L’intervention psychologique et la science appliquée
Nous avons caractérisé l’aide et la thérapie psychologiques par leur référence, en matière de genèse et de traitement des troubles psychiques, à des théories empiriques scientifiquement fondées. Le fait que les différentes formes de thérapie ne sont pas seulement le résultat d’un développement scientifique, mais se trouvent également influencées par des facteurs personnels, des facteurs sociaux et de politique professionnelle. Il est donc souhaitable de regarder de plus près les relations entre l’intervention psychologique et la science. Que signifie « scientifique », de quel ordre sont ces relations ? Vu la grande complexité des troubles psychiques, une approche scientifique est-elle possible ? Et si c’est le cas, est-elle légitime dans des problèmes aussi personnels et uniques ? Que nous enseignent sur ces questions l’histoire, la psychologie, la sociologie? Mais aussi l’éthique, car il ne s’agit là pas seulement de connaissance, de savoir et d’habileté, mais aussi de valeurs humaines.
Nous ne pouvons guère aborder ici toutes ces questions et devons renvoyer le lecteur intéressé à la littérature concernée, mais nous voudrions expliciter davantage les points importants pour notre sujet du choix thérapeutique. Que faut-il entendre par « savoir scientifiquement fondé » ? Que signifie « contenu scientifique » ? Comment l’intervention psychologique se rapporte-t-elle à pareil savoir et quel est l’apport de ce savoir à la recherche en psychothérapie ?
La question de la scientificité et de ses critères a reçu différentes réponses dans la théorie des sciences. Le critère qui est toutefois généralement reconnu consiste dans le caractère confirmable des hypothèses. Un savoir ou une hypothèse sont donc scientifiques, si on peut les confirmer par les méthodes scientifiques courantes ; est considéré comme scientifiquement fondé un savoir qui s’est révélé valable lors de pareilles mises à l’épreuve. Un savoir qui ne remplit pas ces critères est appelé « savoir naïf » ; l’on parle aussi de « doctrine» lorsqu’il est avancé par des personnes considérées comme des autorités.
Quant au contenu du savoir important pour notre contexte, on peut distinguer avec Westmeyer (1976) le savoir factuel, le savoir nomologique (concernant les lois) et le savoir technologique. Concernant les questions qui se posent et les activités scientifiques correspondantes, on peut caractériser ces contenus de la façon suivante:
le savoir factuel se rapporte à des faits, donc à la question : qu’y a-t-il, qu’est-ce qui est le cas ? Les activités scientifiques correspondantes sont la description et l’enregistrement (par les concepts et méthodes scientifiques courants) ; le savoir nomologique se rapporte aux relations entre variables ayant statutde loi, donc à la question : pourquoi ceci est-il le cas, quelles sont les cause set les conséquences de l’événement qui a été envisagé sous des conditions déterminées ? L’explication, la justification et la prédiction sont ici les activités scientifiques correspondantes ; le savoir technologique, lui, concerne les moyens par lesquels certains buts peuvent être atteints, la question : que faut-il faire pour produire (ou pour éviter) tel événement, comment peut-on atteindre ce but ? Les activités scientifiques à ce niveau sont celles de la fabrication, du contrôle et de la prédiction technologique. Il s’agit donc d’une relation moyen-fin ; pareil savoir (technologique) se caractérise par sa référence à l’action ;
le savoir « naïf », les opinions et les doctrines se rapportent aussi bien au savoir nomologique qu’au savoir technologique, mais ils se définissent par le fait qu’ils ne sont pas confirmables ou pas encore confirmés scientifiquement et s’accompagnent malgré cela d’une grande conviction subjective. Il s’agit donc de tout ce que l’on croit souvent avec beaucoup de conviction sans avoir de raisons scientifiques. Notons cependant que le savoir « naïf » est accessible à une mise à l’épreuve et à une correction, mais au niveau de l’expérience naïve, alors que la doctrine idéologique et le mythe se situent en dehors de l’expérience et de la mise à l’épreuve quotidiennes et scientifiques.