Tout se passe dans ta tête: tout se passe dans la tete
Le cerveau humain
Le cerveau pèse en moyenne 1,4 kg et flotte à l’intérieur du crâne dans le liquide cérébrospinal. Il est constitué d’une couche externe appelée matière grise qui est le cortex cérébral et d’une couche interne, blanche, composée des cavités appelées ventricules. Le cerveau est irrigué par de grosses artères qui pompent 1,7 litre de sang par minute et qui lui fournissent l’oxygène et le glucose nécessaires. Le cerveau mobilise en effet 20 % de la consommation d’oxygène de l’organisme.
A la naissance, le cerveau possède 100 milliards de cellules nerveuses (neurones), chacune d’entre elles ayant entre 1 000 et 10 000 connections avec les autres neurones, ce qui fait un total de 100 trillions de liens (bien plus que l’ordinateur le plus sophistiqué du monde). Après la naissance, le cerveau commence à perdre environ un demi-million de neurones par jour. Ce chiffre, qui paraît plutôt effrayant, est à relativiser : il ne représente finalement que 0,0005 % du nombre total de neurones, même si durant toute une vie, cette perte correspond à 10 % des capacités du cerveau.
Dépression et antidépresseurs
On estime que 5 % de la population souffre d’une dépression à une période quelconque de sa vie et de nombreuses personnes cherchent maintenant un soutien auprès de leurs médecins. Ces derniers disposent d’une gamme de produits qui peuvent tes soulager et qui dépendent du type de dépression dont souffre la personne.
Toute personne, même riche, célèbre ou puissante, peut être atteinte de dépression. On connaît bien les dépressions de personnes comme Winston Churchill, Charles Dickens et Florence Nightingale. La dépression n’est pas simplement une maladie des pays développes. Nous sommes quelquefois amenés à le penser et nous imaginons que, durant les époques précédentes, les gens avaient des vies plus simples.
dénuées des stress du doute, de l’insécurité dans le travail, de la perte de biens, de la compétition et de la rupture amoureuse. Nous sommes tous quelquefois déprimés lorsque les choses vont mal, mais cela fait partie de la vie et nous savons que notre dépression disparaît dès que les circonstances changent. Entre-temps, nous cherchons à nous remonter le moral en fumant une cigarette, en buvant un verre, en mangeant une barre chocolatée ou en sortant en soirée avec des amis.
Par ailleurs, la dépression clinique est très différente et peut être provoquée par des événements traumatisants de notre vie. Le plus souvent, sa cause est impossible à déterminer et ses effets nous dépassent car elle provient de la façon dont le cerveau manipule les principales molécules messagères grâce auxquelles il fonctionne. Ces molécules appelées neurotransmetteurs jouent un rôle majeur dans le fonctionnement du cerveau, et il peut y en avoir soit trop peu, soit trop. Une femme sur cinq et un homme sur dix souffrent de dépression clinique à un certain moment de leur vie et une fois qu’on a connu un tel épisode qui peut durer jusqu’à deux ans, il y a fort à parier qu’il en existera d’autres.
Chez les Grecs anciens et les Romains, les médecins décrivaient des maladies que nous pourrions maintenant identifier comme étant une dépression clinique. Hippocrate en a fait la description au quatrième siècle avant J.-C., puis le célèbre médecin romain Galien au deuxième siècle après J.-C., qui l’attribuait à un excès de « bile noire », l’une des quatre « humeurs » censées déterminer notre état de santé. Au Moyen Age, on parlait de mélancolie pour signifier une tristesse inexpliquée et quand Shakespeare utilisa le mot dans La Nuit des Rois (Acte II, Scène IV), il semblait décrire la dépression clinique :
Viola… Elle était perdue dans ses pensées,
Et dans une mélancolie verdâtre et bilieuse
Elle restait assise comme la Résignation sur une tombe,
Souriant au malheur…
Aujourd’hui, les dépressions qui poussent une personne à consulter un médecin plutôt qu’à souffrir en silence sont de plusieurs types. Il existe la dépression provoquée par un événement particulier ou par un ensemble de circonstances : il s’agit de dépression réactive et elle est très différente de la dépression dite endogène qui ne présente aucune cause évidente. La première est maintenant appelée dépression unipolaire : la personne concernée a été affectée par un événement terrible dans sa vie, tel que la mort d’un être cher, la fin d’une relation, l’échec à un examen ou la perte d’un travail. (La dysthymie est une forme de dépression plus longue. Elle dure deux années ou plus et se manifeste périodiquement durant plusieurs jours). La maladie maniaco-dépressive dans laquelle le patient oscille entre des jours de profonde dépression et des jours d’allégresse non naturelle est mainte¬nant appelée dépression bipolaire. Il existe d’autres formes de dépression telles que la dépression post-partum, la dépression saisonnière qui survient à la fin de l’automne et en hiver et la dépression secondaire qui accompagne d’autres maladies telles que le diabète, les maladies coronariennes, les arthrites, le SIDA, le cancer et un accident vasculaire cérébral.
Les premiers traitements efficaces contre de tels états mentaux furent disponibles pour la première fois vers 1900 avec l’apparition des premiers « sédatifs ». Ces derniers étaient des dérivés de l’acide barbitu¬rique, un produit chimique simple qui a été fabriqué pour la première fois à la fin du XIXe siècle par le chimiste allemand Adolf von Bayer.
Vers 1900, on produisait et on testait plus de 2 000 variantes de barbituriques et certains d’entre eux comme le phénobarbital (appelé aussi phénobarbitone) devinrent les traitements standard de la dépression. Un barbiturique, le sécobarbital de sodium, était administré pour le traitement de l’insomnie. Un autre, le Penthotal (le thiopental de sodium) devint ce que l’on appelle le sérum de vérité car on croyait qu’il faisait répondre plus rapidement les personnes sous interrogatoire. Actuellement, les barbituriques sont peu prescrits car une overdose peut être mortelle.
