L’autisme : pathologie de l’interaction
John BOWLBY en 1969 travaille sur l’éthologie de l’attachement à la Tavistock Clinic et publie son travail à l’institut de psychanalyse. Mais en fait, c’est le couple TINBERGEN qui publie le premier travail sur l’éthologie de l’autisme.
Les comportements autistiques seraient une manifestation d’un enfant apeuré par une personne inconnue : un conflit entre deux conduites opposées d’approche et d’évitement expliquerait les comportements d’évitement du regard et l’augmentation des auto-contacts.
L’EEG computérisé montre en effet qu’une simple présence passive d’un adulte provoque une alerte cérébrale, un seuil d’activation cérébrale bien plus élevé chez les enfants autistes que dans une population témoin.
Cette observation éthologique a servi de base de départ à une cascade d’observations : l’enfant s’auto-manipule bien plus dès qu’on le regarde (STERN et BENDER, 1974). Son profil comportemental se modifie avec l’âge (CONNOLLY et SMITH, 1972). Et l’adulte lui-même est co-créateur de ce qu’il observe : observé derrière une glace sans tain, l’enfant manifeste beaucoup moins de comportements autocentrés qu’en présence de l’adulte. Il effectue des comportements de torero posant des banderilles qu’il ne fait pratiquement pas en présence d’un autre (RUTTER, 1978). Un psychothérapeute bien intentionné provoque une augmentation des auto-contacts qu’il observe et qu’il compte, alors qu’un psychothérapeute qui s’ennuie, en étant moins intrusif augmente moins les auto-contacts de l’enfant (de LANNOY, 1978). Un enfant autiste dans une pièce nue manifeste moins d’auto-contacts que dans une pièce surchargée (HU’IT, 1964).
Lorsqu’on place un enfant autiste dans une pièce où l’on projette des diapositives agrandies de visages gais, tristes, neutres ou de faces animales, on constate que les activités autocentrées sont nettement moins importantes en présence de faces animales (HUTT et OUNSTED, 1966) et plus importantes en présence de visages souriants. De même les animaux domestiques se laissent plus facilement approcher par un enfant autiste. Lorsqu’un adulte a pour consigne expérimentale de fermer les yeux ou de mettre un masque, l’enfant le dévisage plus longtemps, alors que lorsqu’il met le masque devant la bouche, l’enfant, comme d’habitude le regarde en passant (RICHER et COSS, 1976). Observés dans l’espace standardisé d’une cour de récréation avec repères naturels (arbres, porte, grille) (RICHER, 1976), les enfants autistes sont périphérisés, autocentrés et n’interagissent pratiquement pas. L’approche d’un enfant parlant aggrave les comportements d’évitement défensifs (lever un bras, rentrer la tête). L’approche d’un autre enfant autiste n’aggrave pas les comportements d’évitement. Mais une observation longitudinale révèle dans ce cas, une évolution facilitée vers la stéréotypie
(COQ, 1992). Un adulte qui ne regarde pas l’enfant ou qui l’approche par le dos, non seulement ne provoque pas d’auto- contacts mais encore facilite la décontraction musculaire et l’augmentation des contacts avec le thérapeute (SOKOLOWSKY, 1984, SOULAYROL, 1985).
Dans l’ensemble, cette série de manipulations discrètes mènent à proposer l’idée que tous les contacts (auto-contacts, sa propre odeur, et même les hétéro contacts) possèdent une fonction tranquillisante mais que le regard provoque une grande angoisse.
Le regard des autres enfants façonne fortement les comportements des autistes. Les relations de domination sont parfois si fortes entre enfants que le profil comportemental d’un autiste est nettement plus autocentré et évitant en présence d’un enfant dominant. L’enfant autiste soutient mieux le regard et devient moins autocentré quand l’enfant dominant est absent.