Le modèle de la thérapie cognitivo-comportementale
Selon ce modèle, les phobies sociales se développent sur un terrain comportant une prédisposition biologique et psychologique à des réactions anxieuses. Le modèle de Heimberg &Barlow (1988) que nous suivons ici étudie cependant moins leurs conditions de développement biologique et historique que le comportement du sujet dans des situations sociales. Dans cette perspective, la personne souffrant de phobies sociales réagirait à la demande sociale par des sentiments et des pensées négatives qui dirigeraient son attention sur sa propre personne plutôt que vers la tâche créée par la situation sociale. Le patient se demande s’il sera capable de maîtriser la situation, s’il sera anxieux et si les autres s’en apercevront, quelles seront les conséquences de son comportement, etc., au lieu de consacrer son attention à la résolution de la tâche (par exemple écouter, évaluer ce qu’il entend, formuler une réponse). Cela conduit à l’augmentation de l’anxiété et à l’activation du système autonome, ce qui est à son tour perçu par le patient, augmente la tension et empêche une solution optimale de la tâche. Lorsque par la suite il rencontrera des situations similaires, il réagira de façon semblable et aura tendance à les éviter ou à les supporter seulement avec un malaise plus ou moins important.
Le traitement des phobies sociales se base suivant cette approche sur l’exposition (la confrontation) et sur la restructuration cognitive. Il vise non seulement la diminution de l’anxiété, mais aussi la mise en place de compétences sociales et la modification des pensées et attitudes qui sont à la base de l’attitude anxieuse. À cet effet, on utilise et on combine plusieurs procédés qui sont mis en œuvre lors de séances individuelles ou de groupes. Heimberg a ainsi développé un programme de traitement qui est appliqué à des groupes de 5 à 6 patients par un thérapeute masculin et un cothérapeute féminin lors de douze séances hebdomadaires de deux heures. Ce programme comporte les composantes suivantes :
— explications concernant le développement et le traitement des phobies sociales ;
— exercices structurés visant la mise en place de compétences permettant l’identification et l’analyse critique des cognitions faisant problème ;
— confrontation (en groupe et dans des situations simulées) avec les stimuli déclencheurs de l’anxiété ;
— acquisition de procédés de restructuration cognitive permettant le contrôle des cognitions avant et pendant l’exposition ;
— acquisition de procédés d’analyse de soi rationnelles, susceptibles de remplacer les auto-évaluations négatives ;
— exercices à faire à la maison en vue de raffermir par l’exposition à la réalité quotidienne ce qui a été appris lors des exercices de simulation ;
— acquisition d’un procédé de routine autogéré en matière de restructuration cognitive.
L’efficacité de la thérapie cognitivo-comportementale pour le traitement des phobies sociales a fait l’objet de plusieurs études qui ont donné des résultats positifs. Les meilleurs de ces travaux (ils ont utilisé des procédés diagnostiques nouveaux et des groupes de contrôle adéquats, grâce à quoi leurs preuves sont les plus claires) sont ceux de Butler et al. (1984) et de Heimberg et al. (1988). On peut les résumer comme suit :
Butler et al. (1984) ont fait une recherche dans laquelle 45 patients souffrant de phobies sociales pures (c’est-à-dire non associées à d’autres troubles) ont été divisés en trois groupes. Les patients du premier groupe ont fait des exercices basés sur l’exposition. Le deuxième groupe a été traité par des exercices d’exposition « enrichis » d’un entraînement à la maîtrise de l’anxiété qui comprennent des stratégies cognitives et l’entraînement à la relaxation. Les patients du troisième groupe ont constitué le groupe de contrôle et ont été mis sur une liste d’attente.
À la fin du traitement les groupes de patients traités avaient des meilleurs résultats que le groupe de contrôle. Six mois plus tard, cependant, le groupe traité par une thérapie d’exposition « enrichie » avait des meilleurs résultats que le groupe traité par la seule thérapie d’exposition.
La deuxième recherche bien contrôlée est celle de Heimberg et al. (1988). Dans cette étude, 20 des 39 patients ont été traités par une thérapie cognitivo-comportementale, 19 ont reçu une thérapie de groupe éducative et de soutien. Ce dernier programme qui avait la même durée que le traitement du premier groupe comprenait les mêmes composantes thérapeutiques à l’exception des composantes comportementales et cognitives. Le résultat constaté par les auteurs montrait qu’à la fin du traitement les deux groupes avaient été améliorés et que cette amélioration était maintenue encore six mois plus tard. Toutefois les patients traités par thérapie cognitivo-comportementale montraient à la fin du traitement une amélioration significativement plus grande dans plusieurs mesures et aussi un plus grand pourcentage de patients améliorés. Après six mois, 80 <7o de ces patients ont été améliorés alors que cela n’était le cas que pour 50 % des patients traités par la thérapie de groupe éducative et de soutien.