Le traitement comportemental des troubles obsessionnels
Pour la thérapie comportementale, l’anxiété/excitation et leur évitement jouent un rôle central dans le développement et la persistance des troubles obses-sionnels. Il s’ensuit donc que le traitement vise directement ces deux compo-santes principales. Toutefois, avant d’appliquer les divers procédés, il est indispensable de procéder à une analyse approfondie du comportement pour dépister les conditions concrètes et leurs interactions. Il ne s’agit donc pas seulement d’une simple énumération des symptômes que l’on pourrait faire disparaître avec une technique correspondante efficace, mais d’une analyse des conditions et fonctions de ce trouble individuel concret. Le modèle de changement qui résulte de ce modèle étiologique individuel et concret et des préférences du patient en matière de techniques de traitement est alors com-muniqué au patient et discuté avec lui.
Cette communication et discussion du modèle concret, concernant l’étiologie et le changement, constitue une partie importante du traitement. À cela s’ajoutent les procédés de l’extinction et de l’empêchement de la réaction qui s’appliquent directement et en même temps aux composantes anxiété/excitation et réaction/action. Ce procédé utilisé d’abord par V. Meyer, par Marks & Rachman et leurs collaborateurs au Maudsley Hospital à Londres, a été perfectionné et mis à l’épreuve par Foa et ses collaborateurs à Philadelphie. Dans les pays de langue allemande, c’est surtout Hand qui s’est occupé de ces problèmes et, en France, Cottraux (1989).
L’exposition consiste dans une confrontation du patient avec les stimuli et situations qui déclenchent l’anxiété/excitation. Elle peut se faire dans la vie réelle (in vivo) ou dans l’imagination (in sensu). Un patient souffrant d’obsessions de contrôle sera ainsi confronté avec des situations où il s’agit de fermer des portes, un patient souffrant de compulsion à se laver les mains sera confronté à la saleté.
L’empêchement de réaction vise à empêcher les réactions d’évitement habituels (rituels) afin de permettre leur extinction.
Comme ces procédés peuvent parfois être très désagréables pour le patient, il s’agit de les appliquer avec sensibilité et tact, de façon à ce que le patient collabore malgré les sentiments parfois temporairement désagréables, et s’ouvre à cette expérience déplaisante et l’affronte. Ceci conduit à une diminution progressive de l’anxiété/excitation et à un sentiment de soulagement. En même temps s’affermit la certitude de pouvoir maîtriser soi-même le pro¬blème, puisque le patient fait l’expérience que l’anxiété/excitation disparaît progressivement sans qu’il l’évite. Plusieurs variantes de ce procédé permet¬tent de l’adapter de façon flexible aux besoins individuels et de le compléter. Au lieu d’un procédé rapide et massif, on peut aussi utiliser des interventions plus progressives et y joindre des procédés cognitifs ainsi que des techniques de gestion (maîtrise) de l’anxiété.
Le traitement des idées obsédantes et des troubles obsessionnels purement cognitifs (idées, images, ruminations) se fait également selon le procédé d’exposition, mais il est plus difficile. En effet, ces obsessions échappent à l’observation externe et ne se laissent pas expliquer par le modèle de la réduction d’anxiété, parce que les idées obsédantes ne réduisent pas l’anxiété, mais au contraire l’induisent. Pour cette raison il est extrêmement important de faire une analyse fonctionnelle très soigneuse et d’analyser les pensées obsessionnelles et le rituel cognitif correspondant. Il s’agit de dépister de façon aussi précise que possible les relations existant entre ces pensées obsédantes et d’autres cognitions et des situations qui les déclenchent ou les maintiennent. C’est seulement lorsque ces relations ont été saisies de façon précise que le procédé thérapeutique concret peut être planifié et mis en œuvre.
La découverte de ces relations permet au patient de faire l’expérience d’une certaine disponibilité et d’un certain contrôle des pensées obsédantes, ce qui le motive aussi mieux pour les procédés d’exposition. Dans la mesure et dès que c’est possible, ces procédés d’exposition devraient s’appliquer in vivo, c’est-à-dire dans l’environnement naturel et quotidien du patient, afin de favoriser la généralisation des effets du traitement à l’environnement quotidien du patient et de prévenir des rechutes.
Les patients obsessionnels, de même que les patients souffrant d’autres troubles anxieux, ayant souvent aussi d’autres problèmes (par exemple des dépressions et d’autres problèmes psychiatriques, des problèmes dans la vie de tous les jours, des problèmes familiaux ou avec leur partenaire), le traitement direct des obsessions ne peut commencer qu’après l’investigation du contexte psychopathologique. Les éventuels problèmes additionnels devraient être inclus dans le traitement sous forme de « paquets» de traitements complexes, de traitements parallèles ou complémentaires (voir Hand, 1990). La restructuration cognitive, des thérapies du couple comportementales et le counseling non directif (rogerien) peuvent ainsi constituer des traitements complémentaires importants. Lorsque le patient souffre aussi de dépression, un traitement préalable ou d’accompagnement par une médication antidépressive peut se révéler indispensable.
L’efficacité du traitement comportemental des troubles obsessionnels est bien établie et on fait état de beaucoup de résultats satisfaisants. Foa et al. (1985) ont analysé les résultats de 18 recherches contrôlées. Ils arrivent à la conclusion qu’après la thérapie, 51 % des patients sont quittes de leurs symptômes ou très améliorés, 39 % sont moyennement améliorés et 10 % n’en ont pas profité. Il faut remarquer cependant qu’un aussi bon résultat n’est pas toujours atteint. Les résultats obtenus par le traitement des pensées obsessionnelles et des obsessions purement cognitives non accompagnées de rituels sont moins bons que ceux obtenus par le traitement des actes obsessionnels. Hand (1990) rapporte par contre qu’une exposition conséquente permet d’obtenir des effets positifs à long terme pour environ 70 % des patients traités, également dans les pensées obsessionnelles.
Recommandations de traitement:
Pour terminer cette esquisse des traitements des troubles obsessionnels, on peut retenir que les méthodes psychanalytiques classiques sont inefficaces, à moins qu’il s’agisse d’un patient ayant une personnalité obsessionnelle et que l’on adapte le traitement, c’est-à-dire que le thérapeute intervienne de façon plus directive et traite surtout les problèmes actuels et le comportement du patient. La pharmacothérapie, surtout la Chlomipramine, est efficace, mais on assiste souvent à des rechutes quelques semaines après la cessation du traitement. La thérapie de choix est une thérapie comportementale basée sur l’exposition et l’empêchement du comportement d’évitement, ou une combinaison associant la thérapie comportementale à la pharmacothérapie.