Le modèle psychophysiologique
Dans la conception de l’étiologie du trouble panique proposée par Klein, l’accent est mis sur les composantes biologiques qui produisent l’attaque de panique ou dont elle procède en quelque sorte ; les processus psychiques sont tout au plus secondaires. La conception psychophysiologique, par contre, souligne l’interaction des facteurs psychiques et biologiques. L’attaque de panique n’est plus ici considérée comme spontanée, sans stimulus déclencheur interne ou externe, mais comme produit terminal d’interactions complexes entre sensations corporelles primaires (par exemple une augmentation du rythme cardiaque), processus affectivo-cognitifs et d’une réaction consécutive du patient. Comme l’illustre le schéma ci-dessous, les phénomènes paniques peuvent avoir leur origine dans des phénomènes biologiques ou psychologiques qui sont perçus de façon plus ou moins claire et interprétés comme « danger ». Cela entraîne le développement d’anxiété et de panique qui à leur tour agissent sur les différents éléments de ce déroulement et peuvent les intensifier ou les modifier. La probabilité, le moment et le type de déclenchement de ces manifestations de même que le déroulement concret sont influencés par une multitude de variables : les caractéristiques biologiques et l’histoire des apprentissages individuels, le type et l’efficacité des stratégies de maîtrise ainsi que les particularités de la situation.
Ce modèle psychophysiologique du développement des attaques de panique est déjà étayé par une série de travaux intéressants dont on trouvera une revue chez Clark et al. (1988) et chez Ehlers & Margraf (1988).
Des patients souffrant de trouble panique, par exemple, obtiennent des valeurs plus élevées que d’autres groupes cliniques ou des groupes de contrôle normaux dans des questionnaires mesurant « la peur de la peur » ou « la peur de symptômes corporels ». Dans des interviews structurées, ces patients disent aussi que leurs attaques de panique commencent habituellement par des sensations corporelles (par exemple perception des battements du cœur). Plusieurs auteurs ont aussi pu montrer le rôle important joué par l’hyperventilation (c’est-à-dire l’aug¬mentation excessive de la respiration) comme facteur facilitant (hyperventilation chronique) ou comme facteur déclenchant (hyperventilation aiguë). Et finalement les résultats obtenus lors des expériences sur le déclenchement des accès de panique (infusion de lactate de sodium, inhalation de dioxyde de carbone, modification des expectations) peuvent également être conçus dans le cadre du modèle psychophysiologique.
Le point faible de ce modèle cependant réside dans le fait qu’il semble plus apte à expliquer après coup (de façon rétrospective) la persistance du trouble panique qu’à prédire la première attaque. Dans cette mesure, les résultats empiriques mentionnés ne constituent pas encore des preuves suffisantes pour ce modèle ; mais elles suffisent pour le considérer comme alternative valable au modèle purement biologique.
Le traitement des attaques de panique doit, selon ce modèle, s’attaquer de façon ciblée aux attaques de panique elles-mêmes. Si l’attaque de panique est le résultat d’une interaction complexe entre des sensations corporelles, de l’anxiété et des processus cognitifs, la thérapie doit viser à diminuer l’anxiété et à détacher ses liens avec les sensations corporelles et les processus cognitifs accompagnant le trouble. À cet effet, plusieurs programmes de traitement ont été proposés : ils combinent d’une façon adaptée au cas concret la confrontation avec les stimuli internes (sensations corporelles et symptômes) et des méthodes cognitives visant la réinterprétation des symptômes anxieux et l’acquisition de stratégies de maîtrise de l’anxiété et de ses symptômes corporels. Lors de la phase diagnostique du traitement, on recherche ainsi d’abord les déclencheurs et les conditions qui accompagnent les attaques de panique (hyperventilation, manière de se nourrir, cognitions, situations interpersonnelles). Lors d’un pas suivant, les informations obtenues sont utilisées au cours de la communication d’un modèle explicatif individuel qui se réfère au modèle psychophysiologique du trouble panique sus-mentionné. Les attaques de panique « spontanées » (comme les fortes réactions anxieuses dans des situations phobiques) sont décrites comme résultat d’un « cercle vicieux » constitué par les sensations corporelles (par exemple oppression respiratoire, tachycardie, sensation de faiblesse), les cognitions concomitantes (par exemple « je perds le contrôle ») et les comportements (par exemple hyperventilation). Suit la présentation des méthodes de confrontation et de maîtrise de l’anxiété indiquées pour la symptomatologie en cause qui sont alors proposées pour rompre le cercle vicieux. Il s’agit principalement d’une confrontation avec l’objet déclenchant l’anxiété et d’une réinterprétation (réattribution) (par exemple en cas de tachycardie) de procédés impliquant des techniques respiratoires (en cas d’hyperventilation) ainsi que de différentes stratégies de maîtrise permettant le contrôle des symptômes anxieux. Un élément très intéressant et efficace en est un exercice de gestion de soi en situation de stress qui invite le patient à procéder en trois pas (voir aussi Hand, 1989) : 1) accepter, observer et décrire les pensées, sentiments et les réactions corporelles ; 2) laisser venir ces phénomènes sans vouloir supprimer des éventuels sentiments désagréables ou l’anxiété ; 3) essayer de tenir bon pendant dix autres secondes lorsque la situation devient insupportable, et continuer l’observation et la description des événements internes et externes. Dans la plupart des cas, ces exercices ont pour conséquence que le patient fait une expérience inattendue : suite à ce comportement nouveau dans la situation de panique, l’angoisse diminue spontanément. Les différents exercices doivent, naturellement, se faire avec l’aide d’un thérapeute et dans le cadre d’un plan de traitement.
Quant à l’efficacité du traitement psychologique des troubles panique, on peut constater que malgré son application seulement très récente, il est possible de faire état d’une série de recherches ayant abouti à de très bons résultats. Quelques-unes de ces recherches sont des études de cas ou des travaux sans groupe de contrôle sur des échantillons de petite taille, mais on dispose aussi de quelques recherches incluant des groupes de contrôle (pour une revue, voir Barlow, 1988 ; Margraf & Ehlers, 1988). Les résultats de ces recherches montrent des améliorations claires et durables, voire des rémissions complètes ; pour la grande majorité des patients les attaques de panique ont pu être éliminées complètement et à longue échéance. Il est par ailleurs intéressant d’apprendre que, dans quatre études contrôlées, le traitement psychologique ciblé des attaques de panique était supérieur au traitement psychologique non spécifique ainsi qu’à la thérapie pharmacologique.