La répression
Durant des siècles, la sorcellerie des campagnes provoque peu de réaction de la part des autorités ecclésiastiques ou laïques. On brûle bien quelques sorciers, ou prétendus tels, par exemple en Lorraine, parce qu’un brouillard froid s’est abattu sur les vignobles (1456) ou parce qu’il tombe des pluies torrentielles (1481), mais de tels cas sont rares. Dans la ferveur religieuse ambiante du Moyen Âge, la survivance chez certains de croyances anciennes n’a guère d’importance.
La répression s’abat surtout à partir de la fin du 15e siècle, et au 16e siècle, périodes de crises économiques et de troubles graves provoqués par les guerres de religion, catholiques contre protestants. Périodes donc favorables à l’extension de la sorcellerie, « fille de la misère » comme dit l’historien Michelet.
L’Église craint alors tous les schismes, toutes les déviations. Malheur aux bossus, aux boiteux, aux borgnes. Malheur aux bergers contemplateurs d’étoiles, aux bûcherons taciturnes, aux colporteurs bavards, aux taupiers trop en contact avec les animaux, aux forgerons jouant avec le feu… C’est par milliers que sorciers, sorcières ou prétendus tels vont brûler sur les bûchers après avoir subi des tortures suffisantes à leur faire avouer n’importe quoi, et en particulier leur collusion avec le diable et leur participation aux sabbats…
La chasse aux sorciers prend par endroit l’aspect d’une folie collective dans laquelle s’illustrent des juges sanguinaires, tel en Lorraine Nicolas Rémy (1530-1612), lequel fait brûler vives plus de trois mille personnes. Les enfants des condamnés, eux, sont fouettés, et doivent tourner en chantant autour des bûchers sur lesquels brûlent leurs parents. Un contemporain du procureur Rémy, Henri Boguet, grand juge dans le Jura, fait brûler six cents personnes…
En Allemagne, durant trois siècles de guerres religieuses et de révoltes paysannes, plus de trente mille « sorciers » sont exécutés. Détail terrible : en Silésie (1651) les bourreaux manquant de bois, étouffent leurs victimes dans des fours… En Angleterre naît un nouveau métier : découvreur de sorcières qui sont traquées, saisies, marquées au visage, puis livrées à la justice contre paiement d’une prime.
Nous sommes loin de l’humour manifesté plus tard par Voltaire affirmant qu’il était ridicule de condamner un sorcier à mort : s’il était vraiment un sorcier, il saurait éteindre le feu de son bûcher et tordre le cou de ses juges…