Pour traiter une dépression sévère, les médecins avaient recours à d’autres méthodes telles que l’électroconvulsothérapie : le cerveau était soumis à un choc électrique important, affectant ainsi considérablement les neurotransmetteurs, et procurant finalement un certain soulagement.
Les meilleurs antidépresseurs ont été découverts accidentellement. Par exemple, l’amphétamine était prescrite dans les années 1930 comme décongestionnant nasal, mais l’un de ses effets secondaires était l’insomnie. Durant la Seconde Guerre mondiale, ce médicament, connu sous le nom de Benzédrine, était aussi administré aux équipages des bombardiers pour les maintenir éveillés durant leurs longues missions. Nous savons maintenant que le principal effet de l’amphétamine est de provoquer un afflux soudain des deux molécules messagères, la dopamine et la noradrénaline, tout en supprimant les effets du troisième neurotransmetteur, la sérotonine. L’action de l’amphétamine sur la sérotonine entraîne une perte d’appétit, ce qui explique sa popularité chez les personnes qui suivent des régimes, alors que son action sur la noradrénaline est très prisée par les étudiants en période d’examen ainsi que par des soldats en partance pour le front.
On peut identifier la dépression clinique à l’aide d’un jeu de symptômes qui doivent persister durant au moins deux semaines : sentiment de détresse et de tristesse, manque d’intérêt pour des activités qui procurent habituellement du plaisir, léthargie, insomnie, perte d’appétit, anxiété permanente, et même des symptômes physiques tels que des maux de tête, un pouls rapide, des douleurs à l’estomac et une perte de poids. Devant tous ces symptômes, un médecin prescrira probablement un antidépresseur moderne, les plus connus étant le Zoloft, le Paxil, et le Prozac, ce dernier étant le plus populaire de tous. Ces médicaments agissent sur la chimie du cerveau de façon à rétablir les taux naturels de neurotransmetteurs.
Les milliards de neurones du cerveau possèdent tous des branches appelées axones qui transportent les messages. Les cellules possèdent également des filaments appelés dendrites qui relient les cellules entre elles, mais ce sont les axones qui transportent les messages. Curieusement, les axones ne relient pas directement une cellule nerveuse à une autre. Sur le trajet, il y a un espace appelé synapse et c’est alors qu’interviennent les molécules messagères. Elles sont libérées à l’extrémité du neurone, franchissent la synapse et déclenchent un récepteur qui reporte le message. De telles molécules messagères existent en nombre (citons par exemple la molécule NO traitée au chapitre 3) mais trois d’entre elles sont particulièrement importantes pour la détermination de notre humeur ; il s’agit de la dopamine (appelée aussi 3-hydrox tyramine), la noradrénaline (appelée aussi norépinephrine) et la sérotonine (appelée aussi 5-hydrox tryptamine). Portent généralement plus de cicatrices sur le corps, une preuve de leur tendance à recourir à la violence.
L’axone libère les neurotransmetteurs dans la synapse et c’est à ce moment que les choses peuvent se gâter. Après avoir délivré son message, la molécule messagère peut être désactivée par une enzyme appelée la monoamine oxydase ou réabsorbée dans l’axone, prête à être réutilisée ; dans ce dernier cas, on parle de processus de recapture. Chacun de ces deux processus réduit le taux de la molécule de neurotransmetteur dans la synapse à tel point qu’il peut gêner la tâche assignée à la molécule, ce qui entraîne des changements de l’humeur et la dépression.
Il y a deux façons de gérer le manque de molécules messagères : elles consistent, soit à bloquer l’activité des enzymes monoamine oxydase, soit à empêcher le processus de recapture. La première affectera probablement les trois neurotransmetteurs alors que la seconde peut être plus prudemment ciblée car chaque molécule messagère possède un mécanisme de recapture propre. Il devrait donc être théoriquement possible d’exercer un contrôle plus précis sur celle supposée être à l’origine du problème. Les premiers tranquillisants appartenaient à la première catégorie et on les appelait collectivement les inhibiteurs de la monoamine oxydase (IMAO). Non seulement leur action n’était pas sélective, mais elle pouvait aussi gêner d’autres parties de l’organisme où l’enzyme monoamine oxydase était utilisée ; cela pouvait entraîner des effets secondaires indésirables tels que transpiration, constipation, prise de poids et dessèchement de la bouche.
L’autre approche, qui consiste à contrôler la recapture, a visé principalement la sérotonine et la noradrénaline. Nous avons donc des inhibiteurs spécifiques de recapture de sérotonine (SSRI), des inhibiteurs
de recapture de noradrénaline (NARI) et même des médicaments inhibiteurs de recapture de sérotonine et de noradrénaline (SNRI) qui les affectent toutes les deux. Il existe même des médicaments qui ciblent les récepteurs spécifiques de la sérotonine, pour lesquels on a identifié quatorze types différents. (Il existe cinq récepteurs dans différentes parties du cerveau qui sont activés par la dopamine et au moins huit par la noradrénaline.)
Le plus célèbre des SSRI est le Prozac : dans le traitement de la dépression clinique, il a transformé la vie des gens à tel point qu’on le surnomme « le soleil liquide ».
Selon certains patients, il a non seulement guéri leur dépression mais il a aussi amélioré la qualité de leur vie. D’autres sont même allés jusqu’à dire que, grâce au Prozac, ils ont finalement découvert leur vraie personnalité. Quelle est donc la nature de cette remarquable molécule ?