Complexe d'Œdipe et complexe de castration : deux complexes organisateurs: complexe d'oedipe et complexe de castration
D’où vient la notion de complexe ? C’est le psychiatre allemand Theodor Zieher qui a utilisé le premier la notion de « complexe ». Celle-ci a pris une importance particulière dans l’œuvre de Carl Gustav Jung, pour désigner des groupes d’éléments, de contenus psychiques, détachés du conscient, mais restés actifs dans l’inconscient. Freud en a distingué deux, le complexe de castration et le complexe d’Œdipe et leur a donné une valeur structurante essentielle dans le développement psychosexuel de l’enfant.
Le complexe d’Œdipe
Freud a repris certains éléments du mythe grec, y trouvant un renforcement culturel pour ses observations cliniques. Le complexe d’Œdipe défini par Freud est lié à deux grands principes de sa théorie, la bisexualité de l’être humain, d’une part, l’universalité de l’interdit de l’inceste, d’autre part. C’est en effet Freud qui a proposé de s’appuyer sur le mythe d’Œdipe, personnage créé par Sophocle, comme métaphore du conflit psychique lié à la sexualité humaine.
Une situation spontanée devenue d’observation courante depuis qu’on y prête attention chez les jeunes enfants, entre deux et cinq ans : le désir amoureux de l’enfant pour le parent de sexe opposé associé à l’hostilité pour le parent de même sexe, particulièrement net chez le garçon.
Le complexe d’Œdipe est donc l’ensemble des tendances amoureuses et hostiles de l’enfant à l’égard de ses parents. Il est conçu comme une phase essentielle du développement sexuel. Après ce premier temps d’expression, on observe une période plus discrète à ce sujet et, de façon générale quant à la sexualité, dite période de latence, qui correspond à la scolarité primaire, à la socialisation, aux apprentissages de base. C’est à la puberté que cette représentation est ravivée par la maturation physique. Se pose alors la question du choix d’objet, le remaniement de la relation aux parents. Le complexe d’Œdipe a cette place fondamentale dans la psychanalyse car il représente la problématique des relations de l’homme à ses origines, familiales et humaines, sociétales.
La référence à ce mythe est présente dans toute l’œuvre de Freud dont elle constitue une trame. Freud l’associe au désir infantile incestueux, à son universalité, d’où vient que le mythe concerne l’humanité en général. Car chaque individu a été un jour un Œdipe en imagination, fantasmant tuer son père, s’en débarrasser pour prendre sa place auprès de la mère, s’assurer de l’exclusivité de l’amour de cette dernière. C’est aussi ce qui explique l’abondance de la littérature écrite sur ce thème dans le monde.
Le complexe d’Œdipe est contemporain de la curiosité sexuelle infantile, de la différence des sexes. Il apparaît dans la tendresse manifestée pour un parent et associée à l’hostilité pour l’autre parent (situation qui peut s’inverser). Le garçon qui est amoureux de sa mère et donc hostile à son père pourra aussi, à d autres moments, manifester une tendresse pour ce dernier et de l’agressivité vis-à-vis de sa mère. Mais un des pôles sera privilégié. Il n’existe pas de symétrie directe entre la situation du garçon et celle de la fille. Mais, dans les deux cas, c’est d’abord la mère qui est l’objet de la tendresse.
Chez le garçon
Le complexe d’Œdipe s’efface devant le complexe de castration, c est-à-dire le moment où il prend conscience que son père est un obstacle à la conquête de la mère, à la réalisation de son désir. Le garçon réalisera à ce moment qu’il peut s’identifier à son père, chercher à devenir comme lui, pour plus tard jouir de ses mêmes privilèges auprès d’une femme.
Chez la fille
La situation est plus complexe. C’est en effet la découverte des effets de la castration, de la différence des sexes, et l’envie du pénis qui fait entrer la fille dans le complexe d’Œdipe, la détournant de l’amour qu’elle portait à sa mère (découvrant que celle- ci ne l’a pas pourvue de cet organe), pour s’attacher au père en imaginant de pouvoir, comme sa mère, en obtenir un enfant. Dans les deux cas il y a passage d’une relation exclusive mère- enfant, à une triangulation par l’intervention du père comme régulateur.
