les traitements de la maladie d'Alzleimer
La MA est une affection que beaucoup redoutent et avec laquelle encore plus de gens doivent vivre car elle affecte un être cher ; son début est difficile à diagnostiquer et son évolution presqueimpossible à empêcher ou à retarder. Mais les nouveaux médicaments qui arrivent sur le marché pourraient bien changer tout cela.
Ainsi que nous l’avons déjà noté, le changement physique le plus évident dans le cerveau de ceux qui sont atteints de la MA est la forma¬tion de protéines déficientes ; elles sont déviantes en ce sens qu’elles sont incorrectement « repliées ». Le repliement est le terme technique indiquant la façon qu’a la chaîne protéinique de prendre la structure nécessaire pour jouer son rôle dans l’organisme. Les enzymes fabriquent en permanence des protéines et dans de nombreux cas, elles le font en reliant entre eux des acides aminés pour former de longues chaînes ; cependant il ne suffit pas d’apporter les bons acides aminés car les chaînes doivent se « replier » correctement. Lorsque les protéines ne parviennent pas à adopter la structure correcte, les choses commencent réellement à se gâter. Les protéines mal repliées apparais¬sent comme des masses de fils enchevêtrés, et peuvent être déposées dans tous les types de tissus de l’organisme. On les appelle plus précisé¬ment des fibrilles amyloïdes.
L’évolution et la sélection des espèces ont conduit au repliement des protéines en structures utiles, et ce, malgré leur tendance naturelle à vouloir former des fibrilles. Lorsque notre organisme perd le contrôle du repliement des protéines, il se forme des fibrilles avec pour conséquences la maladie de Creutzfeld-Jacob (la forme humaine de l’encéphalopathie spongiforme bovine, ESB, ou maladie de la vache folle), la MA et la maladie de Parkinson. On peut retrouver des kilo¬grammes de fibres de protéines mal repliées chez les personnes victimes de ces maladies. Evidemment, un médicament qui stopperait ce phénomène offrirait le plus grand espoir de prévenir la maladie et déjà, on en voit quelques-uns qui pourraient le faire.
En attendant, il existe d’autres moyens de soulager les personnes atteintes de la MA. Les antidépresseurs peuvent contrer l’un des premiers symptômes de la maladie, la dépression chronique, qui apparaît lorsque les victimes commencent à réaliser qu’elles perdent le contrôle de leur mémoire. Les médicaments anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) tels que l’ibuprofène peuvent aider à protéger contre la MA car les neurones enflammés ont tendance à s’amasser autour des plaques et à endommager les neurones sains. De nombreux AINS sont en vente libre en tant que spécialités pharmaceutiques et sont couramment utilisés pour traiter les maux de tête (par ex., le paracétamol), les douleurs musculaires (l’ibuprofène) ou les deux à la fois (l’aspirine). La curcumine est un AINS naturel qui est obtenu à partir du curcuma.
Les métabolites d’oxygène actif (ROM) peuvent endommager et tuer des cellules, et avec l’âge, notre organisme arrive plus difficilement à éliminer des produits chimiques naturels. Une perte d’audition pendant la vieillesse est due aux ROM et l’importance de cette perte d’audition indique jusqu’à quel point l’organisme fait face à leur élimi¬nation. Il est clair que les vitamines antioxydantes sont bénéfiques, et si le régime alimentaire n’en apporte pas suffisamment cela pourrait bien aggraver la MA.
La MA touche les zones du cerveau riches en acétylcholine (Ach), une molécule messagère qui est fabriquée par une enzyme, la choline acétyl- transférase. Après avoir agi, Ach doit être éliminée par une autre enzyme, l’acétylcholine estérase. Le danger est que, lorsque notre cerveau vieillit, l’enzyme reste efficace pour l’élimination d’Ach mais la choline acétyl- transférase perd lentement son aptitude à la produire. Chez certaines personnes, cela ne constitue pas un problème, car l’organisme a la capa¬cité de produire plus d’Ach qu’il n’en a réellement besoin, mais chez d’autres, lorsque le niveau de perte atteint le point critique, il n’y a pas suffisamment d’Ach pour faire face aux besoins de l’organisme. En 1976, on a établi un lien entre les taux réduits d’Ach et le début de la MA.
Un objectif évident de la recherche pharmaceutique a été de mettre au point des produits chimiques capables de bloquer l’enzyme qui détruit l’Ach afin de préserver la quantité d’Ach dans le cerveau. Cet axe de recherche a produit quelques médicaments utiles et bien qu’ils soient capables de ralentir l’évolution de la maladie, ils ne peuvent arrêter complètement le déclin de la capacité du cerveau à produire l’Ach, et finalement, ils n’ont plus d’effet.
Les médicaments conçus pour stopper ou même prévenir la MA peuvent être testés sur des souches spéciales de souris qui ont été programmées pour accumuler des plaques amyloïdes dans leur cerveau. Le premier médicament spécifique au traitement de la MA était la tacrine dont l’utilisation a été agréée aux Etats-Unis en 1993, mais non au Royaume-Uni en raison de graves effets secondaires. Une meilleure version, appelée donepezil, a été produite par la compagnie japonaise Eisai. Elle a été lancée en 1996 aux États-Unis, en 1997 en Grande- Bretagne, puis suivie par la rivastigmine en 1998. La tacrine et le done¬pezil, commercialisés en France sous les noms de Cognex et Exelon, sont des médicaments utilisés en cas de MA légère ou modérée alors que la rivastigmine (Aricept en France) semble même augmenter le taux dAch dans les zones du cerveau les plus atteintes par la maladie.
