Les conséquences relationnelles d'allaitement
L’allaitement à la demande respecte profondément le rythme de l’enfant… et met la mère à son écoute. Il est facilité par la présence paternelle. L’allaitement n’est pas « une affaire de femmes ». Celles-ci ont besoin de se sentir soutenues, encouragées et reconnues, et de mettre en place leur lien à l’enfant dans la richesse et le prolongement de celui qui les unit à leur homme.
Mais où en est-il ce petit d’homme à la naissance ou, comme disait Françoise Dolto, « cet être à l’état d’enfance » ?
- Sur le plan physique, son corps est en transformation constante : formation du système digestif, mais aussi de la bouche, du palais et du carrefour œsophagien. Il doit être respecté comme étant en début de carrière digestive.
- Sur le plan de la conscience du corps, c’est dans le contact au corps maternel, si familier, qu’il percevra les limites de son propre corps. Il a sans doute encore peu conscience des frontières entre son corps et celui de sa mère. In utero, ses frontières étaient l’utérus, au contact duquel il s’est rapproché de plus en plus, jusqu’à deviner ses limites corporelles à chaque brassage des contractions utérines. C’est en s’appuyant sur ce lien physique que la mère et l’enfant vont créer leur relation et ébaucher petit à petit l’attachement mutuel qui sera l’expression de leur puissant lien psychologique ; lien qui est, il va sans dire, essentiel à la croissance de l’enfant.
- Nous savons aussi que les sens les plus en éveil chez le nourrisson sont le toucher et l’odorat.
- Sur le plan de la communication, l’homme être de langage – est dans le langage immédiatement dès la naissance, et même dès la vie fœtale.
Votre enfant vous comprend déjà. Il perçoit, au-delà du langage parlé, ce que vous exprimez ; à vous d’apprendre à décrypter son langage comme celui d’une personne étrangère qui ne parle pas encore votre langue, mais saura utiliser les symboles nécessaires pour se faire comprendre. C’est une expérience enrichissante que d’entrer dans cette communication, de redécouvrir ce langage corporel. Et l’allaitement à la demande favorise cela : communiquer avec l’enfant, répondre à ses besoins.
L’enfant, à ce stade, ne fait pas de caprices. Il n’a pas suffisamment conscience d’être dissocié de vous pour se jouer de vous. Ses appels sont de véritables besoins ; à vous d’apprendre à y répondre et, si vous ne le comprenez pas, n’hésitez pas à le lui dire et à rester dans la communication. Le profond lien corporel du début n’est pas toujours facile à accepter ni à vivre. Il se met^en route très progressivement, au rythme de votre apprivoisement mutuel. Certaines mères en auront peur, craindront de se faire « manger », de se diluer, de perdre leur propre identité. D’autres, en revanche, s’y glisseront avec délectation, nourrissant l’enfant en elle (au risque de se couper de leur homme). Ces dernières pourront aussi souffrir des marques d’indépendance que leur petit ne manquera pas de leur exprimer. Que vous penchiez d’un côté ou de l’autre, mettre au monde un enfant c’est aussi grandir à travers lui et au travers de vos excès. Et toutes nous serons vivement sollicitées par cet être nouveau qui déstabilise nos plus grandes certitudes. Ne vous inquiétez pas, ses premières frustrations le feront aussi grandir.
L’ambivalence maternelle
Vous avez, pendant la grossesse, rêvé de cet allaitement au sein, ou peut-être vous êtes- vous décidée sur la table d’accouchement, touchée par l’appel de votre enfant. Pourtant, les premiers émois passés, vous découvrez en vous une réserve, vous vous sentez teintée d’ambivalence. Vous avez envie de cet allaitement mais, après le travail de la naissance, il implique à nouveau votre corps. Peut- être vous sentez-vous encore très ébranlée par l’accouchement ? Peut-être, à l’occasion de la visite de la sage-femme, pourrez-vous demander à rencontrer celle qui vous a accouchée et sentirez-vous le besoin de parler ce moment fort de votre maternité, afin, après l’avoir rêvé, pouvoir vous ajuster à sa réalité ? Temps de parole souvent nécessaire pour se réapproprier son corps, confié pendant un temps à l’équipe soignante et… à la bonne cause. Respectez-vous dans cette retenue , apprivoisez-vous. Peut- être êtes-vous surprise par la puissance de la succion, de l’appel de l’enfant, ou peut-être vous laisse-t-il un sentiment de fragilité immense ? Peut-être vous sentez-vous dépassée par la responsabilité de nourrir votre enfant de votre propre corps, par la peur de ne pas être à la hauteur de la demande de l’enfant ? Même dans l’allaitement, il peut – il doit ? – y avoir responsabilité partagée. Avec votre compagnon, d’abord, vous pouvez passer un « contrat de responsabilité partagée ». Vous engagez plus particulièrement votre corps, mais lui aussi peut s’impliquer physiquement : en s’engageant à vous soutenir de sa présence rassurante, en s’engageant par ailleurs à cette proximité corporelle sollicitée par son enfant, en partageant vos questions. Responsabilité partagée par ailleurs avec les tiers que vous choisirez de solliciter (famille, amis, professionnels…) autour d^ vous et de votre enfant. Vous n’êtes pas seule, votre enfant naît au « sein » d’une famille, d’une société d’amis, de pairs.
L’allaitement est avant tout communication. La dyade mère l’enfant s’inscrit dans le contexte d’un couple, d’une famille, d’une société qui nous entoure. Et ce sera à vous de faire la part des choses entre les désirs de votre petit et vos nécessités personnelles, familiales et sociales.