Diagnostic des schizophrénies
Signes cliniques
La sémiologie des syndromes schizophréniques s’organise classiquement autour d’un trépied symptomatique :
- le syndrome dissociatif (désorganisation)
- l’activité délirante et hallucinatoire (signes positifs)
- le retrait autistique (signes déficitaires)
Syndrome dissociatif
Le mot « schizophrénie » a été inventé par Eugène Bleuler au début du 20eme siècle. Il vient de « schizen » qui veut dire découper et de « phren » qui signifie âme, pensée. Le terme « discordance » et dissociation sont deux termes désignant un phénomène identique, celui de défaut de cohésion (scission, perte d’unité) de la personnalité du patient atteint de schizophrénie qui touche : a la pensée (donc le langage)
l’affectivité et les émotions
la conduite
Selon Henry Ey, la dissociation schizophrénique, se manifeste par :
- l’Ambivaienœ
- la Bizarrerie
- l’impénétrabilité
le Détachement
Dissociation au niveau de la sphère intellectuelle :
La dissociation de la sphère de la pensée ne réalise pas une atteinte intrinsèque de la pensée, mais plutôt une atteinte de la coordination, de l’agencement logique des idées et de leurs associations, qui se font de façon désordonnée, sans logique ni harmonie. Les associations idéiques sont perturbées avec de brusques ruptures de sens, des
contaminations d’une idée par une autre, des associations absurdes ou une diffluence faite de digressions incontrôlables et sans rapport entre elles.
- • Les troubles du cours de la pensée : barrage, fading.
- Les barrages reflètent un arrêt éphémère de la pensée. Ils se présentent comme un arrêt brusque du discours au milieu d’une phrase pendant quelques secondes ou minutes, le discours reprenant ensuite son cours normal sur Je même thème ou sur un thème différent.
- Le fading correspond à une extinction progressive du flux des paroles et des idées.
- Les troubles du langage sont de sévérité variable. A l’extrême, ils peuvent constituer un véritable néolangage appelé néologisme (mots nouveaux, sans signification, crées par le malade) et éventuellement incompréhensible désigné alors par schizophasie (salade de mots). Plus fréquemment, le discours du schizophrène, reflet de sa pensée, apparait illogique, impénétrable, bizarre, hermétique et incohérent. Le discours peut « dérailler » en passant d’un thème à un autre (« saut du coq à l’âne » ou relâchement des associations). Les réponses peuvent être reliées de manière indirecte aux questions ou ne pas y être reliées du tout (pensée tangentielle). On peut aussi avoir une extrême pauvreté de la parole (aiogie) ou une répétition automatique des paroles de l’interlocuteur (écholalie) ou des stéréotypies sans fin.
Trois particularités méritent d’être soulignées :
- la tendance au symbolisme : c’est le recours à des métaphores et à des images donnant aux expressions du schizophrène un caractère bizarre, maniéré et flou,
- l’abstractionnisme : c’est une tendance systématique à la manipulation « gratuite » de concepts abstraits.
- le rationalisme morbide : c’est une activité mentale pseudo-logique, où la pensée se perd dans des raisonnements d’allure scientifique ou philosophique totalement détachée du réel.
Dissociation au niveau de l’affectivité et des émotions :
L’appauvrissement de l’affectivité et des réactions émotionnelles est l’un des symptômes fondamentaux, surtout dans les formes chroniques.
• La froideur dans le contact, l’indifférence à autrui, l’apparence insensible, la lenteur des réactions émotionnelles s’accompagnent d’un sentiment de désintérêt, d’aboulie et d’inertie.
• L’athymormie ou perte de l’élan vital, exprime l’importance du déficit affectif.
• L’hypersensibilité amène les patients à se soustraire le plus possible des sollicitations extérieures.
• Des réactions émotionnelles brutales peuvent venir rompre l’apparente neutralité affective : colère violente lors d’une frustration minime ou accès de rires immotivés.
• L’ambivalence affective ; décrite par Bleuler comme : « cette tendance de l’esprit schizophrénique à considérer dans le même temps sous leurs deux aspects négatif et positif les divers actes psychologiques ». Elle s’exprime par la simultanéité de puisions et de sentiments contraires : amour et haine ; désir et rejet ; fusion et séparation.
