléchi : vers la fin de la première année, apparaît une « conscience d’être ce que je suis » qui repose sur les éléments culturels de la société qui sont représentés, dans leur forme mature, par les diverses fonctions sociales d’un individu. Le Soi réfléchi est la manière de se penser en fonction de ses rôles ou fonctions. Les bébés peuvent ainsi se prendre comme objet de pensée dans la mesure où ils commencent à prendre conscience de l’attention que leur porte une autre personne. Cette perspective est nouvelle puisqu’elle ne postule pas la nécessité d’acquérir des symboles, et particulièrement le langage, pour accéder à un Soi réfléchi.
• Le Soi vécu : il apparaît vers la troisième année de la vie, à partir du moment où l’enfant est capable de raconter ses expériences. C’est une forme de connaissance de soi qui transcende le présent et suppose une reconstruction du passé.
• Le Soi intime ou « Soi privé » : il apparaît vers quatre ou cinq ans, au moment où l’enfant attribue des pensées et des croyances aux
autres, c’est-à-dire qu’il possède une « théorie de l’esprit ». Ce temps est celui de l’analyse pour l’enfant : analyse des sentiments, des joies, des peines, des rêves, etc.
La construction du schéma corporel
Les expériences sur l’imitation précoce témoignent de la connaissance de son corps par le bébé. Les recherches ont montré l’existence de conduites imitatives très précoces. De tels comportements révèlent chez les nourrissons de véritables capacités à générer une action sur la base d’informations stockées en mémoire.
Il apparaît aujourd’hui que le bébé extrait des informations de ses mouvements dirigés, les mémorise et se construit ainsi, au cours de son premier semestre de vie, un schéma corporel. Simultanément à la prise de connaissance de son environnement physique et social, le bébé prend donc connaissance de son propre corps.
La reconnaissance de soi
Le Soi réfléchi ou « concept de Soi » suppose de la part de l’individu un minimum de connaissances déjà élaborées sur soi et les autres et une capacité de réflexion intime.
Plusieurs auteurs ont proposé de déterminer l’existence d’un Soi réfléchi au moment où l’enfant commence à être conscient qu’il est un objet d’attention pour les autres et à savoir utiliser les aspects culturels de son environnement.
Pour certains auteurs, c’est à partir de neuf mois que s’observe l’émergence de conduites révélatrices d’un concept de soi chez le bébé. Avant cet âge, le bébé peut interagir avec les objets ou les personnes, mais il ne parvient pas encore à coordonner les deux.
La reconnaissance par l’enfant de son image dans un miroir sert d’indicateur privilégié aux chercheurs pour établir l’émergence de la conscience de soi. Il apparaît actuellement que les chercheurs ont exagérément interprété les possibilités offertes par l’image spéculaire et sa compréhension par l’enfant. Le miroir peut aider l’enfant à conforter l’image qu’il a de son corps, mais ne révèle rien concernant la pensée qu’il pourrait avoir sur lui-même, donc sur sa prise de conscience.
La connaissance de soi n’implique pas nécessairement la reconnaissance de soi, ni la conscience de soi. Les sources de la connaissance de soi peuvent se trouver aussi bien dans les perceptions que les actions des bébés. Plusieurs expériences, dans des domaines aussi variés que l’atteinte d’un objet, les perceptions ou l’imitation précoce, suggèrent que le bébé a une perception de son corps. Il serait donc possible, dès
les premiers moments de l’existence, de parler à son endroit d’un Soi corporel.
Une telle conception implique la reconnaissance chez le nourrisson de capacités très précoces de discrimination de soi et de l’autre et de connaissance de soi à travers son action. C’est principalement à partir des perceptions que le bébé apparaît attentif aux propriétés des objets et des personnes du monde.