Le complexe d’Œdipe correspond à la phase phallique du développement sexuel, dénomination venant du fait qu’à cet âge il n’existe pour l’enfant qu’un seul organe sexuel, le pénis, symbole de pouvoir, le phallus. Le complexe d’Œdipe est aussi essentiel à la mise en place du Surmoi. Il constitue un des piliers de la psychopathologie psychanalytique : on s’interroge sur le fait que le patient a eu accès ou non à l’Œdipe (distinction entre névrose et psychose) et, dans le premier cas, on considère les différentes (ormes de la résolution de l’Œdipe (comme caractéristiques des différentes catégories de névroses).
La famille berceau des passions
Il existe chez tous les humains une instance interdictrice qui barre l’accès à la satisfaction directe du désir en l’adossant à la loi. C’est-à-dire que l’on retrouve partout une structure triangulaire entre l’enfant, l’objet de son désir, et le représentant de la loi (au départ : l’enfant, sa mère et le père). L’Œdipe de l’enfant n’est donc pas la simple transposition de la réalité de sa situation familiale, mais plutôt une reconstruction psychique, fantasmatique qui fait partie de ce que Freud a nommé fantasmes originaires. Plus que les personnes réelles, le triangle œdipien rend compte de types de relations dans le cadre de la structure psychique. Le terme de complexe évoque aussi ce point.
Le complexe de castration
Comme on le sait, la castration ou l’émasculation est la privation des glandes génitales. Les « théories » sexuelles infantiles attribuent aux deux sexes, contre toute évidence, la possession d’un pénis. L’absence de celui-ci ne peut donc être que le résultat d’une castration. Pourquoi parler de « complexe » de castration ? Le complexe de castration correspond au fantasme de castration, tentative de réponse à la question de la différence anatomique des sexes qui se pose pour l’enfant, comme nous venons de le voir, en termes de présence ou d’absence de pénis. Le complexe de castration correspond au sentiment de menace que l’enfant ressent devant le constat de la différence anatomique des sexes, et plus précisément, l’absence de pénis chez la fille.
Un complexe vécu différemment selon le sexe
Le garçon fantasme la castration comme une punition du père, punition qu’il associe au sentiment de culpabilité lié à ses activités sexuelles (auto-érotiques). Le complexe de castration se manifeste donc chez lui par l’angoisse de castration. Cette dernière peut se reporter sur toute perte, séparation, atteinte corporelle (dent, opération, accident, etc.). Tandis que la fille, constatant l’absence de pénis, l’interprète comme un préjudice subi, préjudice qu’elle peut nier, ou bien dont elle peut rechercher la réparation ou la compensation (par exemple en ayant un enfant du père). Il ne s’agit donc pas pour elle d’une angoisse, mais de la réaction à la perte. Le complexe de castration peut prendre différentes formes comme, par exemple, le sentiment d’infériorité. Il prend une place plus importante dans certaines structures comme le fétichisme ou l’homosexualité.
Complexe de castration et complexe d’Œdipe sont liés dans le temps. Ils se chevauchent quant au contenu (fantasmes originaires) et à la structure, tous deux assurant la construction du psychisme de l’enfant. La question commune à tout enfant est à ce stade : avoir ou non le phallus. La menace de castration a pu être réellement faite par un adulte ou seulement fantasmée. Le phallus est particulièrement valorisé dans la représentation que l’enfant a de lui-même, dans son narcissisme. Aussi sa vulnérabilité, la menace dont il est l’objet, est-elle vécue comme une blessure narcissique. Selon le sexe il se situe à un moment différent de l’Œdipe.
La réalité psychique est opposée à la réalité matérielle, elle est faite d’images, de représentations, de fantasmes. Les processus inconscients ont une place essentielle dans la réalité psychique. Le modèle freudien du fonctionnement psychique est celui du conflit entre les instances que sont le Moi, le Ça et le Surmoi, et la réalité extérieure. Les complexes d’Œdipe et de castration sont des organisateurs du développement psychosexuel dans les deux sexes. La libido est l’énergie vitale de l’amour, quel qu’en soit l’objet ; la pulsion est ce qui pousse à la résolution des tensions, la recherche de satisfaction. La psychanalyse est une science de la réalité psychique dans ses aspects les moins conscients.