Une molécule découverte dans les bulbes des perce-neige et des jonquilles, la galantamine (commercialisée sous le nom Reminyl), est plus efficace ; elle fut mise sur le marché en 2000. Elle améliore l’activité mentale et élimine les difficultés comportementales. Certai¬nes personnes traitées à la galantamine montrent même des signes de guérison et pas uniquement un ralentissement de la maladie. La galantamine bloque non seulement la décomposition de l’acétylcho- line mais elle stimule également les récepteurs de nicotine du cerveau qui, à leur tour, stimulent des neurones pour libérer davantage d’Ach. On pense aussi que la nicotine protège contre la MA car elle peut imiter les effets de l’Ach. Des médicaments plus récents empruntent les mêmes voies et ceux qui stimulent les récepteurs de la nicotine sont particulièrement prometteurs. Jusqu’à présent, ils ne portent que des numéros de code comme le GTS-21, SIB-1553A, TAK-147, certains ayant déjà un nom générique comme le néfiracetam et l’huperzine ; ce dernier a été extrait pour la première fois d’une herbe chinoise, l’huperzia serrata.
Un autre axe de recherche s’est concentré sur la neutralisation de la toxicité d’un métal, non pas de l’aluminium mais du cuivre. On a trouvé que la présence de cuivre dans le sang aggravait la MA. Certes, ce métal est essentiel pour toutes les cellules vivantes de l’organisme, mais il ne doit pas exister en quantités trop importantes. Le clioquinol est un médicament qui peut réduire la quantité de cuivre libre dans l’organisme en rendant facile son élimination, et des études sur des souris atteintes de la MA montrent qu’il peut même éliminer les plaques de leurs cerveaux. Certains métaux semblent attirer les pepti¬des amyloïdes et initier ainsi la formation de plaques. Le zinc semble présenter cette capacité ; le clioquinol se lie à ce métal et le rend inactif.
L’approche la plus prometteuse dans le traitement de la MA serait de prévenir la formation de protéines amyloïdes, prévenant ainsi la forma¬tion d’enchevêtrements fibreux qui conduisent à l’inflammation et à la destruction des neurones, et aux symptômes extérieurs de la maladie. Une équipe dirigée par Mark Pepys, de la Royal & Free University College Medical School (Faculté de Médecine de l’Université Royale et Libre) de Londres a trouvé qu’un dérivé de la molécule d’acide pyrroli¬dine -2 carboxylique a la capacité de dissoudre les fibrilles amyloïdes en réagissant avec un constituant du sérum qui leur permet de rester stables. La molécule réagit avec ce dernier et l’élimine à travers le foie, et les fibrilles non protégées commencent à se disloquer. Les résultats de cette équipe ont été publiés en 20021 dans Nature.
Pepys découvrit l’agent actif lorsqu’il entreprit de tester les milliers de molécules appartenant à la compagnie pharmaceutique Roche afin de voir si elles étaient capables de former une liaison avec un constitu¬ant du sérum. Le test avec le composé Ro-15-3479 fut positif, et sur cette base, Pepys élabora un composé similaire qui était bien plus efficace : le CPHPC.1 II était non toxique, bien toléré et potentielle¬ment très actif à fortes doses pour l’élimination du constituant sérique du sang. À mesure que le taux de ce constituant chute, cette diminu¬tion est enregistrée et le constituant sérique qui protège les dépôts amyloïdes se dissout dans le sang, exposant alors les dépôts à une atta¬que par des enzymes de recyclage de protéines. Les tests sur des souris furent si concluants que le CPHPC fut aussitôt testé sur des patients en phase terminale de la MA. On observa qu’il avait un effet bénéfique sur ces malades, mais sans pouvoir les sauver.
Finalement, dans la revue Nature Neuroscience de mai 2002, une équipe dirigée par Kelly Baies, des Laboratoires de Recherche Eli Lilly, publia un article indiquant qu’une simple injection de l’anticorps m266 était capable d’améliorer la mémoire de souris atteintes de la MA. On ne sait pas encore si cela produit le même effet chez des patients humains.
Aux États-Unis, un test urinaire de dépistage de la MA est mainte¬nant disponible. AlzheimAlert détecte la protéine NTP qui est présente uniquement chez les personnes atteintes de MA et dont le taux augmente à mesure que la maladie progresse et que les cellules nerveuses meurent. Le laboratoire pharmaceutique Nymox a produit le test : ce dernier implique l’utilisation d’un échantillon de 50 ml d’urine qui est soumis à Nymox pour analyse. Son coût est d’environ 295 $ et les résultats sont obtenus cinq jours après la date de dépôt de l’échantillon. La compagnie affirme que le pourcentage de succès de ce test pour le dépistage de la maladie est de 90 %.
Il y a maintenant toutes les raisons de croire que l’on pourra préve¬nir et même traiter la MA du vivant des lecteurs de cet ouvrage. Cela peut aussi avoir un effet secondaire jusqu’à présent insoupçonné : les plus vieux fumeurs qui comptent couramment sur la nicotine pour chasser la MA n’auront plus d’excuse pour persister dans leur habitude.