Dissociation dans le domaine psychomoteur (comportement) ;
La dysharmonie des mouvements peut donner une impression caractéristique de surcharge, d’affectation, de bizarrerie, définissant le maniérisme. De même, il peut exister des stéréotypies (répétition de gestes, d’attitudes ou d’actes plus complexes, caractérisées par leur invariance, leur durée, leur inutilité et leur inadéquation aux circonstances (exemple des balancements).
Le syndrome catatonique associe dans sa forme complète :
– !e négativisme : résistance voire opposition active (par exemple refus de la main tendue)
– la catalepsie ou « flexibilité cireuse » : c’est la prise en masse des différents segments de membre et préservation des attitudes imposées ou spontanées.
– les hyperkinésies : impulsions verbales et/ou gestuelles et décharge motrice clastique.
Le syndrome délirant :
L’activité délirante peut être permanente ou survenant par crises.
-Le syndrome de dépersonnalisation se traduit par une altération de la perception de soi à un degré tel que le sens de sa propre réalité corporelle et psychique est perdu.
Le corps parait étranger, différent, détaché, transformé. Ce syndrome peut entrainer une angoisse majeure (dite de morcellement), des plaintes hypochondriaques (liés à la sensation d’organes modifiés…), des préoccupations dysmorphophobiques pouvant être à l’origine de nombreuses attitudes de vérifications (signe du miroir).
La dépersonnalisation est fréquemment associée à un état de déréalisation. La perception de l’environnement est alors altérée, le monde extérieur parait irréel ou comme dans un rêve (expérience d’étrangeté).
-Le délire paranoïde : les thèmes délirants peuvent être variables dans le temps, donnant un aspect flou, chaotique, non systématisé. Tous les mécanismes peuvent être observés (intuitions, interprétation, hallucinations). Le syndrome hallucinatoire psychosensoriel (hallucinations auditives, cénesthésiques, visuelles, olfactives) et le syndrome d’automatisme mental et d’influence sont à rechercher systématiquement.
-Le syndrome d’automatisme mental a été décrit par Gaétan De Clérambault. Il symbolise l’automatisation d’une partie de la pensée de la personne. C’est le fait de ne plus être sûr de rester maître de sa propre pensée par la réflexion.
Il existe 2 types:
Le petit automatisme mental :
il représente généralement le début symptomatique de la maladie. Les troubles sont d’abord anîdéiques et athématiquës. Le sujet a l’impression qu’une partie de sa pensée échappe à son contrôle et fonctionne seule. Il a une impression d’étrangeté des choses et des gens avec des phénomènes d’affects imposés (gaieté ou tristesse sans cause), d’intuitions abstraites, de dévidage muet des souvenirs, de pensées, d’arrêts de la pensée, d’oublis, de jeux verbaux, de répétitions multiples d’une phrase, de kyrielles de mots…
Le grand automatisme mental :
il s’agit d’un triple automatisme psychique, moteur et psychosensoriel.
-L’automatisme psychique (idéo-verbal): pensée imposée, devinement de pensée, commentaire de la pensée, commentaire des actes, vol de la pensée, écho de la pensée, de la lecture, de l’écriture. Le patient a le sentiment d’être soumis à une influence extérieure qui le dépossède de sa pensée, qui l’oblige à penser d’une façon qui n’est pas la sienne et influence fes sentiments.
La pensée devient auditive, perçue comme une réalité objective et extérieure.
-L’automatisme moteur: actes imposés (télékinésie), articulations verbales forcées…
-L’automatisme sensitif (psychosensoriel): impr essions étranges au niveau des organes génitaux externes, de la peau…
L’autisme schizophrénique :
Défini par « la perte de contact vital avec la réalité ». Il comporte deux aspects :
- Un retrait du monde et un détachement de la réalité
- Une prééminence de la vie intérieure avec reconstitution d’un monde hermétique, peu communicable, se traduisant par l’émergence de comportements archaïques (désinhibition instinctuelle, recherche sexuelle de la mère ou du père…)