les différentes formes du développement du nourrisson :La conscience de soi
La notion de l’existence d’une conscience autonome, conçue comme indépendante du social, a été entretenue par certaines théories du développement psychique. Celles-ci conçoivent l’enfant comme placé à sa naissance dans un état où il ne peut se différencier de sa mère et à partir duquel une conscience individuelle se détacherait progressivement.
Il semble qu’à l’opposé d’une conscience de soi séparée des choses qui l’entourent, l’enfant développe avant tout une conscience de soi en relation avec autrui. Le bébé développerait une subjectivité partagée avec autrui, manifestant une capacité d’adaptation à un monde qui est en grande partie irrationnel : le monde imaginaire des regards d’autrui portés sur soi.
Les recherches récentes montrent que dès les premières minutes de vie extra-utérine, le nourrisson manifeste un sens de son corps comme entité différenciée parmi d’autres objets de l’environnement. Il manifeste ainsi une discrimination fine entre une stimulation dont l’origine est extérieure au corps et une stimulation qui provient de son propre corps. Il montre immédiatement des réactions différentes si sa mère lui touche le bras ou si on le fait se toucher lui-même le bras avec sa main opposée.
Vers six semaines, à travers l’apparition du sourire social, l’enfant débute sa vie relationnelle par le biais d’expériences explicitement partagées avec autrui. C’est le moment où le bébé affirme dans son comportement sa présence au monde avec autrui.
Il s’agit alors du début de la co-conscience, et donc de la véritable naissance du bébé en tant que personne qui ne peut se constituer et se développer que dans l’échange social et la réciprocité affective. Son attitude devient alors contemplative et réciproque.
Avec son entrée dans la réciprocité émotionnelle, l’enfant va être aspiré dans le miroir social, phénomène de résonance émotionnelle de l’adulte envers le nourrisson. Cette réciprocité sera promue par les jeux de miroirs sociaux de l’adulte. Dans ce contexte se développeront l’anticipation et la représentation de l’autre en référence à soi et ses propres activités sur les choses.
Une nouvelle évolution apparaîtra vers neuf mois, avec le développement de la locomotion, l’enfant vivant un profond dilemme entre son besoin de proximité et son désir d’exploration. La solution sera trouvée en intégrant l’autre à sa quête d’objets. L’enfant deviendra attentif, conjointement à autrui.
Enfin, un autre fait très marquant des progrès de la co-conscience est l’apparition des comportements d’embarras. C’est vers quatorze mois que l’embarras social commence à se manifester d’une façon prévisible et très marquée, dans le contexte d’une attention prolongée d’autrui sur soi et d’une performance ou d’une présentation de soi pouvant être évaluée par l’autre.
Le Soi ou le Moi en ébauche du nourrisson apparaît donc plus fort et développé qu’il ne l’a été longtemps supposé. Dès les premières semaines de sa vie, l’enfant se montre capable de distinguer son corps de celui de l’autre, son action de celle de l’autre. Il peut se comporter en fonction d’interprétations d’autant plus avancées que ses d’empathie grandissent.